jean-yves macron
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Article 14 : Epilogue-Résumé des Articles 12) et 13)

Article 14 : Epilogue-Résumé des Article 12) et 13)

Le pouvoir civil ne peut jamais accorder aucun mandat positif, ni aucune autorisation positive de poser un acte moralement mauvais. « Aucune autorité humaine, aucun État, aucune communauté d'États, quel que soit leur caractère religieux, ne peuvent donner un mandat positif ou une autorisation positive d'enseigner ou de faire ce qui serait contraire à la vérité religieuse et au bien moral » (Pie XII discours aux juristes catholiques, le 6 décembre 1953).

Cette autorisation positive donnée par l'État est exclue par le Concile dans DH (cf Acta Synodalia Concilii Œcumenici Vaticani Secundi 3, 8, 462, dans la suite : AS).
La loi civile est une loi humaine, donc imparfaite. Elle ne peut pas interdire tous les actes mauvais que la loi morale ou la loi divine proscrit. Ceci est juste et raisonnable.

Rappel de Saint Thomas en I-II, 96, a.2 sed contra et ibid corpus :

« C'est à juste titre que la loi humaine tolère quelques vices sans les réprimer ».

« Nous avons déjà dit que la loi est établie comme une règle et une mesure des actes humains. Or la mesure doit être homogène au mesuré, dit le livre X des Métaphysiques ; il faut en effet des mesures diverses pour des réalités diverses. Il s’ensuit que les lois, elles aussi, doivent être imposées aux hommes suivant la condition de ceux-ci. S. Isidore le déclare : "La loi doit être possible, et selon la nature, et selon la coutume du pays." […] Or la loi humaine est portée pour la multitude des hommes, et la plupart d’entre eux ne sont pas parfaits en vertu. C’est pourquoi la loi humaine n’interdit pas tous les vices dont les hommes vertueux s’abstiennent, mais seulement les plus graves, dont il est possible à la majeure partie des gens de s’abstenir ; et surtout ceux qui nuisent à autrui. Sans l’interdiction de ces vices-là, en effet, la société humaine ne pourrait durer ; aussi la loi humaine interdit-elle les assassinats, les vols et autres choses de ce genre. »

« La loi naturelle est une sorte de participation de la loi éternelle en nous. Mais la loi humaine est imparfaite par rapport à la loi éternelle. Saint-Augustin l'exprime nettement : « Cette loi qui est portée pour régir les cités, tolère beaucoup de choses et les laisse impunies, alors que la providence divine les châtie. Mais parce qu'elle ne réalise pas tout, on ne peut dire pour autant que ce qu'elle réalise soit à réprouver. C'est pourquoi la loi humaine ne peut pas défendre tout ce que la loi de nature interdit » (ibid ad 3m).


Appréciation et application de la loi :

Les articles présentés ici sont une illustration remarquable de la fonction pédagogique de la loi, qui doit être adaptée aux forces humaines, compte tenu des conditions concrètes de son application. Dans cette appréciation, c'est le niveau moral du plus grand nombre qui doit être considéré. On peut donc dire que l'évolution de la moralité générale d'une société amènera le législateur à interdire ce qui était toléré auparavant, ou l'inverse. ».

On voit ici comment la moralité publique ou part de la loi naturelle que le plus grand nombre peut porter, varie dans une certaine mesure suivant l'état de la société.

« Lorsqu'on dit que la loi humaine permet certaines choses, ce n'est pas toujours qu'elle les approuve, mais parce qu'elle est impuissante à les redresser. La loi divine, elle, impose sa direction à beaucoup de faits qui échappent au pouvoir de la loi humaine. Il y a en effet plus de choses soumises à la cause supérieure qu’aux causes subalternes. Aussi, le fait que la loi humaine ne se mêle pas des choses qu'elle est incapable de régenter, cela provient de la loi éternelle. Il en serait autrement si elle approuvait ce que la loi éternelle interdit. Il ne s'ensuit donc pas que la loi humaine ne découle pas de la loi éternelle, mais seulement qu'elle ne peut coïncider avec elle » (I-II Q.93 a.3 ad 3).

« La loi humaine ne pouvait interdire tout ce qui est contraire à la vertu. Mais il lui suffit de prohiber ce qui détruit la convivence (la vie en société) des hommes. Au contraire, les autres choses, elle les tient comme si elles étaient licites. Non pas qu'elle les approuve, mais parce qu'elle ne les punit pas » (II,II Q.77 a.1 ad 1).


Par conséquent, le pouvoir civil a, dans certains cas, le devoir d'accorder une liberté civile par rapport à des actes mauvais.

Pie XII enseigne que : « dans des circonstances déterminées. Dieu ne donne aux hommes aucun commandement, n'impose aucun devoir, ne donne même aucun droit d'empêcher et de réprimer ce qui est faux et erroné » (6 décembre 1953).

Donc, dans certaines circonstances, l'État a le devoir de ne pas empêcher ce qui est faux et erroné, et ceci se justifie « pour promouvoir un plus grand bien ». Y a-t-il, dans certains cas, corrélativement à ce devoir de l'État, un devoir de la personne à ne pas être empêché d'agir ? C'est ce qu'a affirmé Vatican II, en ce qui concerne le domaine religieux, en continuité avec Pie XII.

En lisant Dignitatis Humanae et les actes du Concile, iI apparaît avec évidence que l'expression « droit à la liberté religieuse » désigne un droit (fondé sur la nature) à une liberté civile, et non pas une liberté morale. Le Concile parle partout d'un « droit à ne pas être empêché » et jamais d'un droit de faire.

Les explications données par le rapporteur vont toutes dans ce sens :

AS 4, 190 : « Le schéma de la déclaration n'affirme pas qu'il existe un droit de répandre des erreurs religieuses dans la société. La question posée est la suivante : est-ce que, et de quel droit, la puissance publique peut empêcher coercitivement l'homme de manifester publiquement ses positions religieuses ? ».

AS 4,5,150 : « la liberté dont il est question dans cette déclaration ne concerne pas la relation de l'homme à la vérité ou à Dieu ; mais elle concerne les relations entre personnes dans la société humaine et civile. Et c'est pourquoi cette liberté est appelée sociale et civile ».

AS 4,6, 725 : « le texte approuvé affirme un droit dont le contenu est l'immunité de coercition (droit négatif). Et non le contenu de quelques religions (droit positif). Nulle part il n'est affirmé, ni il n'est licite d'affirmer (ce qui est évident) qu'il y a un droit à diffuser l'erreur. Si cependant des personnes diffusent l'erreur, ce n’est plus l'exercice d’un droit, mais son abus ».

AS 4,6,744 M.16 : « Le texte du schéma ne reconnaît pas le droit d'enseigner publiquement des choses fausses. Mais il affirme un droit à l'immunité de contrainte ».

Une description de ses limites à la liberté religieuse sont données en DH 7. La limitation du droit à la liberté religieuse par le pouvoir civil doit se faire « selon les règles juridiques, conformes à l'ordre moral objectif ».
Ces règles constituent donc un ordre juridique fondé sur des lois morales conformes à la nature objective des choses. Ceci s'oppose à un ordre juridique de type positiviste, fondé sur l'état de fait ou sur la seule volonté du législateur ou du peuple. La référence à l'ordre moral objectif est qualifiée « d'addition de grande importance. Elle a été introduite conformément au désir des pères du Concile qui demandent que dans l'estimation de l'ordre public, on tienne compte non seulement des situations historiques, mais aussi et en premier lieu de ce qui est exigé par l'ordre moral objectif » (AS 45,154).

Une authentique paix publique consiste dans une vie vécue en commun sur la base d'une vraie justice. Le Concile a délibérément exclu une conception positiviste et minimaliste de la paix publique. C'est pourquoi ont été ajoutés le qualificatif « honnête, authentique » et l'explication « qui consiste dans une convivence ordonnée sur la base d'une vraie justice ». Dans la limitation de la liberté religieuse, « il faut garder sous les yeux les exigences de la paix publique : non pas cependant d'une paix publique de n'importe quel genre, qui existe de fait ou peut exister, mais avant tout, de cette honnête paix qui est une convivence ordonnée sur la base d'une vraie justice ».

On peut donc dire que le droit à la liberté religieuse est intrinsèquement limité par les exigences de l'ordre public juste, qui comprend le respect des droits des citoyens, de la paix publique et de la moralité publique. Cette dernière consiste dans la part de l'ordre moral, objectif qu'il est politiquement possible d'imposer et de protéger par des sanctions.

On entend par moralité publique cet ensemble d'attitudes qu'à telle époque et dans telle région, l'opinion publique et ceux qui sont regardés comme sages considèrent comme répondant aux bonnes mœurs telles que le prescrit la loi morale inscrite dans le cœur de l'homme. Les normes juridiques exigées pour la sauvegarde de ces 3 éléments (droit des autres, paix publique, moralité publique) sont à entendre comme « une sanction selon la norme du droit naturel de l'ordination juridique de la société, rappelée en DH 1. Le sens même du texte est que l'ordre public est fondé sur le droit de nature.

L'ordre public ainsi décrit constitue une part fondamentale du bien commun (DH7).
« Partout où apparaît l'expression « bien commun », il faut la comprendre dans le sens employé par le pape Jean XXIII ». Ce sens est rappelé en DH 6 : « Ensemble de ces conditions de la vie sociale par lesquelles les hommes peuvent parvenir plus pleinement et plus aisément à leur propre perfection. Chaque fois qu'on mentionne l'ordre public, il faut le prendre dans le sens objectif déterminé en DH 7. C'est ce qu'indique le mot « juste » qui lui est toujours accolé comme épithète (cf DH 2b,3d,4b). Cet ordre public juste « permet l'intervention de l'État au-delà de ce que permet le concept de l'État dit libéral (« l'État-gendarme », en français dans le texte).

De même pour la liberté de propagande (LPP) Pie IX condamne une liberté de propagande illimitée. Par conséquent, il est illogique d’affirmer que Pie IX en condamnant la liberté de conscience (LCC), il ait voulu condamner tout droit à une liberté civile (en matière religieuse) et même une liberté civile limitée. Dignitatis Humanae affirme que le pouvoir civil doit interdire tous ces excès contraires à la moralité publique et aux droits des citoyens. Et donc les attentats à l'honneur des catholiques et de l'Église.

Cette dernière remarque suffit à montrer une fois de plus que le droit à la liberté religieuse DH est bien différent du droit condamné par Quanta Cura.

Le Concile reconnaît clairement :

qu'on n'a pas « le droit de se soustraire à la souveraineté de Dieu dans l'ordre moral : tous les hommes, toutes les sociétés, tous ceux qui sont revêtus de l'autorité civile doivent obéir objectivement et subjectivement (c'est-à-dire sont moralement obligés de) chercher la vérité, et il ne leur est pas moralement permis de soutenir ce qui est faux. Aucune instance humaine, objectivement, n'est moralement libre dans l'acceptation ou le refus de l'Évangile et de la vraie Eglise. Et cette obligation est aussi subjective dans la mesure où elle est perçue (AS 4,14, 133). Cette obligation est inscrite en DH 1 déjà citée.

et reconnait aussi la compétence du pouvoir public pour limiter la liberté religieuse dans les cas indiqués par DH 7.
Dans ces cas, on reconnaît le droit du pouvoir public de restreindre l'usage de la liberté pour conserver l'ordre public.
Et alors cesse l'immunité de la personne qui, dans ce cas, n'agit plus conformément à sa dignité (AS 4,1,189).

Conclusion :

On ne peut pas affirmer que les droits de l'Église et des catholiques sont toujours violés par le seul fait que les non catholiques exercent publiquement leur culte.
Arthur De la Baure
Un texte qui montre que le "saint Siège"entend bien la liberté de religion telle qu'elle a été condamnée infailliblement.
INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE
À LA IV SESSION ORDINAIRE DU
CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME

INTERVENTION DE S.E. MGR SILVANO M. TOMASI*
Genève 22 mars 2007
Monsieur le Président,
1. L'accroissement significatif de l'intérêt porté à la religion en raison de son impact sur la vie …Plus
Un texte qui montre que le "saint Siège"entend bien la liberté de religion telle qu'elle a été condamnée infailliblement.

INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE
À LA IV SESSION ORDINAIRE DU
CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME

INTERVENTION DE S.E. MGR SILVANO M. TOMASI*
Genève 22 mars 2007

Monsieur le Président,

1. L'accroissement significatif de l'intérêt porté à la religion en raison de son impact sur la vie des personnes et des sociétés dans le monde est un phénomène qui trouve, à juste titre, un écho également au sein du Conseil des Droits de l'Homme. Les atteintes aux droits des croyants, et même la violence directe contre eux, les restrictions imposées par l'Etat, les abus et les persécutions indues, les insultes publiques à l'égard des convictions religieuses, persistent malheureusement et exigent des solutions. La Délégation du Saint-Siège apprécie et soutient pleinement l'ouverture du nouveau Conseil en vue de promouvoir une vision universelle de la protection des droits de l'homme. L'une des principales contributions du Conseil est son approche globale et en accord avec les dispositions prévues par les instruments et les déclarations en matière de droits de l'homme qui soutiennent clairement, parmi les autres droits, la liberté de religion, d'expression, de conscience, de culte privé et public, et le respect des convictions religieuses pour les croyants de toutes confessions, ainsi que pour les non-croyants.
2. La Délégation du Saint-Siège constate avec préoccupation l'apparition d'un apparent dilemme entre le respect dû aux religions et le droit à la liberté religieuse, comme s'il s'agissait d'aspects incompatibles et s'excluant mutuellement. Au contraire, il s'agit de valeurs complémentaires qui ne peuvent exister l'une sans l'autre.
La dimension religieuse de la personne humaine, son attitude face à la transcendance et les exigences éthiques qui en découlent, représentent une expression concrète et fondamentale de sa capacité de libre auto-détermination. Il s'agit d'un point de référence fondamental pour le comportement personnel et social. Les religions peuvent offrir, et offrent effectivement, une base solide pour la défense des valeurs de la justice personnelle et sociale, ainsi que pour le respect des autres et de la nature.
3. Au cours de l'histoire, de tristes épisodes de fanatisme religieux ont eu des conséquences sociales tragiques. Pourtant, les religions font partie des facteurs sociaux qui, avec la science, ont le plus contribué au progrès de l'humanité, à travers la promotion des valeurs culturelles, artistiques, sociales et humanitaires. C'est pourquoi toute religion qui prêche ou accepte la violence, l'intolérance et la haine, se rend elle-même indigne de ce nom. D'autre part, nous ne pouvons manquer de constater qu'à côté du fanatisme pseudo-religieux, il existe parfois des signes d'un certain fanatisme anti-religieux, qui dénigre la religion, ou, d'une manière générale, les fidèles d'une religion, en leur attribuant la responsabilité d'actions violentes menées aujourd'hui ou par le passé par certains membres de cette religion. La critique légitime de certaines formes de comportements de la part de fidèles d'une religion ne devrait pas se transformer en insulte ou en diffamation injuste, ou encore en raillerie offensante contre des personnes, des pratiques, des rites ou des symboles vénérés par cette religion. Le respect des droits et de la dignité des autres devrait définir la limite de tout droit, y compris celui de la libre expression et de la manifestation des opinions d'une personne, y compris les opinions religieuses.
4. Le respect de la personne humaine, et de sa dignité implique le respect de sa liberté, dans le domaine religieux, de professer, pratiquer et exprimer publiquement sa religion, sans faire l'objet de railleries, d'insultes ou de discriminations. Le respect de la religion signifie le respect de ceux qui ont choisi de la suivre et de la pratiquer de façon libre et pacifique, en privé et en public, de façon individuelle ou collective. L'atteinte portée à une religion, en particulier celle d'une minorité, exerce une certaine pression sur ses disciples, qui auront plus de difficultés à professer, pratiquer et manifester cette religion en public.
5. Le sujet de la religion et le sujet de la liberté est toujours la personne humaine, dont la dignité est à l'origine des droits fondamentaux. Le respect de toute religion est fondé en définitive sur le respect dû à toutes les personnes qui, dans l'exercice de leur liberté, la suivent et la pratiquent. Bien sûr, ce respect ne peut impliquer le mépris ou les atteintes des droits de personnes qui ne suivent pas la même religion ou qui ont d'autres convictions. De cette façon, la question du respect dû aux religions devrait être fondée de façon explicite sur les droits de la liberté religieuse et de la liberté d'expression. Par conséquent, la promotion du respect des droits à la liberté religieuse et à la liberté d'expression ne devraient pas laisser de côté le respect des religions, des croyances et des opinions concrètes au sein desquelles ces droits sont exercés. On ne peut pas considérer la dérision du sacré comme un droit à la liberté. Dans le plein respect du droit d'expression, des mesures ou des instruments doivent être développés, en accord avec les dispositions en matière de droits de l'homme, afin de protéger le message des communautés religieuses contre le risque de manipulation et afin d'éviter que ses membres ne soient présentés de façon irrespectueuse.
Monsieur le Président,
6. En conclusion, un Etat véritablement démocratique se doit de considérer la liberté de religion comme un élément fondamental du bien commun, digne d'être respecté et protégé, et créer les conditions pour permettre à ses citoyens de vivre et d'agir librement. Si le débat se concentre uniquement sur la tolérance religieuse et la diffamation de la religion, il limite l'étendue de ses droits et la contribution qu'offrent les religions. En fait, pourrait s'accroître l'impression selon laquelle la religion est tolérée sur la base de conditions culturelles, ethniques, politiques, qui pourraient changer et revêtir la forme de contraintes, et qu'elle n'est pas reconnue comme un droit de l'homme fondamental et inhérent à toute personne humaine. Une approche d'ensemble, qui considère le respect de la religion comme étant enraciné dans la liberté dont chaque personne humaine a le droit de jouir dans un cadre équilibré de droits partagé avec les autres et la société, semble être une façon raisonnable d'agir.
Merci, Monsieur le Président.