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14 ) Certains gestes sont-ils vraiment ambigus dans l’EMV ? - réfutation de l'article de don Guillaume Chevallier

communautesaintmartin.org/…MV-III-ASPECTS-PSYCHOLOGIQUES-DES-PERSONNAGES-.pdf

Qui est le mentor de dom Guillaume Chevallier ?

Voir aussi la réponse de F.M.Debroise à ces articles,

celle du docteur psychiatre D.Gloppe

et celle du collectif Marie de Nazareth: Réponse à Don Guillaume Chevallier : il n’y a aucune erreur doctrinale dans les écrits de Maria Valtorta

---> Mettons tout de suite fin à ce suspense insoutenable : la réponse est « oui », du moins selon DGC. Pour lui et sans aucun doute possible, certains gestes d’intimité dont il voit le récit de l’EMV souvent saturé - par quel prodige ? - sont ambigus, et ce pour deux motifs :

- Car ils contrediraient dans les faits la recherche de la purification de l’amour possessif, prônée par le Christ,
- Et parce que notamment le baiser de Jésus à Abel lui rappellerait les baisers forcés reçus par certains séminaristes de la communauté saint Martin, de la part de leur fondateur, l’abbé Jean-François Guérin ( 1929, + 2005 )

---> Nous allons facilement comprendre en quoi ces deux motifs sont gravement erronés, en suivant maintenant DGC dans le massacre qu’il fait de quatre merveilleux passages de l’œuvre.

---> Car, pour que tout doute sur cette ambiguïté soit exclu de son article, voici la ligne de conduite que suit scrupuleusement l’auteur :

1 . Une décontextualisation systématique des citations : Il s’agit en effet de créer la confusion, un sentiment d’ambiguïté chez le lecteur : or, le contexte de l’œuvre permet à chaque fois de justifier complètement les actes du Christ ; il faut donc simplement gommer celui-ci, afin de mieux pouvoir provoquer si possible le scandale.

2 . Une seule vocation pour le Christ : celle de maître des novices bénédictin extrêmement réservé vis-à-vis de tous. Il faudrait à tout prix persuader le lecteur que Jésus ne serait en aucune façon le Modèle universel pour toutes les nobles vocations humaines. L’Incarnation du Verbe ? C'est une chose sérieuse, qui ne concernerait donc en réalité que le tout petit nombre des religieux contemplatifs, et plus spécialement parmi eux : les directeurs spirituels, pour leur servir d’exemple, et ainsi, sans jamais manifester aucun affect humain.

---> Pour DGC, faire croire cela est absolument capital : car autrement, le seul fait que lui-même s’interdise certains gestes de tendresse vis-à-vis de ses subalternes, en raison de sa vocation spécifique, ne suffirait plus du tout à impliquer que le Christ ne les ait jamais pratiqués Lui-même occasionnellement, et ainsi, toutes les accusations de l’auteur tomberaient à plat.

3 . Confusion entre l’amour possessif et la tendresse en acte chez le Christ : Il faudrait donc organiser ici une sorte de « chasse à la tendresse », en persuadant le lecteur que celle-ci est tout à fait scandaleuse, sans aucune raison d’être dans une œuvre parlant de la Vie du Christ, Lui qui est pourtant le « Dieu de tendresse et de Pitié, lent à la colère, plein d’Amour et de Vérité » ( ps 85,15 ), qui est « aussi tendre pour qui le craint, qu’un père est tendre pour ses fils » ( ps 102,13 ).

---> Si le lecteur se rendait compte que la tendresse en acte du Christ n’est pas du tout en soi incompatible avec la non-possessivité dans l’amour, c’en serait fini de l’article de DGC : il a eu donc tout intérêt à bien soigner chacune des illusions qui vont suivre.

---> DGC a beaucoup travaillé pour ce faire, laissons-lui donc au moins un peu la parole :

1 ) Cette dernière mention introduit à une nouvelle réflexion. Quoique disert sur l’amour possessif dont il faut être purifié ou guéri, le personnage central de l’Évangile tel qu’il m’a été révélé multiplie les gestes ambigus avec ses disciples, au point que le récit en est parfois saturé. Les gestes d’intimité constants sont difficilement explicables même par un contexte « oriental ».

Nous en rapportons ici quelques-uns, que nous laissons à l’appréciation de chacun. Tous les personnages baisent constamment les pieds de « Jésus »,

---> Si l’appétit vient en mangeant, il semblerait que l’appétit de mentir vienne en mentant, chez DGC : en effet dans l’EMV, environ 96% des personnages ne baisent pas les pieds du Christ, lorsqu'ils le rencontrent. Ce mensonge de l’auteur est donc tellement factuel qu’il n’est même pas la peine de s’y arrêter.

---> Les gestes de Jésus dans l’EMV sont toujours dénués de toute ambiguïté : et même, il faut aller jusqu’à dire que, si ces gestes n’existaient pas, alors on pourrait raisonnablement douter de la toute puissance de l’Amour - dont Jésus est rappelons-le l’Incarnation -, Amour qui alors ne serait même pas capable de se manifester humainement dans toute sa force, en évitant le péché. Et il faudrait donc vraiment avoir « de la matière » dans les yeux pour y voir ne serait-ce qu’une ombre d’impureté, comme nous aurons l’occasion de le constater.

---> Ces gestes d’intimité sont tout à fait explicables par le contexte oriental, n’en déplaise à DGC qui n’y connaît à l’évidence strictement rien. Les chrétiens orientaux, par exemple, ne cessent de se prosterner devant les icônes qui figurent la Présence réelle du Christ et des saints, et de les embrasser, au niveau des pieds ou du visage, selon la dévotion de chacun. Si l’on agit ainsi pour de simples images, qu’en serait-il si l’Original était visible !

---> Quant à l’Occident, il suffit de voir le degré d’usure des pieds des statues de saint Pierre, dans certaines églises, pour se rendre compte que la dévotion des croyants n’y est certainement pas en reste.

DGC :
2 ) ou plus encore : [Un esclave muet qui vient d’être guéri] tombe par terre en pleurant de joie et il lèche, il lèche vraiment les pieds nus de Jésus, comme pourrait le faire un chien reconnaissant. (VIII, 24, 201)

--->
Voici donc le summum de ce que je décrivais en introduction : le contexte du récit est purement et simplement supprimé, ce qui en rend l’interprétation correcte impossible.

---> Le sentiment que donne cette citation truquée par les bons soins de DGC est que Jésus prendrait finalement le même plaisir à se faire lécher les pieds par cet esclave miraculé qu’un client d’une « fish-pédicure » en prendrait à tremper ses pieds dans l’aquarium, pour laisser les petits poissons le débarrasser de ses peaux mortes.

---> et si le lecteur en arrivait à se scandaliser de ce que Jésus donne son plein consentement à cette scène apparemment dégradante pour l’espèce humaine : alors le tour serait joué !

---> Cependant, nous avons l’antidote imparable à cette pure illusion, qui est de lire le passage dans son intégralité : on y découvrira entre autre que l’esclave en question avait eu la langue coupée, et que le miracle opéré par le Christ fut précisément de la lui faire repousser ! Ce qui nous allons le voir, a une importance capitale dans cette affaire.

Contexte :

- Un groupe de faux disciples, envoyés par le sanhédrin, répandent dans la petite ville de Sichem de faux témoignages, comme quoi il faudrait se constituer en force armée pour défendre Jésus qui serait un roi attaqué par le Temple et chercherait protection.

- La ruse est habile : beaucoup de samaritains les croient, et se sentent honorés d'être choisis pour défendre le grand roi, sans savoir que c'est ce que cherchent ces gens maléfiques, à savoir déclencher une sédition armée, et ensuite s'en prendre à Jésus, l’accusant d'en être le responsable, et d'avoir recherché les honneurs et la gloire d'ici-bas.

- Claudia Procula, une riche et puissante dame romaine croyant en Jésus, l'apprend, et sur un moment de doute, interprète cela comme une perte de ses pouvoirs par le Christ ( comme elle sait que cela arrive chez les dieux de l'Olympe ).

- Pour en avoir le cœur net, elle vient Le chercher dans le lieu où Il s'est retiré pour prier, et Lui amène son esclave mutilé pour le mettre à l'épreuve...

EMV 563 – Une guérison dont on pourrait bien dire avec un brin d’humour « qu’elle a du chien » , celle de l’esclave noir d’une riche dame romaine

(…)
L'homme revient et fait son rapport. La litière se remet en route. Le char reste où il est. Les soldats suivent la litière jusqu'au bord du torrent et ils barrent le chemin. La litière s'en va seule le long du cours d'eau jusqu'à la hauteur de la petite île qui, au cours de la saison, est devenue très boisée : c'est un fourré impénétrable de verdure, surmonté par le fût et la chevelure argentée du peuplier. Un ordre, et la litière passe le petit cours d'eau, où entrent les porteurs avec leurs vêtements courts. Claudia Procula en descend avec une affranchie, et Claudia fait signe à un esclave noir qui escorte la litière de la suivre. Les autres reviennent sur la rive.

Claudia, suivie des deux, pénètre dans la toute petite île en se dirigeant vers le peuplier qui domine au centre. Les hautes herbes étouffent le bruit des pas. Elle arrive ainsi là où se trouve Jésus tout absorbé, assis au pied de l'arbre. Elle l'appelle en s'avançant seule alors que d'un geste impérieux elle cloue sur place là où elles sont restées ses deux personnes de confiance.

Jésus lève la tête, et se lève tout de suite en voyant la femme. Il la salue tout en restant pourtant debout contre le tronc du peuplier. Il ne manifeste ni étonnement, ni ennui ou indignation de l'intrusion.

Claudia, après avoir salué, expose tout de suite le sujet :

"Maître, il est venu chez moi, ou plutôt chez Ponce, certaines gens... Je ne fais pas de longs discours. Mais puisque je t'admire, je te dis, comme je l'aurais dit à Socrate s'il avait vécu de nos jours, ou à quelque homme vertueux injustement persécuté : "Moi, je n'ai pas beaucoup de pouvoir, mais je ferai ce que je puis". Et pour l'instant je vais écrire où il m'est possible pour qu'on te protège et pour qu'aussi on te rende... puissant. Il y a sur des trônes ou dans de hautes situations tant de gens qui ne les méritent pas..."

" Domina, je ne t'ai pas demandé d'honneurs ni de protections. Que le vrai Dieu te récompense pour ta pensée. Mais donne tes honneurs et ta protection à ceux qui la désirent vivement. Moi je n'y aspire pas."

"Ah ! voilà ! C'est ce que je voulais ! Alors, tu es vraiment le Juste que je pressentais ! Et les autres, tes indignes calomniateurs ! Ils sont venus nous trouver et..."

"Inutile que tu parles, ô domina. Je sais."

"Sais-tu aussi ce que l'on dit : qu'à cause de tes péchés tu as perdu tout pouvoir et que c'est pour cela que tu vis ici, rejeté ?"

"Cela aussi, je le sais. Et je sais que cette dernière chose, tu l'as crue plus facilement que la première, car ta mentalité païenne est capable de discerner la puissance humaine ou la bassesse humaine d'un homme, mais tu ne peux encore comprendre ce que c'est que le pouvoir de l'esprit. Tu es... désillusionnée de tes Dieux qui dans vos religions se manifestent en de continuelles oppositions et avec un pouvoir si fragile, sujet à de faciles interdictions à cause des désaccords entre eux. Et tu crois qu'il en est ainsi même du Dieu vrai. Mais il n'en est pas ainsi. Tel j'étais quand tu m'as vu la première fois guérir un lépreux et tel je suis maintenant. Et tel je serai quand je semblerai tout à fait détruit.
Celui-ci, c'est ton esclave muet, n'est-ce pas ?"


"Oui, Maître."

"Fais-le avancer."

Claudia pousse un cri, et l'homme s'avance et se prosterne contre le sol entre Jésus et sa Maîtresse. Son pauvre cœur de sauvage ne sait qui honorer davantage. Il a peur de se faire punir en vénérant le Christ plus que sa Maîtresse, mais malgré cela, en jetant d'abord un regard suppliant vers Claudia, il répète le geste qu'il a fait à Césarée : il prend le pied nu de Jésus dans ses deux grosses mains noires et, se jetant le visage contre le sol, il met le pied sur sa tête.

"Domina, écoute. Selon toi, est-il plus facile de conquérir seul un royaume ou de faire renaître une partie du corps qui n'existe plus ?"

"Un royaume, Maître. La fortune aide les audacieux, mais personne, sauf Toi, ne peut faire renaître un mort et rendre des yeux à un aveugle."

"Et pourquoi ?"

"Parce que... Parce que Dieu peut tout faire."

"Alors, pour toi, je suis Dieu ?"

" Oui... ou, du moins, Dieu est avec Toi."

"Est-ce que Dieu peut être avec quelqu'un qui est mauvais ? Je parle du vrai Dieu, non de vos idoles qui sont des délires de celui qui cherche ce dont il sent l'existence sans savoir ce que c'est, et se crée des fantômes pour assouvir son âme."

"Non... dirais-je. Non. Je ne dirais pas. Nos prêtres eux-mêmes perdent leur pouvoir quand ils tombent dans une faute."

"Quel pouvoir ?"

"Mais... celui de lire dans les signes du ciel et dans les réponses des victimes, dans le vol, dans le chant des oiseaux. Tu sais... Les augures, les haruspices..."

"Je sais. Je sais. Eh bien ? Regarde. Et toi lève la tête et ouvre la bouche, ô homme, qu'un cruel pouvoir humain a privé d'un don de Dieu. Et par la volonté du Dieu vrai, unique, Créateur des corps parfaits, aie ce que l'homme t'a enlevé."

Il a mis son doigt blanc dans la bouche ouverte du muet.

L'affranchie curieuse ne sait pas rester là où elle est, et elle s'avance pour regarder. Claudia est toute penchée pour observer.

Jésus enlève son doigt en criant :

"Parle, et sers-toi de la partie qui est née de nouveau pour louer le Dieu vrai."

Et à l'improviste, comme une sonnerie de trompette, d'un instrument jusqu'alors muet, répond un cri, guttural, mais net : "Jésus !" et le noir tombe par terre en pleurant de joie et il lèche, il lèche vraiment les pieds nus de Jésus, comme pourrait le faire un chien reconnaissant.

"Ai-je perdu mon pouvoir, domina ? À ceux qui l'insinuent, donne cette réponse. Et toi, lève-toi et sois bon en pensant combien je t'ai aimé. Je t'ai eu dans mon cœur depuis les jours de Césarée. Et avec toi tous tes pareils, regardés comme une marchandise, regardés comme inférieurs à des brutes alors qu'à cause de votre conception vous êtes des hommes et égaux à César, peut-être meilleurs par la volonté de votre cœur...
Tu peux te retirer, domina, il n'y a rien d'autre à dire."


"Si. Il y a autre chose. Il y a que j'avais douté... Il y a que moi, avec douleur, je croyais presque à ce que l'on disait de Toi. Et pas seulement moi. Pardonne-nous toutes, moins Valeria, qui a toujours gardé sa conviction et même s'y ancre de plus en plus. Et accepte mon cadeau : l'homme. il ne pourrait plus me servir maintenant qu'il a la parole, et aussi mon argent."

"Non. Ni l'un, ni l'autre."

"Tu ne me pardonnes pas, alors !"

"Je pardonne même à ceux de mon peuple, doublement coupables de ne pas me reconnaître pour ce que je suis. Et ne devrais-je pas vous pardonner à vous, vides comme vous l'êtes de toute connaissance divine ? Voilà : j'ai dit que je n'acceptais pas l'argent et l'homme.

Maintenant je prends l'un et l'autre et avec l'un j'affranchis l'autre. Je te rends ton argent parce que j'achète l'homme et je l'achète pour le rendre à la liberté, pour qu'il aille dans son pays pour dire qu'il est sur la Terre Celui qui aime tous les hommes, qu'il les aime d'autant plus qu'il les voit plus malheureux. Prends ta bourse."


"Non, Maître, elle t'appartient. L'homme est libre aussi. Il est à moi, je te l'ai donné. Tu le libères. Pas besoin d'argent pour cela."

"Et alors... Tu as un nom ?" demande-t-il à l'homme.

"Nous l'appelions Callixte, par dérision. Mais quand il fut pris..."

"Peu importe. Garde ce nom et rends-le vrai en devenant très beau dans ton esprit. Va ! Sois heureux puisque Dieu t'a sauvé."

Aller !


Le noir ne se lasse pas de le baiser et de dire : "Jésus ! Jésus !" et il se met encore le pied de Jésus sur la tête en disant : "Toi, mon seul Maître."

"Moi, ton vrai Père. Domina, tu te chargeras de lui pour qu'il retourne dans son pays. Sers-toi de l'argent pour cela et que le surplus lui soit donné. Adieu, domina, et n'accueille plus jamais les voix des ténèbres. Sois juste et sache me connaître. Adieu, Callixte. Adieu, femme."

Et Jésus met fin à l'entretien et passe en sautant au-delà du torrent, du côté opposé à celui où est arrêtée la litière, et il s'enfonce dans les buissons, les saules et les roseaux.

Claudia rappelle les porteurs et, pensive, remonte dans la litière. Mais si elle garde le silence, l'affranchie et l'esclave affranchi parlent pour dix, et les légionnaires eux-mêmes perdent leur allure de statues devant le prodige d'une langue qui est née de nouveau. Claudia est trop pensive pour commander le silence. À moitié allongée dans la litière, le coude appuyé sur les oreillers, la tête appuyée sur sa main, elle n'entend rien. Elle est absorbée. Elle ne s'aperçoit même pas que l'affranchie n'est pas avec elle, mais parle comme une pie avec les porteurs alors que Callixte parle avec les légionnaires qui, s'ils gardent leurs rangs, ne gardent plus le silence. L'émotion est trop grande pour qu'ils le fassent !

En refaisant le chemin, ils se trouvent à la bifurcation pour Béthel et Rama. La litière quitte Éphraïm pour se joindre au reste du défilé.

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Bilan :

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Il était absolument indispensable de connaître le contexte pour bien comprendre ce passage. Comme en particulier ce qui suit :

« Claudia pousse un cri, et l'homme s'avance et se prosterne contre le sol entre Jésus et sa Maîtresse. Son pauvre cœur de sauvage ne sait qui honorer davantage. Il a peur de se faire punir en vénérant le Christ plus que sa Maîtresse, mais malgré cela, en jetant d'abord un regard suppliant vers Claudia, il répète le geste qu'il a fait à Césarée : il prend le pied nu de Jésus dans ses deux grosses mains noires et, se jetant le visage contre le sol, il met le pied sur sa tête. »

---> En réalité, nous avons donc affaire ici à un pauvre homme noir qui, en tant qu’esclave, a toujours été considéré et traité comme une marchandise animale, probablement depuis sa naissance. Son intelligence est donc atrophiée, davantage encore que son corps dont la langue a été mutilée par les hommes : son geste primitif de soumission le prouve très clairement.

---> En une seule action, Jésus accomplit deux choses : il montre à Claudia qu’Il n’a pas perdu son pouvoir divin comme elle en avait peur, et il opère pour cela un immense bienfait en faveur de l’esclave, en lui redonnant sa langue et l’usage de la parole.

---> On peut s’imaginer assez facilement la joie que l’homme doit ressentir alors, et on comprend bien que, vu son niveau intellectuel extrêmement humble, il ne puisse trouver rien d’autre pour exprimer sa gratitude que ce « geste canin » de lécher les pieds de l’Auteur du miracle, cherchant ainsi à L’honorer par l’activité de cet organe qu’Il vient de faire repousser miraculeusement dans sa bouche.

---> De même qu’un chien rend grâce à Dieu de l’avoir créé, lorsque mû par son instinct, il lèche joyeusement la main de son maître humain, ainsi ce pauvre esclave trouva le moyen à sa portée pour louer Dieu, en se comportant comme un petit animal affectueux à l’égard de Jésus : c’est tout ce qu’il savait faire alors. Mais ses progrès durent être exponentiels par la suite.

---> Ceux qui sont portés à accepter humblement parfois d’être comparés aux petits chiens - comme notamment la femme Syrophénicienne, Marc 7,26 - n’ont-ils pas une place très élevée dans le Cœur de Dieu, Lui qui élève les humbles et rabaisse les orgueilleux ?

---> Est-ce que ce geste de gratitude primitive aurait dû déplaire au Christ, alors qu’on l’entend ailleurs se plaindre de ce que ceux qu’Il a pourtant guéri de la lèpre ne reviennent même pas l’en remercier, excepté un samaritain ? ( Luc 17,11 )

---> Pchiiiiiiiiiiiiiiiit. Dégonfler cette einième baudruche de DGC est un réel plaisir, à quoi bon le dissimuler ? Pour la suivante, l’auteur illusionniste croit mordicus tenir enfin sa proie, mais elle va comme toujours lui échapper.

DGC :
3 ) Mais s’il laisse les personnages l’approcher ainsi, « Jésus » est plus souvent à l’initiative. Lorsqu’Abel de Bethléem vient prier « Jésus » d’abréger la peine de ceux qui lui ont fait du mal, Jésus fait un geste qu’il ne fait jamais ainsi en public. Il se penche car il est beaucoup plus grand qu’Abel, et, prenant la tête d’Abel dans ses mains, il dépose un baiser sur la bouche en disant : « Qu’il en soit ainsi », je crois du moins que c’est ce que signifie son « Marana tha » (sic). (VII, 170, 96)

--->
Si la précédente baudruche était le summum de la décontextualisation rendant impossible une bonne compréhension du passage, comment faudrait-il appeler celle-là ? DGC arrive ici à l'extrême raffinement de sa méthode de décrédibilisation. Mais c’est encore pour lui un raté, car en lisant l’intégralité de cet épisode tellement marquant, éclairé par l'histoire qui le précède immédiatement dans l'œuvre, toute son illusion va être réduite à néant.

---> Il est vrai que pour certains, en découvrant ce micro passage totalement décontextualisé, le premier réflexe n’est pas forcément de se souvenir que dans d’autres cultures contemporaines, comme aux USA entre parents et enfants, ou bien en Russie entre adultes dans certaines circonstances, ce geste du baiser sur la bouche n’a rien de sexuel, rien de répréhensible ou d’anormal : ce serait pourtant la chose à faire, si on voulait éviter de se scandaliser pour rien.

---> Et nous allons voir enfin que comparer ce baiser de Jésus à Abel, avec les baisers à connotation homosexuelle donnés de force par don Jean-François Guérin à certains séminaristes de la communauté saint Martin, est une pure supercherie sans queue ni tête, ne faisant honte qu’à celui qui ose cette comparaison.

---> La première étape pour bien comprendre le geste de Jésus, sera d’en découvrir tout le contexte, et en tout premier lieu l'histoire incontournable qui précède, celle d'un formidable jugement rendu sur terre par le Juste Juge, notre Dieu Incarné.

---> Ensuite seulement dans le récit, nous arriverons enfin au cœur du sujet qui nous intéresse.

Résumé de cet épisode, non rapporté par les quatre Évangiles :

---> C’est l’histoire du jeune Abel de Bethléem - le futur « Ananie » des Actes des apôtres 9,10 , et qui deviendra un saint - , injustement condamné à mort pour un crime qu'il n'avait pas commis, et de sa pauvre mère à qui on veut l’arracher de force : Jésus va le sauver de la main des vrais coupables, qui s’étaient faits ses accusateurs par convoitise pour sa mère.

---> Dès le départ, on comprend toute la dimension christique de cette terrible histoire, où ce jeune homme est la figure de Celui qui sera plus tard injustement condamné à la croix à la place des pécheurs coupables, et sa mère : celle de la très sainte Vierge Marie, torturée au pied de la croix.

---> Si nous sommes capables de voir cette dimension du récit, comment cela aurait-il pu échapper à Jésus en Personne, témoin direct de la scène ?

---> On verra également comment Jésus va par la même occasion sauver de la mort ou de la folie la mère du jeune homme, incapable de supporter une telle torture morale, ainsi que du viol qu'elle aurait dû subir de la part du monstrueux coupable accusateur de son fils, et infliger une juste punition aux trois meurtriers du riche Joël, en leur donnant le moyen d'expier leur faute par la lèpre dont ils sont désormais frappés.

---> Ce passage n'est pas sans rappeler l'Ancien Testament, où le jeune Daniel, figure du Christ, confond les deux vieillards pervers qui voulaient faire tuer Suzanne, l'accusant faussement d'inconduite, simplement parce qu'elle refusait farouchement de céder à leurs désirs vicieux ( Dan. 13 ) ; ni sans rappeler aussi les épisodes de la femme adultère ( Jean 8 ) ou des marchands chassés du Temple ( Jean 2,13 ), dans lesquels Jésus se montre le Défenseur d'une accusée menacés de mort, ou des pauvres abusés par les riches ( EMV 494, EMV 53 )

EMV 248.5 - Histoire d'Abel de Bethléem, que Jésus rebaptisera "Ananie", et de sa mère.

Sur la route poussiéreuse arrive un petit groupe de gens armés : six hommes accompagnés de gens qui poussent des cris. Les bergers regardent et parlent entre eux à voix basse. Puis, ils regardent Marie et Jésus.

Le plus âgé parle :

"Heureusement que tu n'entres pas à Bethléem ce soir."

"Pourquoi ?"

"Parce que ces gens, qui viennent de passer et qui entrent dans la cité, y vont pour arracher un fils à une mère."

"Oh ! mais pourquoi ?"

"Pour le tuer."

"Oh ! non ! Qu'a-t-il fait ?"

Jésus aussi le demande et les apôtres s'approchent pour écouter.

"On a trouvé, tué sur le chemin de la montagne, le riche Joël. Il revenait de Sicaminon avec beaucoup d'argent. Mais ce n'étaient pas des voleurs car l'argent était encore sur le mort. Le serviteur qui l'accompagnait a dit que son maître lui avait dit de courir en avant pour prévenir de son retour, et sur la route, se dirigeant vers le lieu où fut commis l'homicide, il vit seul le jeune homme que l'on va tuer. Deux hommes du pays, ensuite, jurent qu'ils l'ont vu attaquer Joël. Maintenant les parents du mort exigent la mort du jeune homme. Et s'il est homicide..."

"Tu ne le crois pas ?"

"Cela ne me paraît pas possible. Le jeune est un peu plus âgé qu'un adolescent. Il est bon. Il vit toujours avec sa mère dont il est le fils unique, et elle est veuve, une sainte veuve. Il ne manque pas de ressources, il ne pense pas aux femmes. Il n'est pas querelleur, il n'est pas fou. Pourquoi alors a-t-il tué ?"

"Mais il a peut-être des ennemis ?"

"Qui ? Joël qui est mort ou Abel l'accusé ?"

"L’accusé."

"Ah ! Je ne saurais... Mais... Je ne saurais."

"Sois franc, homme."

"Seigneur, c'est une chose que je pense, et Isaac nous a dit de ne pas penser du mal du prochain."

"Mais on doit avoir le courage de parler pour sauver un innocent."

"Si je parle, que j'aie raison ou tort, je devrai m'enfuir d'ici parce qu’Aser et Jacob sont puissants."

"Parle sans crainte : Tu ne seras pas contraint de fuir."

"Seigneur, la mère d'Abel est belle, jeune et sage. Aser n'est pas sage, ni non plus Jacob. Au premier, la veuve plaît, et au second... le pays sait que le second c’est un coucou dans le ménage de Joël. Je pense que..."

"J'ai compris. Allons, amis. Vous, les femmes, restez donc avec les bergers. Je reviendrai bientôt."

"Non, Fils. Je viens avec Toi."

Jésus s'en va rapidement vers le centre de la cité. Les bergers restent indécis, mais ensuite ils laissent le troupeau aux plus jeunes qui restent avec toutes les femmes, sauf la Mère et Marie d'Alphée qui suivent Jésus et se hâtent de rejoindre le groupe apostolique.

À la troisième rue qui coupe la voie principale de Bethléem, ils rencontrent l'Iscariote, Simon, Pierre et Jacques qui arrivent en gesticulant et en criant.

"Quelle affaire, Maître ! Quelle affaire ! et quelle peine !" dit Pierre bouleversé.

"Un fils enlevé de force à sa mère pour qu'on le tue. Elle le défend comme une hyène. Mais c'est une femme contre des gens armés" ajoute Simon le Zélote.

"Elle saigne déjà de partout !" dit l'Iscariote.

"Ils ont défoncé sa porte car elle s'était barricadée dans sa maison" termine Jacques de Zébédée.

"Je vais la trouver."

"Oh ! oui ! Toi seul peux la consoler."

Ils tournent à droite, puis à gauche vers le centre du pays. Déjà on voit l'attroupement tumultueux qui s'agite et se presse près de la maison d'Abel, et les cris d'une femme, déchirants, inhumains, féroces, en même temps que pitoyables, arrivent jusqu'ici.

Jésus se hâte en arrivant sur une place minuscule, un élargissement de la rue plutôt qu'une place, où le tumulte est à son comble.

La femme dispute encore son fils aux gardes. Elle s'accroche d'une main qui est devenue une griffe de fer aux débris de la porte abattue et de l'autre reste attachée à la ceinture de son fils. Si quelqu'un cherche à l'en séparer elle le mord férocement, insensible aux coups qu'elle reçoit et à la souffrance des cheveux qu'on lui tire d'une manière si féroce qui amène sa tête en arrière. Et, quand elle ne mord pas, elle crie :

"Lâchez-le ! Assassins ! Il est innocent ! La nuit du meurtre de Joël il était au lit près de moi ! Assassins ! Assassins ! Calomniateurs ! Immondes ! Parjures !"

Le jeune garçon, saisi aux épaules par ceux qui veulent l'enlever, traîné par les bras, se retourne, le visage bouleversé et crie :

"Maman ! Maman, pourquoi dois-je mourir si je n'ai rien fait ?"

C'est un bel adolescent, grand et élancé, aux yeux noirs et doux, aux cheveux noirs foncés, légèrement frisés. Son vêtement déchiré laisse voir son corps souple et jeune presque comme celui d'un enfant.

Jésus, aidé par ceux qui l'accompagnent, fend la foule compacte et se fraie un chemin jusqu'au groupe pitoyable juste au moment où la femme, à bout de forces, a été arrachée à la porte et traînée comme un sac lié au corps de son fils sur les pierres du chemin.

Mais cela dure pendant quelques mètres seulement. Un coup plus violent arrache la main de la mère à la ceinture du fils et la femme tombe en avant, en frappant durement son visage contre le sol et en saignant encore davantage. Mais tout de suite elle se redresse sur les genoux, en tendant les bras pendant que le fils, qu'on emporte rapidement autant que le permet la foule qui s'écarte difficilement, libère son bras gauche et l'agite en se tordant en arrière et en criant :

"Maman ! Adieu ! Rappelle-toi, toi au moins, que je suis innocent !"

La femme le regarde avec des yeux de folle, et puis tombe à terre, évanouie.

Jésus se présente devant le groupe des gardes :

"Arrêtez-vous un moment. Je vous l'ordonne !"

Son visage ne souffre pas de réplique.

"Qui es-tu ? demande, agressif, un citadin du groupe. Nous ne te connaissons pas. Écarte-toi et laisse-nous aller pour qu'il soit tué avant que la nuit arrive."

"Je suis un Rabbi. Le plus grand. Au nom de Jéhovah (Jeovè), arrêtez-vous ou Dieu vous foudroiera."

À ce moment, il semble que Lui va les foudroyer.

"Qui est témoin contre celui-ci ?"

"Moi, lui et lui" répond celui qui a parlé le premier.

"Votre témoignage n'est pas valable parce qu'il n'est pas vrai."

"Et pourquoi peux-tu le dire ? Nous sommes prêts à le jurer."

"Votre serment est un péché."

"Nous, pécher ? Nous ?"

"Vous. De même que vous couvez la luxure, que vous nourrissez la haine, que vous êtes avides des richesses, que vous êtes homicides, vous êtes également parjures. Vous vous êtes vendus à l'Impureté. Vous êtes capables d'accomplir n'importe quelle infamie."

"Fais attention à tes paroles. Je suis Aser..."

"Et Moi, je suis Jésus."

"Tu n'es pas d'ici. Tu n'es pas prêtre, ni juge. Tu n'es rien. Tu es l'étranger."

"Oui, je suis l'Étranger car la Terre n'est pas mon Royaume. Mais je suis Juge et Prêtre. Non seulement de cette petite portion d'Israël, mais de tout Israël et du monde entier."

"Allons, allons ! Nous n'avons affaire avec un fou" dit l'autre témoin et il pousse Jésus pour l'écarter.

"Tu ne feras pas un pas de plus ! " tonne Jésus en le regardant d'un regard de miracle qui subjugue et paralyse, comme il rend la vie et la joie quand il le veut. "Tu ne fais pas un pas de plus ! »

Tu ne crois pas à ce que je dis ? Eh bien, alors, regarde. Ici, il n'y a pas la poussière du Temple, ni son eau, et il n'y a pas de paroles écrites avec de l'encre pour rendre très amère l'eau qui est le jugement pour la jalousie et l'adultère. Mais ici, il y a Moi. Et c'est Moi qui rends le jugement."


La voix de Jésus est une sonnerie de trompette tant elle est pénétrante.

Les gens se bousculent pour voir. Seules Marie très Sainte et Marie d'Alphée sont restées pour secourir la mère évanouie.

"Et voici comment je juge. Donnez-moi une pincée de la poussière de la route et une goutte d'eau dans un vase. Et pendant qu'on me les donne, vous les accusateurs, et toi l'accusé, répondez-moi. Es-tu innocent, fils ? Dis-le avec sincérité à Celui qui est pour toi le Sauveur."

"Je le suis, Seigneur."

"Aser, peux-tu jurer n'avoir dit que la vérité ?"

"Je le jure. Je n'aurais pas de raison de mentir. Je le jure par l'autel. Que descende du Ciel une flamme qui me brûle si je ne dis pas la vérité."

"Jacob, peux-tu jurer que tu es sincère dans l'accusation et sans un motif secret qui te pousse à mentir ?"

"Je le jure par Jéhovah (Geové). Seul l'amour pour mon ami assassiné me pousse à parler. Avec celui-ci, je n'ai rien de personnel."

"Et toi, serviteur, peux-tu jurer d'avoir dit la vérité ?"

"Je le jure mille fois, s'il le faut ! Mon maître ! Mon pauvre maître !"

Il pleure en cachant sa tête avec son manteau.

"C'est bien. Voici l'eau et voici la poussière. Et voici la parole : "Toi, Père Saint et Dieu Très-Haut, accomplis par mon intermédiaire le jugement de vérité pour que vie et honneur soient rendus à l'innocent et à sa mère désolée, et un juste châtiment à qui n'est pas innocent. Mais, pour la grâce que j'ai à tes yeux, ni flamme, ni mort, mais qu'une longue expiation arrive à ceux qui ont commis le péché."

Il dit ces paroles en tenant les mains étendues sur le vase comme fait le prêtre pendant la Messe, à l'offertoire. Puis il plonge sa main droite dans le vase et de sa main mouillée il asperge les quatre qui sont soumis au jugement et leur fait boire une gorgée de cette eau, d'abord au jeune homme, puis aux trois autres. Ensuite il croise les bras sur sa poitrine et les regarde.

La foule aussi regarde et après un moment pousse un cri et se jette le visage contre terre. Alors les quatre qui étaient alignés se regardent entre eux, et crient à leur tour. Le premier, le jeune homme, crie de stupeur, les autres d'horreur, car ils voient leurs visages couverts d'une lèpre subite, alors que le jeune homme en est indemne.

Le serviteur se jette aux pieds de Jésus qui s'écarte comme tout le monde, y compris les soldats, et il s'écarte en prenant par la main le jeune Abel pour qu'il ne se contamine pas près des trois lépreux. Et le serviteur crie :

"Non ! Non ! Pardon ! Je suis lépreux ! Ce sont eux qui m'ont payé pour retarder le maître jusqu'au soir pour le frapper sur le chemin désert. Ils m'ont fait exprès déferrer la mule. Ils m'ont appris à mentir en disant que j'étais venu en avant. Au contraire, j'étais avec eux pour le tuer et je dis aussi pourquoi ils l'ont fait. Parce que Joël s'était aperçu que Jacob aimait sa jeune femme et parce qu’Aser voulait la mère d'Abel et qu'elle le repoussait. Ils se sont mis d'accord pour se débarrasser en même temps de Joël et d'Abel et jouir des femmes. J'ai parlé. Enlève-moi la lèpre, enlève-la-moi ! Abel, tu es bon, prie pour moi !"

"Toi, va auprès de ta mère. Qu'en sortant de son évanouissement elle voie ton visage et revienne à une vie tranquille. Et vous... À vous je devrais dire : "Qu'il vous soit fait ce que vous avez fait". Et ce serait humaine justice. Mais je vous livre à une expiation surhumaine. La lèpre, dont vous êtes horrifiés, vous préserve d'être saisis et tués comme vous le méritez. Peuple de Bethléem, écartez- vous, ouvrez-vous comme les eaux de la mer pour les laisser aller à leur longue galère. Galère terrible ! Plus atroce qu'une mort immédiate. Et c'est une pitié de Dieu pour leur donner possibilité de se repentir, s'ils le veulent. Allez !"

La foule se colle aux murs pour laisser libre le milieu du chemin. Les trois, recouverts de la lèpre comme s'ils étaient malades depuis des années, s'en vont, l'un derrière l'autre, vers la montagne. Dans le silence du crépuscule qui descend et qui a fait taire toutes les voix d'oiseaux et de quadrupèdes, on n'entend que leurs pleurs.

"Purifiez le chemin avec quantité d'eau après y avoir allumé le feu. Et vous, soldats : allez rapporter que justice est faite et faite selon la plus parfaite loi mosaïque."

Jésus se dispose à aller où sa Mère et Marie d'Alphée continuent de secourir la femme qui revient lentement à elle, pendant que son fils caresse ses mains glacées et les baise.

Mais les gens de Bethléem, avec un respect mêlé de crainte, le prient :

"Parle-nous, Seigneur. Tu es réellement puissant. Tu es certainement Celui dont a parlé l'homme qui en passant par ici a annoncé le Messie."

"Je parlerai à la nuit, près du bercail des bergers. Pour l'instant, je vais aider la mère à se rétablir."

Et il va trouver la femme qui est assise sur les genoux de Marie d'Alphée. Elle se remet de plus en plus en regardant le visage affectueux de Marie qui lui sourit. Elle ne se rend pas bien compte jusqu'au moment où elle dirige son regard sur la chevelure d'ébène de son fils qui est penché sur ses mains tremblantes et elle demande :

"Je suis morte, moi aussi ? Ce sont les Limbes ?"

"Non, femme, c'est la Terre et celui-ci est ton fils, sauvé de la mort. Et Celui-là, c'est Jésus, mon Fils, le Sauveur."

La femme a un premier mouvement, bien humain. Elle rassemble ses forces et s'avance pour prendre la tête inclinée de son enfant. Elle le voit sain et sauf, l'embrasse avec frénésie, pleurant, riant, retrouvant tous les noms qu'elle lui donnait quand il était petit pour lui dire sa joie.

"Oui, maman, oui. Mais maintenant, regarde, non pas moi, mais Lui. Lui qui m'a sauvé. Bénis le Seigneur."

La femme, encore trop faible pour se lever ou pour se mettre à genoux, tend ses mains qui tremblent et saignent encore. Elle prend la main de Jésus en la couvrant de baisers et de larmes.

Jésus lui met sa main gauche sur la tête, en lui disant :

"Sois heureuse, en paix et sois toujours bonne. Et toi aussi, Abel."

"Non, mon Seigneur. Ma vie et celle de mon fils sont à Toi parce que tu les as sauvées. Permets-lui d'aller avec les disciples, comme déjà il le désirait depuis qu'ils sont venus ici. Je te le donne avec tant de joie et je te prie de permettre que moi je le suive pour le servir et servir les serviteurs de Dieu."

"Et ta maison ?"

"Oh ! Seigneur ! Est-ce que quelqu'un qui renaît à la vie peut avoir les sentiments qu'il avait avant de mourir ? Par Toi, Mirta est sortie de la mort et de l'enfer. Dans ce pays, je pourrais arriver à haïr ceux qui m'ont torturée dans mon enfant.

Et tu prêches l'amour, je le sais. Permets donc à la pauvre Mirta d'aimer le Seul qui mérite l'amour, sa mission, ses serviteurs. Maintenant, je suis encore épuisée et ne pourrais te suivre. Mais, dès que je le pourrai, permets-le-moi, Seigneur. Je serai à ta suite et près de mon Abel..."

"Tu suivras ton fils, et Moi avec lui. Sois heureuse. Sois en paix, maintenant. Avec ma paix. Adieu."

Et, pendant que la femme soutenue par son fils et quelques pieuses personnes rentre à la maison, Jésus, avec les bergers, les apôtres, la Mère et Marie d'Alphée, sort du pays pour se rendre ensuite au bercail situé à l'extrémité d'une rue qui débouche dans les champs...

...Un grand feu a été allumé pour éclairer la réunion. Assis en demi-cercle dans les champs, un grand nombre de gens attendent que Jésus vienne parler. En attendant, ils parlent des événements du jour. Abel aussi est là avec beaucoup de gens qui se félicitent en disant que tous croyaient à son innocence.

"Mais, vous étiez prêts à me tuer, pourtant ! Même toi qui m'avais salué à la porte de ma maison, à l'heure où on tuait Joël" ne peut se retenir de répondre le jeune homme.

Et il ajoute :

"Mais moi, je te pardonne au nom de Jésus."

Voilà que Jésus vient du bercail vers eux. Grand, vêtu de blanc, entouré par les apôtres, suivi par les bergers et les femmes.

"La paix à vous tous !

Si ma venue a servi à instaurer le Règne de Dieu parmi vous, que béni soit le Seigneur. Si ma venue a servi à faire éclater une innocence, que béni soit le Seigneur. Si le fait d'être arrivé à temps pour empêcher un crime sert aussi à donner à trois coupables un moyen de se racheter, que béni soit le Seigneur.

Maintenant cette journée nous incite à méditer un grand nombre de choses.
Nous les méditerons pendant que la nuit descend pour envelopper de ténèbres la joie de deux cœurs et le remords de trois autres. Dans ses ténèbres, elle voile comme sous un voile pudique les larmes joyeuses des premiers et les larmes brûlantes des autres que cependant Dieu voit. Entre toutes ces choses, il y a cette tendance à considérer comme nul et inutile ce que Dieu a donné par la Loi.

La Loi donnée par Dieu est théoriquement très observée en Israël, mais réellement elle ne l'est pas. La Loi est là, analysée, disséquée, mise en morceaux au point de la faire mourir par des tortures subtiles. Elle est là. Mais comme un cadavre momifié, elle est sans vie, sans respiration, sans circulation de sang bien qu'elle ait l'apparence de quelqu'un que le sommeil a immobilisé, ainsi la Loi n'a ni vie, ni respiration, ni sang en trop, trop, trop de cœurs. Sur une momie, on s'assoit comme sur un tabouret, sur une momie on peut poser des objets, des vêtements, même des ordures si on veut, et elle ne se révolte pas parce qu'elle n'a pas de vie. Ainsi trop de gens font de la Loi un tabouret, un appui, une décharge pour leurs ordures, certains qu'elle ne se révolte pas en leur conscience parce que, pour eux, elle est morte.

Je pourrais comparer une grande partie d'Israël aux forêts pétrifiées que l'on voit çà et là dans la vallée du Nil et dans le désert de l'Égypte [1]. C'étaient des bois et des bois de plantes vivantes, nourries par la sève, bruissantes au soleil, couvertes de beaux feuillages, de fleurs, de fruits. Elles faisaient du lieu où elles avaient grandi un petit paradis terrestre, chers aux hommes et aux animaux qui oubliaient l'aridité désolée du désert, la soif ardente que le sable donne à l'homme par sa poussière brûlante qui pénètre dans la gorge. Ils oubliaient le soleil impitoyable qui, en peu de temps, calcifie les cadavres en les décharnant, en consumant les chairs en poussière, et en laissant couchés dans les vagues des sables, des squelettes et encore des squelettes polis comme par un ouvrier soigneux. Ils oubliaient tout sous cette ombre verte, bruissante, riche en eau et en fruits qui restauraient, consolaient, redonnaient du courage pour de nouveaux parcours.

Puis, pour une cause inconnue, comme des choses maudites, elles se sont non seulement desséchées comme font les arbres qui, bien que morts, servent encore à faire du feu dans les foyers de l'homme ou des braisiers pour éclairer la nuit, éloigner les fauves et chasser l'humidité de la nuit pour les voyageurs éloignés des pays. Mais ces arbres n'ont pas servi comme bois. Ils sont devenus de la pierre. De la pierre. La silice du sol semble, par un sortilège, être montée des racines, au tronc, aux branches, au feuillage. Puis les vents ont brisé les branches les plus faibles, devenues semblables à de l'albâtre qui est, à la fois, dur et mou.

Mais les branches, les plus grosses, sont là, sur leurs troncs puissants pour tromper les caravanes fatiguées, qui sous les reflets éblouissants du soleil ou sous la lumière spectrale de la lune, voient se profiler les ombres des troncs qui se dressent sur les plaines ou dans le fond des vallées qui ne voient l'eau qu'aux époques des crues fécondes, cherchant avec angoisse un refuge, de quoi se restaurer, un puits, des fruits frais et, les yeux fatigués par le reflet du soleil sur les sables sans rien qui en abrite, les caravaniers se précipitent vers les forêts fantômes. De vrais fantômes ! Apparences illusoires de corps vivants, présence réelle de choses mortes.

Je les ai vues. J'en ai gardé le souvenir, bien que je fusse seulement un peu plus grand qu'un tout petit, comme d'une des plus tristes choses de la Terre. C'est ainsi qu'elles m'étaient apparues tant que je n'ai pas eu touché, mesuré, pesé les choses de la Terre qui sont totalement tristes parce qu'elles sont complètement mortes. Les choses immatérielles, c'est-à-dire les vertus et les âmes mortes. Les premières, mortes dans les âmes, mortes les âmes parce qu'elles se sont tuées.

La Loi est en Israël, mais elle y est comme les arbres pétrifiés dans le désert : devenue silice. Morte. Cause d'erreur, objet destiné à se corroder sans utilité. Objets nuisibles même comme les arbres pétrifiés parce qu'ils créent des mirages qui attirent en éloignant des vraies oasis, en faisant mourir de faim, de soif, de désolation, en attirant vers leur mort. Choses mortes qui en attirent d'autres à la mort, comme on lit dans certains récits de mythes païens.

Aujourd'hui, vous avez eu un exemple de ce que c'est qu'une Loi réduite à l'état de pierre dans une âme devenue elle aussi de pierre. C'est la source de toutes sortes de péchés et de malheurs. Que cela vous serve à savoir vivre et à savoir faire vivre la Loi en vous, dans son intégrité que Moi j'éclaire par des lumières de miséricorde.

La nuit est profonde. Les étoiles nous regardent, et Dieu avec elles. Levez votre regard vers le ciel étoilé et élevez votre esprit vers Dieu. Et sans critiquer les malheureux déjà punis par Dieu, sans orgueil pour n'avoir pas leur péché, promettez à Dieu et à vous-mêmes de ne pas tomber dans l'aridité des plantes maudites des déserts et des vallées d'Égypte.

La paix soit avec vous."


Il les bénit, et puis se retire dans la vaste enceinte du bercail entouré de portiques rustiques sous lesquels les bergers ont étendu une bonne couche de foin pour servir de lit aux serviteurs du Seigneur.

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Voici la première objection de DGC ( déjà évoquée précédemment ) :
"Comment le Christ peut-Il se montrer aussi sévère, infligeant aux trois coupables une peine « plus lourde que la mort elle-même » ?"

---> La réponse est déjà donnée ci-dessus :
En réalité, Il leur a évité d'être mis à mort "comme ils l'auraient mérité", et leur a fourni par ce terrible châtiment un moyen d'expiation, proportionné au crime qu'ils ont commis, en vue de leur permettre d'éviter l'enfer : pas vraiment donc l'expression d'une "justice impitoyable", comme DGC le prétend à tort.

---> Et au passage : c’est la légitimation très claire par notre Seigneur de la peine de mort, permise par Dieu en certains cas extrêmement grave. Si Jésus décide ici de ne pas l’appliquer, c’est qu’Il n’est pas un Dieu de rigueur mais d’Amour, comme Il le dira à sœur Consolata Betrone, religieuse italienne mystique du début du XXe siècle.

---> De plus, DGC oublie de mentionner un fait capital :
Jésus a d'abord donné aux coupables l'occasion de reconnaître devant tous la réalité de leur crime. S’ils avaient alors avoué, le Seigneur n'aurait certainement pas été aussi intraitable envers eux : ils auraient bénéficié d'un certain degré de clémence, de la part du juge le plus équitable qui fut jamais.

---> Il y a d’évidents parallèles à faire entre cet épisode et :
- La chute d’Adam et Eve ( Gen 3,12 )
se rejetant la faute au lieu de l'avouer humblement à Dieu, ce qui fut loin d'atténuer leur châtiment. Même chose ici pour nos trois coupables, chassés non du paradis terrestre, mais de la société des hommes, par la lèpre... faute de s'être humiliés devant leur Juge. Mais nous verrons bientôt que ce n’est pas sans espoir de retour.
- Le châtiment du Déluge ( Genèse 7,7 ), où Dieu extermine carrément l’humanité, ensauvagée et dévoyée par le péché de luxure.
- La destruction de Sodome et Gomorrhe ( Genèse 19,24 ), à cause du péché d’abomination.
- Les dix plaies infligées par Dieu à l’Égypte ( Exode 10,1 ), qui culminent dans la mort donnée à tous les premier-nés des égyptiens, et l’anéantissement de leur armée dans la Mer Rouge.
- Les mises en garde de Jésus : « Ne pèche plus, ou il t’arriverait pire encore » ( Jean 5,14 )

---> Nous verrons bientôt celui que DGC décrit dans l’EMV comme sans pitié, terrible et intraitable, après avoir châtié les meurtriers comme ils le méritaient en tant que Juge et Grand Prêtre d'Israël, partant à leur recherche pour les guérir !

Conclusion :

--->
Ce sont les coupables eux-mêmes qui ont appelé sur eux la lèpre, Jésus ne s’est en aucun cas "déchaîné sur eux" sans aucune justice.

---> L’Ancien et le Nouveau Testament nous rappellent les jugements de Dieu qui sont justes, malgré parfois leur grande sévérité. Ce n’est pas un Dieu de rigueur, et pourtant, Il sait punir si nécessaire, proportionnellement à la faute.

---> L’objection de DGC apparaît donc totalement vaine.

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Ce nécessaire préalable étant posé, il nous faut maintenant lire la deuxième partie de cette admirable histoire d'Abel, pour arriver enfin au cœur de notre sujet.

---> De quoi s’agit-il ?
- d’un jeune homme vivant dans la bonté, la justice, l'amour de Dieu et du prochain, ne courant pas après les femmes, mais servant généreusement sa mère veuve, qui manque de se faire assassiner, accusé par trois méchants luxurieux du crime qu'ils venaient eux-mêmes de commettre, et cela pour s'emparer et jouir de sa mère !
- et de Jésus ne pouvant davantage se montrer son Sauveur, en l’arrachant à une mort certaine et injuste, et en châtiant durement ses bourreaux menteurs.

---> Il serait donc tout naturel de penser : "Sûrement, ce jeune homme se tiendra désormais à l'écart, désabusé, et cessera de faire du bien aux autres : il se méfiera, jamais il ne pardonnera ... Qui pourrait se relever indemne d'une telle aventure ?"

---> Eh bien, pensez-vous donc ! le voilà au contraire qui se préoccupe de ses bourreaux, qui plaide pour eux, demandant leur grâce à Jésus, même pour le pire d’entre eux …

---> Ce qui lui confère une fois de plus une dimension absolument christique, préfigurant la Miséricorde du Crucifié pardonnant à ses bourreaux, et leur offrant le salut par la foi en Lui, grâce à sa Résurrection d’entre les morts.

---> Comment ne pas comprendre l’admiration et le bonheur sans limite que suscite ainsi Abel dans le Cœur du Christ, qui reconnait sa fidèle image en ce jeune homme si pur, et qui s’enflamme à la vue d’une si haute spiritualité, tellement rarissime sur la terre ?

---> Nous passons donc, grâce à Jésus et à la bonté et la pureté d’Abel : du drame le plus absolu, à la plus grande célébration de l’amour des ennemis, du triomphe du mal au plus complet triomphe du Bien.

---> Pour mieux nous en persuader, lisons ce récit poignant des retrouvailles entre le disciple et le Maître, quelques temps après le châtiment des coupables par la lèpre :

EMV 475.5 La pitié d’Abel de Bethléem pour ses ennemis.

(…)
À un croisement de routes, un groupe de disciples aperçoit le Maître et se serre autour de Lui. Parmi eux se trouve Abel de Bethléem, qui se jette tout de suite aux pieds de Jésus en disant :

"Maître, j'ai tant prié le Très-Haut pour qu'il me fît te rencontrer. Je ne l'espérais plus. Mais Il m'a exaucé. Toi, maintenant, exauce ton disciple."

"Que veux-tu, Abel ? Viens là, au bord du champ. Ici, il y a trop de gens, et nous dérangeons."

Ils se rendent en masse à l'endroit que Jésus indique et là Abel dit ce qu'il veut.

"Maître, tu m'as sauvé de la mort et de la calomnie et tu as fait de moi un de tes disciples. Tu m'aimes donc beaucoup ?"

"Comment peux-tu le demander ?"

"Je le demande pour être certain que tu exauces ma prière. Quand tu m'as sauvé, tu as infligé à mes ennemis un horrible châtiment. Tu l'as infligé, il est certainement juste. Mais, oh ! Seigneur ! il est bien horrible ! J'ai cherché ces trois. Chaque fois que je venais chez ma mère, je les cherchais, sur les montagnes, dans les cavernes, dans ma ville. Et je ne les trouvais jamais."

"Pourquoi les as-tu cherchés ?"

"Pour leur parler de Toi, Seigneur. Pour que, croyant en Toi, ils t'invoquent et obtiennent le pardon et la guérison. C'est seulement pendant l'été que je les ai trouvés, et pas ensemble. L'un d'eux, celui qui me haïssait à cause de ma mère, s'est séparé des autres qui sont allés plus haut, vers les monts plus élevés de Jiphtaël. Ils m'ont dit où il est... Et de ceux-ci j'ai eu la trace par des bergers de Bethléem qui t'ont donné l'hospitalité ce soir-là. Les bergers, avec leurs troupeaux, vont de tous côtés, et ils savent tant de choses. Ils savaient que c'était à la montagne de la Belle Source que se trouvaient les deux lépreux que je cherchais. J'y suis allé. Oh !..." L'horreur se peint sur le visage du jeune homme, encore tout jeune.

"Continue."

"Ils m'ont reconnu. Moi, je ne pouvais reconnaître mes concitoyens en ces deux monstres… Ils m'ont appelé... et ils m'ont prié, comme si j'étais un dieu... Le serviteur surtout m'a fait pitié, à cause de son pur repentir. Il ne veut que ton pardon. Seigneur... Aser veut aussi la guérison. Il a une vieille mère, Seigneur, une vieille mère qui meurt de chagrin dans la ville..."

"Et l'autre ? Pourquoi s'est-il séparé ?"

"Parce que c'est un démon. Principal coupable, déjà adultère quand il est devenu homicide, il a poussé Aser, corrompu le serviteur de Joël, qui est un peu sot et facilement influençable, il continue à être un démon. De sa bouche sort la haine et le blasphème, de son cœur la haine et la cruauté. Je l'ai vu lui aussi... Je voulais le rendre bon. Il s'est rué sur moi comme un vautour et ce n'est qu'à ma fuite, rapide et résistante pour moi parce que je suis jeune et sain, que j'ai dû mon salut. Mais je ne désespère pas de le sauver. Je retournerai... Une fois, deux fois, autant qu'il faudra avec des secours, avec amour. Je me ferai aimer. Lui croit que je vais pour me moquer de son malheur. Moi, j'y vais pour le réédifier. S'il peut arriver à m'aimer, il n'écoutera; s'il m'écoute, il finira par croire en Toi. C'est ce que je veux. Les autres, oh ! cela a été facile car par eux-mêmes ils ont médité et compris. Et le serviteur est devenu le simple maître de l'autre parce qu'il a tant de foi, un si grand désir de pardon. Viens, Seigneur ! Je leur ai promis de te conduire à eux quand je t'aurais rencontré."

"Abel, leur crime était grand : plusieurs crimes en un. Bien court est le temps qu'ils ont expié..."

"Grand a été leur tourment et leur repentir. Viens."

"Abel, eux te voulaient mort."

"N'importe, Seigneur. Je veux pour eux la vie."

"Quelle vie ?"

"Celle que tu donnes, celle de l'esprit, le pardon, La rédemption."

"Abel. c'étaient tes Caïns et ils t'ont haï comme on ne le peut davantage. Ils voulaient t'enlever tout : la vie, l'honneur et ta mère..."

"Ils ont été mes bienfaiteurs, puisque c'est grâce à eux que je t'ai eu, Toi. Moi, je les aime pour ce don qu'ils m'ont fait, et je te demande qu'ils soient où moi je suis : à ta suite. Je veux leur salut comme le mien, plus que le mien, car plus grand est leur péché."

"Quelle offrande ferais-tu à Dieu en échange de leur salut, s'il te le demandait ?"

Abel réfléchit un moment... puis il dit avec assurance :

"Même moi-même, ma vie. Je perdrais une poignée de boue, pour posséder le Ciel. Une perte heureuse. Un profit grand, infini : Dieu, le Ciel. Et deux pécheurs sauvés : les premiers-nés du troupeau que j'espère te conduire et t'offrir, ô Seigneur."

Jésus fait un geste qu'il ne fait jamais ainsi en public. Il se penche car il est beaucoup plus grand qu'Abel et, prenant la tête d'Abel dans ses mains, il dépose un baiser sur la bouche en disant : "Qu'il en soit ainsi", je crois du moins que c'est ce que signifie son "Marana Tha".

Et il ajoute :

"Pour tes sentiments, qu'il te soit fait selon ce que demandent tes paroles. Viens avec Moi, tu me conduiras. Jean, viens avec Moi. Et vous, allez en avant, par la route de Mageddo à Engannim. Vous m'attendrez là, si vous ne m'avez pas encore rencontré."

"Et nous prêcherons Toi et ta doctrine" dit l'Iscariote.

"Non. Vous m'attendrez, simplement, en vous comportant comme de justes et humbles pèlerins et rien de plus. En étant entre vous comme des frères. Et vous passerez, en allant, chez les paysans de Yokhanan pour leur donner ce que vous avez, et leur dire que le Maître, s'il le peut, passera par Jezréel à l'aurore d'après-demain. Allez. La paix soit avec vous."

( Après quoi, Jésus se mettra en route avec Abel pour aller à la rencontre des lépreux, et leur donner la guérison en fonction de leur foi en Lui. )

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Bilan de cet épisode :

1 ---> Ce Baiser donné par Jésus à Abel veut dire en d’autres termes : « Je consens à exhausser ta prière en faveur de tes ennemis, qu’il soit fait selon ton désir, ô mon parfait disciple, mon autre Moi-même qui a tout compris à mon Cœur brûlant d’Amour, et qui en a hérité dès ici-bas.» On voit donc très mal comment Abel ne serait pas pleinement consentant à ce Baiser, qui est bien au contraire sa très douce récompense.

2 ---> À la brutalité humaine sans nom, froide et meurtrière, se protégeant derrière le mensonge, Jésus avait dû opposer la toute puissance vengeresse de sa Divinité, tel la foudre tombant avec fracas sur les coupables.
Et à l'extrême opposé ensuite, à l’innocent parvenu au paroxysme de l’amour des ennemis, c’est son baiser qu’Il accorde, mettant définitivement fin par celui-ci au cycle de la violence, et ouvrant les portes au pardon pour les misérables, désormais lépreux.

3 ---> L’extrême force de la Colère divine en acte de répression appelait nécessairement ensuite l’extrême force de l’Amour en acte de tendresse.

4 ---> Contrairement donc à ce que voudrait nous faire croire ici DGC, ce n’est certainement pas n’importe qui, n’importe quand, n’importe comment, que Jésus embrasse ainsi sur la bouche : c’est Abel, et seulement Abel, pour des raisons ultra précises et extrêmement circonstanciées que maintenant nous connaissons parfaitement. Il n’est donc pas permis à DGC, ni à n’importe qui d’autre, de s’imaginer être à cette place, dans le désir à peine voilé de considérer ce baiser du Christ comme un dû à exiger, ou bien au contraire à pouvoir considérer comme scandaleux, comme si Jésus avait eu l’intention de l’y forcer. Pur fantasme que cela. De même, Jésus n’aurait pas reçu tendrement sur sa Poitrine n’importe qui : mais seulement saint Jean, le disciple qu'Il aimait.

5 ---> Jésus connaît déjà parfaitement les bonnes intentions d'Abel, mais il veut les entendre de sa bouche.

6 ---> Abel tient ici le même rôle que précédemment Marie, intercédant auprès de son Divin Fils pour obtenir à Pierre la permission d'adopter, lui et sa femme Porphyrée, le petit Margziam - de son vrai nom Jabé, petit-fils d’un paysan de Doras, un maître cruel - , qui deviendra en son temps : saint Martial, apôtre des terres barbares, et martyr.

7 ---> Dieu en effet, aime passer par l’intercession d’un saint, avant d’exercer sa Miséricorde envers les pécheurs : cela ne se dément pas au cours des siècles.

8 ---> Jésus veut voir jusqu’où ira Abel dans l’amour de ses ennemis : et Il ne résiste apparemment à ses prières que pour mieux lui donner l’occasion de révéler au grand jour tout l’héroïsme de son cœur, en se déclarant même prêt à offrir sa vie en sacrifice pour que ses anciens bourreaux soient sauvés et guéris – ce qui est très loin de n’être que de vains mots, et qui est tout simplement christique -.

9 ---> Sa ressemblance avec Jésus crucifié et ressuscité est à ce point parfaite, sa compréhension du Cœur de son Maître tellement achevée dans l’amour des ennemis, que Jésus ne peut plus contenir son geste : Il embrasse sur la bouche celui qui n’a plus désormais à être purifié d’aucun manque d’amour, et qui Lui est complètement uni, un avec Dieu, Père, Fils et Saint Esprit.

10 ---> Comme le Père et le Fils spirent ensemble le Saint-Esprit qui est leur éternel Baiser, fruit de leur très chaste Etreinte d’Amour infini, ce baiser entre Jésus et Abel est tout entier théologique, d’âme à âme, d’une chaste pureté qui est du Ciel, sans aucune ambiguïté possible, couronnement de cette si belle confession : d’autant plus qu’il revêt un caractère éminemment exceptionnel, dû à cette circonstance tellement rare et excellente : qui a donc déjà vécu pareille épreuve, en réagissant comme le fait ici Abel ?

11 ---> Comment ne pas penser ici au charbon ardent qui touche les lèvres d’Isaïe (Is 6,7) , et surtout à la Communion au Corps et au Sang du Christ, où les lèvres du communiant non seulement touchent, mais mangent intégralement le Christ ?

12 ---> Au Moyen Age, le féal sujet d’un Seigneur scellait son alliance avec lui par un tel baiser sur la bouche, dépourvu de tout lien avec l’homosexualité. Et il est simplement merveilleux de découvrir que ce geste a bien des racines évangéliques.

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Ce baiser de Jésus à Abel est-il donc comparable aux baisers forcés, donnés à certains séminaristes par le fondateur de la communauté sacerdotale saint Martin ?

On doit se poser plusieurs questions :

---> Est-ce que l’abbé Jean-François Guérin embrassait de force des séminaristes, alors qu’il venait personnellement de les sauver des mains de leurs ennemis mortels ?
Non, pas vraiment.

--->
Est-ce que les séminaristes qu’il embrassait de force étaient consentants ?
Pas vraiment non plus, c’est plutôt évident !

--->
Est-ce que l’abbé Guérin les embrassait de force, en signe qu’il aurait voulu exhausser les prières qu’ils lui adressaient en faveur de leurs ennemis ?
Toujours pas, décidément !

--->
Est-ce que ces baisers forcés étaient donnés par l’abbé Guérin comme un signe que le séminariste ainsi « gratifié » était arrivé au sommet de sa ressemblance avec le Christ ?
Non, rien à voir : c’était plutôt - on le devine facilement - par une coupable attirance homosexuelle de l’abbé pour ces jeunes hommes. Pas la peine de nous faire un dessin.

---> Est-ce que les baisers forcés de l’abbé Guérin ont laissés dans l’âme des victimes le souvenir impérissable de la plus douce béatitude céleste ?
Pas du tout : les victimes ont été au contraire sérieusement blessées dans leur affectivité par ce geste gravement déplacé, à tendance clairement homosexuelle, et n’ayant aucune raison d’être.

---> Est-ce que ces baisers forcés avaient avant toute chose une dimension théologique, comme celui du Seigneur Jésus à Abel ?
Absolument pas : ils avaient avant tout une dimension peccamineuse, fortement répréhensible, et ne signifiaient rien sur le plan théologique.

Conclusion :

---> Il n’y a strictement aucun point de comparaison entre les méfaits homosexuels de l’abbé Guérin, et ce Baiser du Christ à son disciple Abel qui est une anticipation du Paradis, n’étant pas reçu d’un homme mais de Dieu Lui-même, avec un plein consentement mutuel et une parfaite chasteté.

---> DGC serait-il lui-même une ancienne victime de l’abbé Guérin ? J’en serais franchement désolé pour lui, ainsi que pour toutes les autres victimes, mais cela ne justifierait en rien qu’il plaque ainsi sa douloureuse expérience personnelle sur ce qui fait partie de la Vie très sainte de notre Seigneur Jésus, et qui rayonne de Lumière pour le monde entier.

---> L’excuse de dire que l’abbé Guérin aurait pu prendre le prétexte de l’EMV pour accomplir ses actes coupables ne tient absolument pas debout : en effet, avec ou sans l’EMV - l’abbé connaissait-il d’ailleurs ou non cette œuvre inspirée, rien n’est moins sûr - , rien ne l’aurait empêché de passer quand même à l’acte, avec n’importe quel prétexte bidon. Quand on veut satisfaire ses passions mauvaises, on trouve immédiatement en effet toutes sortes de prétextes pour s’en justifier.

---> Et à ce train-là, il faudrait aussi cesser de lire la Passion du Christ à Pâques, pour que cela ne donne pas l’idée à certains pervers de s’exhiber tout nus devant les foules, sous le prétexte que le Seigneur aurait été publiquement dépouillé de ses vêtements !

---> Pchiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiit ! … Encore une baudruche qui se dégonfle, et pas une des moindres : c’est surement l’une de celles sur lesquelles DGC comptait le plus pour réussir à fonder son illusion. C’est tout son article qui est ici dévoilé pour ce qu’il est : une simple farce.

DGC :
4 ) Avec le même Abel et son compagnon un peu plus loin : Jésus regarde l’un et l’autre, puis il passe un bras au cou des deux et les attire à lui, l’un à droite, l’autre à gauche, et il dépose un baiser sur les cheveux en disant : « vous y arriverez car vous avez compris l’amour ». (VII, 171, 101)21

--->
Pour dégonfler cette einième baudruche sous la forme habituelle d’une citation totalement décontextualisée, il suffit simplement de continuer ce fabuleux récit, qui nous amène maintenant à considérer Jésus, accompagné de Jean et d’Abel le jeune héros de l’épisode précédent, se rendant dans la vallée des lépreux à la recherche des trois bourreaux d’Abel, afin de leur proposer sa Miséricorde - c’est-à-dire de les guérir - puisque la victime leur pardonne généreusement.

---> Une tentative de dialogue qui échoue avec trois lépreux païens donne lieu à un magnifique enseignement de Jésus sur l’extrême diversité des âmes, comparées par Jésus à autant de sujets tous très différents, dans une forêt de thérébinthes, et la nécessité pour un maître spirituel à bien connaître cette science des âmes, afin de pouvoir s’adapter à chacune d’entre elles.

---> Mais la clef de tout : c’est l’Amour que le maître spirituel voue aux âmes, enseigne Jésus.

---> Jean et Abel, vivement impressionnés par la Sagesse de leur Maître, se sentent découragés, car s’estimant incapables de pouvoir mettre un jour en pratique ce qu’Il dit.

---> D’un geste plein d’une paternelle tendresse, Jésus les rassure sur leur capacité à pratiquer ce qu’Il enseigne, car Jean et Abel font éminemment parti du petit nombre de ceux qui ont compris l’Amour, ce qui est l’unique chose nécessaire : ce qui veut dire que toute cette finesse dont il était question dans la science des âmes leur sera connue, sans qu’ils aient besoin de se tracasser et de craindre d’être incapables : ils savent aimer, et cela suffit.

Lisons-le à présent dans l’œuvre :

EMV 476 - Leçon sur la manière de soigner les âmes, et pardon accordé aux deux pécheurs devenus lépreux.

Le massif escarpé de Jiphtaël domine au nord en fermant l'horizon. Mais là où commencent les pentes éboulées de ce groupe de montagnes, et surplombent presque à pic, la route des caravanes qui de Ptolémaïs va vers Sephoris et Nazareth, il y a de nombreuses cavernes entre les blocs de roches qui débordent de la montagne, suspendus sur les abîmes, établis pour servir de toits et de bases à ces antres.

Comme toujours, près des routes les plus importantes, isolés, mais en même temps assez proches pour être vus et secourus par les voyageurs, se tiennent des lépreux. Une petite colonie de lépreux qui jettent leurs cris d'avertissement et d'appel en voyant Jésus passer avec Jean et Abel. Abel lève son visage vers eux en disant :

"Celui-ci est Celui dont je vous ai parlé. Je le conduit aux deux que vous savez. N'avez-vous rien à demander au Fils de David ?"

"Ce que nous demandons à tout le monde : du pain, de l'eau, pour nous rassasier pendant que passent les pèlerins. Après, en hiver, c'est la faim..."

"Je n'ai pas de nourriture aujourd'hui, mais j'ai avec moi le Salut..."

Mais la suggestion de recourir au Salut n'est pas accueillie. Les lépreux quittent la pente, tournent le dos et font le tour de l'éperon de la montagne pour voir si d'autres pèlerins arrivent par l'autre route.

"Je crois que ce sont des marins gentils (= païens) ou tout à fait idolâtres. Ils sont venus depuis peu, chassés de Ptolémaïs. Ils venaient d'Afrique. Je ne sais pas comment ils sont tombés malades. Je sais que, partis sains de leurs pays, et après avoir fait un long parcours autour des côtes africaines pour charger de l'ivoire, et aussi je crois, des perles pour les vendre aux marchands latins, ils sont arrivés ici malades. Les magistrats du port les ont isolés et ils ont même brûlé leur bateau. Les uns sont allés vers les routes de la Syro-Phénicie, les autres ici. Ces derniers sont les plus malades, car ils ne marchent quasi plus. Mais ils ont l'âme encore plus malade. J'ai essayé de leur donner un peu de foi... Ils ne demandent que de la nourriture..."

"Dans les conversions, il faut avoir de la constance. Ce qui ne réussit pas en une année, réussit en deux ou davantage. Il faut insister pour leur parler de Dieu, même s'ils ressemblent aux rochers qui les abritent."

"Je fais mal alors de penser à leur nourriture ?... Je m'étais mis à leur apporter toujours de la nourriture avant le sabbat car, pendant le sabbat, les hébreux ne voyagent pas et personne ne pense à eux..."

"Tu as bien fait. Tu l'as dit. Ce sont des païens, par conséquent plus soucieux de la chair et du sang que de l'âme. L'affectueux souci que tu as de leur faim, éveille leur affection envers l'inconnu qui pense à eux. Et quand ils t'aimeront, ils t'écouteront même si tu parles d'autre chose que de la nourriture. L'amour dispose toujours à suivre celui que l'on a appris à aimer. Ils te suivront un jour sur les chemins de l'esprit.

Les œuvres de miséricorde corporelle aplanissent le chemin pour celles spirituelles, et elles le rendent tellement libre et aplani que l'entrée de Dieu en un homme, préparé de cette manière à la divine rencontre, arrive à l'insu de l'individu lui-même. Il trouve Dieu en lui-même, et il ne sait pas par où Il est entré. Par où ! Parfois derrière un sourire, derrière une parole de pitié, derrière un pain a commencé l'ouverture de la porte d'un cœur fermé à la Grâce et a commencé le chemin de Dieu pour entrer dans ce cœur.

Les âmes ! C'est ce qu'il y a de plus varié. Aucune matière, et elles sont si nombreuses les matières qui existent sur la Terre, n'est aussi variée dans ses aspects que le sont les âmes dans leurs tendances et leurs réactions.

Voyez-vous ce térébinthe puissant ? Il est au milieu de tout un bois d'arbres qui lui ressemblent, étant de la même espèce. Combien il y en a-t-il ? Des centaines et des centaines, mille peut-être, peut-être davantage. Ils couvrent ce flanc abrupt de la montagne, écrasant de leur parfum âpre et salutaire de résine toutes les autres odeurs de la vallée et de la montagne. Mais regardez. Il y en a mille et plus et il n'y en a pas un qui pour la grosseur, la hauteur, la puissance, l'inclinaison, la disposition, soit pareil à un autre, si on observe bien. L'un est droit comme une lame, d'autres tournés vers le nord, le midi, l'orient ou l'occident. L'un a poussé en pleine terre, un autre sur une saillie dont on ne sait comment elle peut le porter et comment lui peut tenir ainsi suspendu dans le vide, formant presque un pont avec l'autre versant, élevé au-dessus de ce torrent, maintenant à sec mais si tourbillonnant aux époques de pluie. L'un est tordu comme si un homme cruel l'avait accablé alors qu'il était un arbuste encore tendre, un autre est sans défauts. L'un est couvert de feuilles presque jusqu'à la base, un autre en a tout juste une houppette à la cime. L'un n'a des branches qu'à droite, un autre est feuillu tout en bas et brûlé à son sommet, calciné par la foudre. Tel autre qui est mort revit dans un surgeon obstiné, unique, qui a poussé presque à la racine, recueillant le reste de sève qui ne montait plus au sommet. Et celui-là que je vous ai montré pour commencer, beau comme il ne pourrait l'être davantage, a-t-il une branche, une ramille, une feuille - que dis-je en parlant d'une seule feuille sur les milliers qu'il porte - qui soit semblable à une autre ? Il semble que les feuilles soient semblables, mais elles ne le sont pas. Regardez cette branche, la plus basse. Observez-en l'extrémité, seulement l'extrémité de la branche. Combien peut-il s'y trouver de feuilles ? Peut-être deux cents aiguillettes vertes et fines. Et pourtant, regardez. Y en a-t-il une semblable à une autre pour la couleur, la robustesse, la fraîcheur, la flexibilité, l'allure, l'âge ? II n'y en a pas.

Ainsi pour les âmes. Aussi nombreuses qu'elles soient, aussi grande est leur différence de tendances et de réactions.

Et n'est pas un bon maître ni un bon médecin des âmes celui qui ne sait pas les connaître et les travailler selon leurs diverses tendances et réactions. Ce n'est pas un travail facile, mes amis. Il faut une étude continue, l'habitude de la méditation qui éclaire plus qu'une longue lecture de textes fixés. Le livre que doit étudier un maître et un médecin des âmes, ce sont les âmes elles-mêmes. Autant de feuilles que d'âmes, et dans chaque feuille, beaucoup de sentiments et de passions passées, présentes et embryonnaires. Il faut pour cela une étude continue, attentive, méditative, une patience constante, du courage pour savoir soigner les plaies les plus putrides, pour les panser sans montrer un dégoût qui humilie celui qui en est affligé, et sans une fausse pitié qui, pour ne pas mortifier en découvrant la pourriture et ne pas purifier, par crainte de faire souffrir la partie corrompue, la laisse se gangrener en corrompant l'être tout entier; de la prudence en même temps pour ne pas exacerber par des manières trop rudes les blessures des cœurs et pour ne pas s'infecter à leur contact, en voulant montrer qu'on ne craint pas de s'infecter en entrant en relation avec les pécheurs.

Et toutes ces vertus nécessaires au maître et médecin des âmes, où trouvent-elles leur lumière pour voir et comprendre, leur patience parfois héroïque, pour persévérer, malgré les froideurs, parfois les offenses, leur courage pour soigner sagement, leur prudence pour ne pas nuire au malade et à eux-mêmes ? Dans l'amour, toujours dans l'amour. C'est lui qui donne la lumière pour tout, qui donne la sagesse, le courage et la prudence. Il préserve des curiosités qui peuvent prendre les fautes qui ont été guéries. Quand quelqu'un est tout amour, il ne peut entrer en lui un autre désir et une autre science qui n'est pas celle de l'amour.

Voyez-vous ? Les médecins disent que quand quelqu'un a failli mourir d'une maladie, il ne la contracte jamais plus que difficilement car désormais son sang l'a reçue et l'a vaincue.L'idée n'est pas parfaite mais elle n'est pas non plus complètement erronée. Mais l'amour, qui est santé au lieu d'être maladie, fait ce que disent les médecins, et pour toutes les passions qui ne sont pas bonnes. Celui qui aime fortement Dieu et ses frères ne fait rien qui puisse causer de la douleur à Dieu et à ses frères, pour cela même en approchant des malades de l'esprit, et en ayant connaissance des choses que jusque là l'amour avait tenues cachées, il ne se corrompt pas, car il reste fidèle à l'amour et le péché n'entre pas.

Que voulez-vous que soient les sens pour quelqu'un qui a vaincu les sens par la charité ? Les richesses, pour celui qui trouve tout son trésor dans l'amour de Dieu et des âmes ? La gourmandise, l'avarice, l'incrédulité, la paresse, l'orgueil, pour celui qui ne désire que Dieu, pour celui qui se donne lui-même, jusqu'à lui-même pour servir Dieu, pour celui qui dans sa Foi trouve tout son bien, pour celui qu'aiguillonne la flamme toujours active de la charité et qui travaille inlassablement pour procurer de la joie à Dieu, pour celui qui connaît Dieu - l'aimer, c'est le connaître - et ne peut plus s'enorgueillir parce qu'il sait ce qu'il est par rapport à Dieu.

Un jour vous serez prêtres de mon Église. Vous serez donc les médecins et les maîtres de l'esprit. Rappelez-vous ces paroles que je vous dis. Ce ne sera pas le nom que vous porterez, ni votre habit, ni les fonctions que vous exercerez, qui vous feront prêtres, c'est-à-dire ministres du Christ, maîtres et médecins des âmes, mais ce sera l'amour que vous posséderez qui vous fera tels. Il vous donnera tout ce qu'il faut pour l'être, et les âmes, toutes différentes entre elles, arriveront à une unique ressemblance: celle du Père, si vous savez les travailler avec l'amour."

"Oh ! quelle belle leçon, Maître !" dit Jean.

"Mais nous, arriverons-nous jamais à être ainsi ?" ajoute Abel.

Jésus regarde l'un et l'autre, puis il passe un bras au cou des deux et les attire à Lui, l'un à droite, l'autre à gauche, et il dépose un baiser sur les cheveux en disant :

"Vous y arriverez car vous avez compris l'amour."


Et pour être disciple du Christ, et accomplir son enseignement : il suffit d'aimer, d'avoir compris l'amour. Car il est le seul guide, la seule étoile qui conduise à la perfection, l'amour enseigne tout ce qu'il faut savoir : pas d'autre science qui soit nécessaire, que nos deux jeunes héros soient pleinement rassurés, et avec eux, la multitude des futurs prêtres !

( … )
Suit dans l’œuvre, la rencontre entre Jésus et les trois coupables devenus lépreux, dont la lecture ne saurait être trop recommandée, tant elle ne manque pas de sel.

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Bilan :

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La critique de DGC, corroborée par une micro-citation décontextualisée, portait bien sûr sur ce baiser paternel de Jésus dans les cheveux de ses deux fidèles disciples, rappelant certainement trop à l’auteur – mais à tort - les baisers forcés de l’abbé Jean-François Guérin à certains séminaristes de la communauté saint Martin, dont il était le fondateur.

---> La logique de DGC lui semble imparable : puisque lui, en tant que prêtre, ne s’autorise pas ce geste avec les membres plus jeunes de sa communauté, pourquoi donc le Christ, le Modèle suprême, aurait-Il pu se l’autoriser, Lui ?

---> Cependant, la « logique » de DGC s’avère en réalité dépourvue de toute logique : car son point de vue est très gravement biaisé. En fait, subtilement, c’est lui qui en vient à se poser en référence suprême de ce que le Christ devrait être ou non, devrait faire ou non, de sorte que le Christ, dans l’idéal, devrait être une sorte de "photocopie" de DGC, et DGC, une photocopie du Christ : or il n’en est rien, puisque le Christ a toutes les vocations humaines et leur sert de Modèle à toutes, à l’inverse de DGC qui n’en a qu’une et une seule : celle de prêtre diocésain.

---> De plus, tout comme dans le cas précédent, il ne s’agit pas ici pour Jésus d’embrasser tendrement n’importe qui dans les cheveux, mais bien seulement ici Abel et Jean, les deux héros de l’Amour qu’ils ont su si bien comprendre par la pureté de leurs cœurs. C’est donc une très vulgaire erreur de s’imaginer forcément à la place de l’un d’entre eux : qui s’élève sera abaissé. Personne ne s’octroie le titre de disciple le plus intime du Christ, son préféré : c’est Lui qui accorde ce titre à qui en est vraiment digne.

---> Si DGC ne s’autorise jamais aucun geste tendre avec ses condisciples, ce ne fut pas du tout le cas de sainte Thérèse de Lisieux, qui s’autorisa très souvent, et jusque très peu de temps avant sa mort d’amour, des gestes d’une rare tendresse avec ses sœurs, notamment sa grande sœur Pauline, devenue mère Agnès, la prieure du monastère. Et là encore, Thérèse ne s’autorisait pas ces gestes tendres avec n’importe quelle sœur du carmel.

---> Lors de sa rencontre avec l’évêque, avant son entrée au Carmel, celui-ci la combla de caresses, sans que cela soit retenu ni par elle, ni par l’Église, comme des « gestes ambigus », preuve que le contexte fait tout en la matière, permettant de distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais.

---> Or, qui étaient Jean et Abel pour Jésus, sinon de véritables frères ? En effet : « Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. » ( Matt 12,50 )

---> Est-ce que le fait de pouvoir échanger un chaste baiser fraternel, en guise d’encouragement dans le bien, est donc réservé à la seule sainte Thérèse de Lisieux et à ses sœurs ? Ou bien, est-ce que cela peut aussi éventuellement s’appliquer au Christ et à ses véritables frères, qu’Il était spécialement venu rejoindre en s’incarnant ?

---> Là encore, il n’y a aucun point commun entre ce geste de Jésus, accompli dans une intention très pure et très chaste, et les baisers forcés de l’abbé Guérin, pour des raisons qu’il serait un peu lourd d’énumérer encore une nouvelle fois ici.

---> Alors que l’abbé Guérin ne manifestait rien d’autre par ses baisers forcés qu’un amour possessif, désordonné et vicieux, interdit à tout père spirituel ainsi qu’à tout homme, le Christ, Lui, manifestait par ce chaste baiser sa perfection dans l’Amour, et celle de ces deux chers disciples.

---> Pchiiiiiiiit ! C’est fini : voilà la baudruche de DGC qui se dégonfle d’elle-même.

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--->
Mais l’auteur n’en est pas quitte pour autant, et il va tenter encore de nous le prouver, sans plus de résultat, en pointant du doigt :
- les liens étroits - pourtant bien connus des Évangiles - unissant d’une manière privilégiée Jésus et son apôtre Jean,
- une autre scène de tendre encouragement de ses apôtres, de la part de Jésus, lors du baptême, et que DGC va confondre avec un pseudo "baptême de tendresse" comparable au sacrement du même nom, et s’en scandaliser ;
- La vocation d’une jeune fille à une vie consacrée au Christ.

---> Depuis les scandales survenus de la part du fondateur de sa communauté, toute tendresse est suspecte par principe pour DGC, que ce soit au sein de l’Église ou dans la Vie terrestre du Christ, et notre « grand docteur » ne va pas se priver de nous le rappeler encore à tort et à travers.
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