DEUXIÈME DIMANCHE DE CARÊME ( CONDUITE POUR PASSER SAINTEMENT LE CARÊME du Rnd Père AVRILLON )
PRATIQUE
Veillez soigneusement sur les puissances de votre Âme, pour les rendre dignes d'être transformées en Dieu dans le Ciel, et d'y concourir à votre bonheur éternel. Que votre mémoire s'occupe du souvenir de vos péchés pour les pleurer, et des divines miséricordes pour les reconnaître. Que votre esprit se captive et s'interdise toutes les pensées mondaines pour s'occuper de la Gloire de Jésus sur le Thabor, et de celle qui vous est promise dans le Ciel; et que votre volonté multiplie les actes d'amour et cherche à lui plaire en toutes choses.
MÉDITATION
Seigneur, dit Pierre à Jésus, il fait bon ici pour nous; si vous voulez, bâtissons-y trois tentes: une pour vous, une pour Moïse, et l'autre pour Elie.
1er POINT La transfiguration de Jésus-Christ sur le Thabor est le modèle de la transfiguration glorieuse de notre Âme dans le ciel. Transportez-vous en esprit dans ce bienheureux séjour; oubliez la terre et toutes les créatures pour penser au bonheur éternel que Dieu prépare à ceux qui l'aiment. Dites-vous à vous-même: Si je suis fidèle à mes devoirs, si j'aime Dieu de tout mon Cœur, et mon prochain comme moi-même, je verrai Dieu, je serai transformé en Dieu, je serai tout en lui, et il sera tout en moi; il y aura Plénitude de Dieų dans ma mémoire, Lumière de Dieu dans mon esprit, Amour de Dieu dans ma volonté. Oui, votre mémoire sera toujours remplie de Dieu; elle l'aura toujours présent, sans le pouvoir oublier, et rien ne sera capable d'effacer le souvenir de ses bontés et de ses miséricordes. Votre esprit sera absorbé dans cet Océan de lumières, toujours appliqué à Dieu, sans peine et sans distractions, sans dégoûts, sans cesser de le voir face à face et de le connaître tel qu'il est. Votre cœur sera transformé par le pur amour, qui est Dieu même. Il perdra tout ce qu'il y a de grossier et de terrestre par l'action douce et toute puissante de ce feu Céleste et Divin ; Il sera concentré et absorbé dans le cœur de Dieu même pour n'en sortir jamais. Travaillez donc à vous rendre digne de cette Transfiguration Bienheureuse qui vous est préparée.
Lorsqu'il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit, et les apôtres tombèrent sur leurs faces.
2ème POINT Tant que vous serez dans ce monde, ne dites pas comme Saint Pierre: « Seigneur, il fait bon ici pour nous. » Il n'y fait bon qu'en passant, et autant que vous travaillerez à rendre votre âme digne de posséder Dieu. Appliquez votre esprit à la connaissance de Dieu et de vous-même; n'ayez de curiosité et de goût que pour ces vérités solides et édifiantes qui sont émanées de la première vérité, qui est Dieu, et qui y conduisent. Brisez dans votre esprit, dit saint Augustin, toutes les idoles de fausseté, si vous voulez qu'il soit le Temple de la Vérité. Cherchez les grandes Vérités par des lectures, des méditations et des oraisons fréquentes. Retirez-vous, comme Jésus-Christ, dans la solitude et sur une montagne. Il faut de la retraite et de l'élévation d'esprit pour connaître et goûter la vérité. Travaillez sur toutes choses à la transfiguration de votre Cœur; ayez la noble ambition de le faire ressembler à celui de votre adorable Sauveur. On va au Ciel, dit Saint Augustin, non par les démarches du corps, mais par celles du cœur. Il ne marche pas seulement, il vole, il a des ailes, et c'est l'amour qui les lui donne. Comme il monte au Ciel par l'amour, il en descend par la nonchalance et la froideur. Interdisez-lui toutes les attaches qui n'ont pas Dieu seul pour objet. Quand le cœur est à une créature, il n'est plus capable d'être à Dieu: un sentiment est l'exclusion de l'autre.
SENTIMENTS.
Conduisez-moi, Seigneur, dans la solitude; elle me sera bien délicieuse, pourvu que j'y sois avec Vous, que je ne vous perde point de vue, que vous y parliez à mon cœur, et que j'y parle au Vôtre; Menez-moi, comme vos apôtres, sur cette montagne mystérieuse, afin que je ne m'attache jamais à la terre ni aux sentiments terrestres qui m'empêchent de m'élever jusqu'à vous. Mon âme est faite pour le ciel, et elle doit faire consister son bonheur à s'élever en esprit au céleste séjour, où elle espère faire sa demeure éternelle. Approchez-vous de moi, Seigneur, comme vous vous êtes approché de vos apôtres éblouis de l'éclat de votre gloire. Que je sente votre présence dans le plus intime de mon âme, et ne vous en éloignez jamais. Touchez-moi, ô mon Dieu! pour me réveiller de ma nonchalance et de mon assoupissement, et allumez dans mon cœur le feu de votre Divin Amour, afin qu'il devienne incapable d'être touché et attendri par l'amour des créatures. Faites que je sois digne à la fin de ma vie de cette transfiguration éternelle et bienheureuse à laquelle j'aspire.
SENTENCES.
Dépouillez-vous du vieil homme qui se corrompt en suivant l'illusion de ses passions, et renouvelez-vous dans l'intérêt de votre âme (Ephes. 4).
Renouvelez votre cœur par l'exclusion des désirs charnels: quand ils seront transfigurés, l'amour de Dieu en prendra la place. (D. Bern., Serm. 3. ex. paris.)
RÉFLEXIONS.
Baiser de Judas.
Un baiser fut le détestable signal dont Judas se servit pour livrer Jésus-Christ entre les mains de ses plus cruels ennemis. Judas leur avait dit: Prenez celui que je baiserai : c'est lui; tenez-le bien, et menez-le sûrement, de peur qu'il ne vous échappe. Ces paroles sont remarquables: Tenez-le. Ah! si Jésus avait voulu, se serait-il laissé tenir, lui qui était le Tout-Puissant? Conduisez-le : se serait-il laissé conduire par des scélérats, lui qui était la voie? Avec précaution : n'aurait-il pas rompu toutes leurs mesures, lui qui était la sagesse même ? Si ce traître s'était ouvertement déclaré contre Jésus-Christ, sans mettre en usage les marques de la plus tendre amitié pour couvrir sa perfidie, son crime aurait été moins énorme; mais il salua Jésus-Christ avec toutes sortes de démonstrations de respect et d'amour. Il l'appelle son maître ; il a la hardiesse de le baiser au visage pendant qu'il a la trahison dans le cœur et au moment qu'il l'exécute. Jésus reçoit ce baiser sans s'émouvoir, lui qui pouvait foudroyer cet imposteur; il lui fait même un reproche de tendresse : il l'appelle encore son ami pour le faire rentrer en lui-même et pour lui toucher le cœur. Il lui dit seulement : Ah! mon ami, vous trahissez le Fils de l'Homme par un baiser! Quel excès de bonté dans le Seigneur! quelle perfidie, quelle imposture, quelle noirceur et quelle ingratitude dans cet apostat!
PRIÈRE.
Souverain Seigneur, à qui rien n'est caché dans nos Cœurs, vous voyez combien nous sommes destitués de vertus, et combien nous vous avons offensé. Transformez-nous; faites de nous des nouvelles créatures par une vraie pénitence et par une sincère conversion de mœurs. Soutenez-nous, soyez notre force, et purifiez nos âmes de toutes les mauvaises pensées qui peuvent en souiller la pureté. Nous vous en prions par les mérites de Jésus Votre Fils et notre Seigneur.
