Les « mauvais fruits » à la suite des Conciles

Les « mauvais fruits » à la suite des Conciles

Ceci est une traduction d’un extrait du livre de James Likoudis et de Kenneth D. Whitehead, « The Pope, the Council, and the Mass: Answers to Questions the « Traditionalists » Have Asked » (Emmaus Road Publishing, 2006, pp.165-169).
Avant de sauter sur la conclusion, sur la base d’un choc ou d’un déplaisir, que les « fruits » liturgiques de Vatican II sont maintenant murs ou, en fait, ont pourri sur l’arbre, et que rien d’autres ne peut être fait que de conclure que le Concile et ses « réformes » étaient toutes une grande erreur, nous devons nous rappeler: (1) la plupart des « fruits » en question peuvent être démontrés comme résultant du fait de ne pas suivre les prescriptions du Concile plutôt que les suivre ; et (2) qu’une période de turbulence et de confusion a suivi de nombreux Conciles dans le passé, y compris Nicée, Ephèse, Chalcédoine, Lyon, Florence, et Trente.

Par exemple, l’exhaustive Cambridge Medieval History note ceci à propos du Concile de Nicée, le premier Concile Général de l’Eglise, qui s’est assemblé en 325 :

“La grande expérience n’était pas un succès immédiat : le Concile Nicéen a ouvert plutôt que clos l’histoire de l’Arianisme sur un plan plus large, et ce ne fût pas avant la moitié d’un siècle que la sagesse se vit justifié par ses propres œuvres, bien que l’effort très ardent parvînt à rendre plus complet le triomphe longuement retardé et difficilement obtenu à la fin. [1] »

C’était précisément durant cette période à la suite du Concile de Nicée que le grand Saint Athanase, le « Père de l’Orthodoxie », dût faire son grand travail en défense de la foi (voir Question 19 [du livre]). Le travail pour l’orthodoxie étant loin d’être fait par le Concile, il incombait aux fidèles, particulièrement les laïcs, sous l’inspiration et la guidance de Saint Athanase, de prêcher les décisions du Concile [2] ; et, dans cet aspect, Nicée n’était pas du tout différent de Vatican II. Que se serait-il passé si les fidèles avaient conclu qu’il était évident par les premiers mauvais « fruits » du Concile de Nicée que le Concile en lui-même était illégitime ? Où aurait été Saint Athanase sans le soutien des fidèles ?

La bataille n’était pas contre ceux qui préféraient et soutenaient le Concile de Nicée mais contre ceux qui ne le faisaient pas, quelle que soit leur prétention. La vie entière de Saint Athanase était dévouée à défendre la décision du Concile auquel il avait assisté comme jeune diacre. Et les obstacles qu’il affronta n’étaient pas différent des obstacles que nous voyons et du mythique « esprit de Vatican II » que certains ont propagé dans la période post-conciliaire. Saint Athanase dût faire face exactement au même problème ; il prit note dans un de ses écrits de ceux qui dans l’Eglise étaient en réalité des ennemis de l’Eglise et qui, selon ses mots, n’étaient « pas désireux que les décrets du Concile soient mis en place ; désirant mettre en place leurs décisions propres ; et utiliser le nom du Concile. » [3]

En d’autres mots, ce n’est pas une chose nouvelle, que ceux qui sont dans l’Eglise, déloyaux envers ses enseignements et ses règles authentiques, essaient d’utiliser le « nom du Concile » pour leurs propres fins. Cela n’a pas commencé avec Vatican II; ce phénomène remonte au premier grand Concile Général de l’Eglise au début du quatrième siècle. Des choses similaires à ce que nous expérimentons depuis Vatican II – et bien pire – peuvent être documentées dans les périodes qui suivent plusieurs des autres Conciles Œcuméniques dans l’histoire de l’Eglise.

Le Concile d’Ephèse en Asie Mineure, le troisième Concile Général de l’Eglise, se finit dans une impasse désespérée, avec deux factions majeures de l’épiscopat oriental de l’Eglise s’excommuniant mutuellement. Bien que la dispute doctrinale entre les deux Patriarches d’Antioche et d’Alexandrie fût résolue plus tard, les passions théologiques irritées non seulement firent naître le fameux faux Concile du « brigandage », tenu aussi à Ephèse, dans lequel le pape lui-même (Pape Saint Léon Ier) était « excommunié », mais aussi menèrent , avant l’écoulement de vingt ans, à la convocation d’un autre concile général illégitime pour essayer de régler les « fruits » du précédent. [4]

Cette dernière convocation, le Concile de Chalcédoine, rassemblé à travers le Bosphore depuis Constantinople en 451, publia la cadencée, lucide, et majestueuse définition des natures humaine et divine jointe en une seule Personne divine de Notre Seigneur Béni qui a enduré dans l’Eglise jusqu’à ce jour : « le même parfait en divinité, et le même parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme (composé) d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstantiel au Père selon la divinité et le même consubstantiel à nous selon l’humanité, en tout semblable à nous sauf le péché (voir He 4,15), avant les siècles engendré du Père selon la divinité, et aux derniers jours le même (engendré) pour nous et notre salut de la Vierge Marie, Mère de Dieu » [5]

Aucun Catholique ne peut douter, en jugeant cette définition, que l’Esprit Saint était présent au Concile de Chalcédoine – tout comme l’Esprit Saint était aussi présent au Concile d’Ephèse en 431, où la maternité divine de Marie fût définie. Ces fruits doctrinaux sont évidents dans le cas de ces deux Conciles. Pourtant d’autres de leurs “fruits” évidents n’ont pas découlé du Saint Esprit de façon aussi évidente. De ceci nous devons apprendre à être prudent quand nous commençons à parler de ce que puissent être les « fruits » d’un Concile particulier. Les hommes, mêmes les prélats Catholiques, pourraient regrettablement exhiber des faiblesses « trop humaines », mais Dieu peut en tirer un bien même de ceux-ci, bien que parfois il faille lui donner du temps. Pendant ce temps, Dieu veut aussi que nous aidions à faire réparation.

A la suite de Chalcédoine, des schismes à grande échelle ont pris naissance dans les Eglises de rite Oriental dus aux incompréhensions des enseignements conciliaires ou à leur résistance – encore une fois, un cas où l’on refuse de suivre un concile, pas où on le suit. L’ “incompréhension” à la suite du Concile de Chalcédoine aboutit à une propagation de l’hérésie Monophysite, qui a en fait duré plus de 1500 ans, séparant les églises Coptes, Ethiopiennes, Arméniennes, et Jacobites de l’unité Catholique pour la plupart de ces siècles. Quand nous considérons que les points doctrinaux ou théologiques concernés consistent principalement sur une « interprétation » de la théologie de Saint Cyrille d’Alexandrie, nous pouvons à juste titre espérer que les efforts louables de Vatican II pour l’œcuménisme résulteront à un éclaircissement de ces « incompréhensions ».

Les décrets dogmatiques et disciplinaires du Concile de Trente, qui s’est réuni pour réformer l’Eglise en sa tête et en son corps, ont été largement ignorés, par exemple, par le parlement de la nation Catholique la plus puissante, la France, qui était plus tard ravagée par les controverses religieuses violentes au sujet du Jansénisme et du Gallicanisme. Après la Guerre de Trente Ans (1618-48), l’Eglise dans presque tous les Etats d’Europe était tombée victime d’un absolutisme royal. Dans les mots de l’historien Philip Hughes, « l’année 1789 a trouvé la religion Catholique partout enchaînée, dans les différents Etats Européens, sa vitalité faible après tant de générations de captivité aux mains des rois Catholiques. » Dans les mots d’un autre historien commentant la vitalité extraordinaire infusée dans l’Eglise par le Concile de Trente, « l’apostasie dans l’Eglise Catholique au seizième siècle a été suivie aux dix-septième et dix-huitième siècles par une apostasie totale de la Chrétienté elle-même ».[6]

Il n’est pas vrai, en d’autres termes, que les « fruits » d’un concile doivent tous être évidemment bons avant de pouvoir juger qu’un concile est bon – car la mécréance et l’apostasie dans le monde a vue une montée sans précédent dans les siècles qui suivirent le Concile de Trente, même si le Concile a accompli ce qui pouvait être accompli, étant donné la situation. Mais nous- et l’Eglise- essayons toujours de gérer les conséquences de cette mécréance et cette apostasie répandue de la Chrétienté qui a monté en dépit des réformes Tridentines. Le Pape Jean XXIII a convoqué le Second Concile du Vatican dans une tentative de commencer à établir des manières de gérer la mécréance massive et le paganisme d’aujourd’hui (voir Question 10 [du livre]).

Même le Premier Concile du Vatican, qui maintenant nous semble tant faire partie intemporelle de la Tradition de l’Eglise, était en son époque vu avec une anxiété considérable par ceux qui craignaient une Eglise de plus en plus ouverte à l’agression grandissante des Etats nationalistes et sécularistes. Rassurant de tels « alarmistes », John Henry Newman, dans une lettre privée, admettait que c’était un « précédent sérieux » que Vatican I définisse le dogme de l’infaillibilité du pape « sans cause définie et urgente ». Des critiques se sentent non seulement accablées par la confusion qui a suivi Vatican II ; certains vont même jusqu’à imaginer que cette confusion invalide d’une certaine manière les actes du Concile, une notion nous avons vue être sans fondement dans notre réponse à la Question 2 [cf. livre].

Le Cardinal Newman indiqua à ses amis, qui avaient peur des possibles mauvais effets de Vatican I, exactement ce que nous avons établi ici, à savoir que, dans les mots de Newman, « il y a rarement eu un Concile sans grande confusion à sa suite – il en est de même du premier – il en est de même du troisième, du quatrième, et cinquième – et le sixième qui condamnait le Pape Honorius » (voir Question 22 [du livre]). En dépit de cela, Newman donnait conseil à ses amis, en basant son affirmation sur sa propre vaste connaissance de l’histoire de l’Eglise, spécialement dans ses premiers siècles, « Dieu subviendra ». [7] Si necessaire, Dieu compensera les erreurs des hommes. Dieu ne nous tient pas responsable de ce qui se passe au moment ou après un concile de l’Eglise (si ce n’est pour notre respect envers celui-ci). Dieu ne nous demande pas de juger du quelconque fruit d’un Concile quand, dans la nature des choses, nous ne pouvons pas vivre assez longtemps pour les évaluer dans leur perspective complète.

Il est essentiel que les mots de Notre Seigneur, « chaque arbre en effet se reconnaît à son propre fruit » (Luc 6 :43-45) soit appliqué avec discernement. Ils ne veulent certainement pas dire que « l’Eglise enseignée » doive devenir le juge de « l’Eglise enseignante ». Dans tous les cas, les leçons de l’histoire indiquent qu’une perspective à plus long terme est nécessaire avant de justifier une charge de mauvais « fruits » contre le Second Concile du Vatican. […]