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Franckie33
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Ouilet, men deùlagad Pleurez, mes yeux (Abbé Pourchasse, 1720-1796) Interprété par le Kanerion Pleuigner Ouilet, men deùlagad, ouilet, marù é Jézus : Marù é Jézus eidomb, péherion maleurus ! Plus
Ouilet, men deùlagad
Pleurez, mes yeux
(Abbé Pourchasse, 1720-1796)
Interprété par le Kanerion Pleuigner


Ouilet, men deùlagad,
ouilet, marù é Jézus :
Marù é Jézus eidomb,
péherion maleurus !
Pleurez mes yeux,
Pleurez, Jésus est mort :
Jésus est mort pour nous,
malheureux pécheurs !

Marù é Jésus eidomb
ar er maner Kalvar
Pé kalon ne darho
get chif ha get glahar !
Jésus est mort pour nous
sur la colline du Calvaire.
Quel cœur n’éclaterait
de chagrin et de douleur !


Tosteit, péherion,
deit ha gélet ho labour ;
Pep péhed ho és groeil
zo bet é dorfétour.
Approchez, pécheurs,
venez voir ce que vous avez fait ;
Chaque péché que vous avez commis
a été son meurtrier.


A ! N’um geméret ket
doh er Juifed eisé ;
Sekouret ho és int,
reit ho és dorn dehé !
Ha ! Ne vous en prenez pas
ainsi aux Juifs ;
Vous les avez aidés,
vous leur avez prêté la main.


Hun inéan él en eur
én tan zo aprouvet.
Bet er blank devéhan
en delé vé péet.
Notre âme est mise à l’épreuve
comme l’or dans le feu,
Jusqu’au dernier sou,
la dette est payée.


Les paroles de Ouélet men daoulagad sont de l’abbé Pourchasse (1720-1796), recteur de Ploeren et missionnaire diocésain. Elles sont issues de son troisième recueil de cantiques paru en 1779 : Canenneu spirituel aveitt pedein, maelein, trugairécatt (Cantiques spirituels pour prier, louer et rendre grâces) Ces paroles ont été révisées par Le chanoine Le Priellec au début du XXème siècle.

L’abbé Pierre Le Goff écrit aussi que ce cantique a été chanté pour la première fois (ou peut-être même composé) pour la mission de Gourin de 1828. Le cantique serait-il resté en sommeil pendant presque 50 ans ? Ou bien serait-ce un nouvel air qui aurait été composé pour l’occasion sur les anciennes paroles retouchées ? Les éléments manquent pour répondre. Toujours est-il que la version originale du cantique est en vannetais et a été transcrite par la suite pour la Cornouaille morbihannaise avant d’être répandu dans les diocèses de Quimper et Léon et de Saint Brieuc et Tréguier.

Par le caractère saisissant et grave de sa mélodie il est le plus adapté à provoquer dans l’âme du Chrétien les sentiments de compassion et le regret des péchés causes de la mort du Sauveur. Le refrain nous rappelle la mort de Jésus sur le Calvaire et interroge le chrétien: « quel cœur n’en serait pas brisé de chagrin et de douleur » ? On retrouve ici les mots d‘un autre cantique de la Passion « Piv a lavaro pebez glac’har » (qui dira quelle douleur) paraphrase du Stabat Mater.

Les 4 premiers couplets sont extraits du recueil de Vannes qui en comporte 14. Les recueils de Quimper et Saint Brieuc ont quand à eux 12 et 11 couplets. On notera que dans le recueil de Saint Brieuc le couplet 3 dans lequel il est question des juifs, a disparu (les paroles ont été révisées au XXème siècle).

Dans le recueil Vannetais on observe une chose inhabituelle pour des mélodies populaires : l’ambitus (étendue des notes d‘une voix ou d‘un instrument de la plus grave à la plus aiguë) est très étendu couvrant une octave et demi.La dernière phrase musicale (absente dans les recueils de Quimper et Saint Brieuc) se termine par un La grave.

Certaines phrases du cantique ont des ressemblances avec certains airs profanes de gwerzioù (complainte/poème) comme Ti Eliz Iza popularisé au XXème siècle par les sœurs Goadec. Le cantique est écrit en mode de La ancien et possède à plusieurs endroits une série de notes conjointes : mesure 4 (fa-mi-ré-do) et mesure 14 au 3ème passage en 9/8 (do-ré-do-si-do). On a dans la partition comme c’est fréquent en musique bretonne des changements de rythme en cours de cantique: on passe du 6/8 au 9/8 pour finir en 6/8.

Le 4ème couplet invite l’âme du pécheur à éprouver de la contrition au pied de la Croix: « jetez-vous à ses pieds, pleurez vos péchés; souvenez-vous qu’ils ont été la cause de sa mort et de ses souffrances ». Le ton sans équivoque employé par l’auteur du cantique laisse à penser qu’il s’agit d‘un cantique écrit pour ou à l’occasion d‘une mission paroissiale sur le thème de mystère de la Rédemption.

N’oublions pas que pendant longtemps (surtout aux XVII et XVIIIème siècles) les cantiques ont étés un formidable outil d‘évangélisation des populations rurales en Bretagne.

Pour nous préparer à la Semaine Sainte et spécialement à l’office du Chemin de Croix nous pouvons donc écouter le cantique « Ouilet men daoulagad » interprété de manière très saisissante et recueillie par les Kanerion Pleuigner, accompagné par les scènes de la Passion provenant des grands Calvaires Bretons (Pleyben, Tronoën, Plougastel Daoulas, Guimillau, Saint Thégonnec).
jili22
Merci de tout coeur !