Laurier
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LE CONCLAVISME EST UN SCHISME ET UNE HÉRÉSIE

Le Conclavisme [élection illégitime d'un "pape" par un groupuscule] est une déviance du sedevacantisme, quoiqu’étant sa suite logique, ainsi que le relèvent divers analystes et observateurs. En effet, le sedevacantisme estime que l’Église catholique, depuis Vatican II, a perdu toute sa hiérarchie légitime, pour cause d’hérésie, sans néanmoins savoir baser juridiquement sa déduction sur une cause législative précise et surtout certaine de cette vacance, non seulement du Siège de Pierre, mais également de tous les Sièges épiscopaux ! Cause en effet qui ne peut être trouvée que dans les « lois et règles de l’Église » en vigueur au moment des faits, ainsi que l’enseigne S. Pie X pour décrire la légitimité ou l’illégitimité d’un Pasteur (Catéchisme de 1905, Q. 205), et non dans des analyses, opinions, hypothèses ou thèses qui, par définition, n’établissent rien avec certitude. En effet, un Siège épiscopal n’est vacant que pour quatre causes, bien décrites au canon 430 §1 (CIC 1917), et la cause d’hérésie formelle de l’évêque n’y figure absolument pas (qui d’ailleurs ne sont concernés par aucune perte d’office ipso facto, sans jugement du pape, selon c. 1557-1558 et 2227). « Aucune autorité autre que celle du Pasteur suprême, ne peut invalider l’institution canonique donnée à un évêque » (Pie XII, Ad apostolorum principis, 1958). Le Canon 1347 §3 précise même explicitement que « si le prédicateur [donc publiquement] répand des hérésies, on doit procéder contre lui conformément au droit. » Ce qui renvoie à une procédure pénale (canon 2314), avec monitions, etc. Pour cette cause, il n’y a donc pas de perte d’Office ipso facto. Le pape, quant à lui, « n’est jugé par personne » (canon 1556). Par ailleurs, les arguments généralement avancés sont sans force puisque ce sont ou des opinions de théologiens du passé, ou des lois soit abrogées, soit imaginaires, soit mal comprises. Lire à ce sujet : La Bulle de Paul IV, cum ex apostolatus, dans la crise actuelle, par Laurent Morlier (2e éd. 2022, 74 p. 7 €). Lisible en ligne :
Bulle de Paul IV
Enfin, Sur le pape hérétique, l’abbé Damien Dutertre conclut son étude de 31 p. (oct. 2022) ainsi : « L’argument du “pape hérétique” [en tant que docteur privé] est incapable de prouver quoi que ce soit avec certitude, car il y a tant de spéculations et désaccords entre les théologiens, et depuis l’Église ne nous a pas donné un ensemble de règles à suivre. De plus, le problème qui se pose n’est pas le péché personnel d’hérésie d’un “pape”, mais plutôt sa promulgation d’hérésie. » (mais il n’y a pas d’instance supérieure pour en juger !)
Quant à la thèse dite de Cassiciacum, étant hors cadre des « lois et règles de l’Église » en vigueur au moment des faits, elle n’est pas en mesure d’argumenter sérieusement et de démontrer l’illégitimité de la hiérarchie de Vatican II (depuis fin 1958 ou 1965 : on ne sait d’ailleurs pas trop). Elle s’affirme même comme reposant « sur des notions philosophiques » : « La Thèse en vérité va au-delà du droit canonique et repose sur des notions philosophiques de l’autorité qui peuvent être appliquées y compris à la suprême autorité du Pontife Romain. » (Mgr Sanborn, Sodalitium n°49). Une thèse (le mot est du Père Guérard) est d’ailleurs, par définition : « une tentative de solution provisoire dans une question scientifique compliquée », ici la science théologique relativement à la crise actuelle. C’est un peu comme une proposition de loi nouvelle, suggérée par de simples membres de l’Église enseignée : elle ne peut avoir aucune application ni valeur, tant qu’elle ne sera pas approuvée par l’autorité légitime ! Répondre qu’elle est « dans la nature des choses » (Abbé Ricossa, Sodalitium n°66), c’est faux car aucune élection faite selon « les lois et les règles de l’Église » n’a jamais été déclarée illégitime pour défaut d’intention de l’élu (obstacle interne et donc invisible au moment de l’élection ! et discernable sans garantie, au vu des résultats, des années après ! Avec quelle fiabilité et par quelle autorité : ?)… Et qui décidera qu’un beau matin, son intention redevenue bonne, ce non-pape devient vrai pape ? Nous tomberions dans un doute continuel et sans issue pour savoir si le pape pourtant élu selon « les règles et les lois de l’Église » est bien pape ou non… La visibilité formelle du pape ne serait plus. Or, Pie XII a décrété dans sa Constitution de 1945 que l’élu qui accepte la charge (oui/non) « est immédiatement vrai pape » avant même donc d’avoir enseigné ou fait quoi que ce soit (cf. aussi canon 219 : « Le Pontife romain, légitimement élu, obtient de droit divin, immédiatement après son élection, le plein pouvoir de souveraine juridiction. ») Cette thèse est par ailleurs en contradiction avec l’acceptation pacifique de l’Église universelle, parfaitement réalisée à l’été 1963. Nier ce fait dogmatique qui oblige de foi (car il est connexe au dogme) revient à nier l’indéfectibilité de l’Église. C'est d'ailleurs "un péché grave contre la Foi". Theological Notes

Au-delà de ces justifications qui n’emportent déjà pas l’ adhésion, se pose un problème majeur relatif à l’indéfectibilité et la visibilité de l’Église et sa note essentielle d’Apostolicité (Credo)…
Le « corps hiérarchique divinement institué par le Sauveur » (S. Pie X, Vehementer nos, 1906), sur lequel « repose toute la vie active de l’Église visible » (tout cela est fondé sur une loi divine : “Divina lege fundatum”), s’il peut se réduire drastiquement en nombre ne peut néanmoins jamais s’interrompre totalement, même un instant, et on doit donc croire, de foi divine et catholique, car ça relève de la dogmatique, en la subsistance, « en tout temps », d’un corps légitime de pasteurs, vivants et vrais, ayant juridiction ordinaire (cf. Satis cognitum, Pastor Æternus, etc.), à tout le moins un pape légitime vivant, lui seul ayant juridiction universelle ! Supposer que toute la hiérarchie (l’Église enseignante), pourtant légitime à la mort de Pie XII, puisque constituée par lui, ait pu faire défection totalement lors du concile Vatican II, doctrinalement (mais quelle autorité autre est apte à en juger ?), mais aussi qui plus est en s’unissant sans aucune exception (Acceptation pacifique de l’Église universelle, parfaitement réalisée à l’été 1963, fait dogmatique) à deux pseudos faux-papes Jean XXIII (1958) et Paul VI (1963), donc en adhérant d’un bloc à une fausse règle de la Foi, en concile universel, est une position impie et « blasphématoire » (le mot est employé par Pie IX dans Etsi multa 1896), puisque les promesses du Christ quant au fondement hiérarchique de l’Église, qui ne peut ni s’interrompre, ni défaillir dans la Foi, auraient été vaines ! La sainte Église catholique et légitime (ce qu’elle était assurément fin 1958 !) aurait donc fait entièrement défection ! À cela doit encore s’ajouter la conséquence directe de cette interruption : la mort de l’Église, puisque, tous les manuels de théologie l’enseignent, une hiérarchie interrompue ne peut plus se reconstituer ! « L’Église indéfectible aurait péri » (D.T.C., tome 1b). « Or, cette continuité doit s’entendre au sens strict, dans la mesure où elle exclut toute rupture ou toute possibilité de changement. En effet, le Christ a dit : “Je suis avec vous tous les jours” [Matth. XXVIII, 20], et il a par là exclu toute interruption, d’aussi courte durée soit-elle, même d’un seul jour ou d’un seul instant. » (card. Billot, De Ecclesia Christi.)
« L’Église étant un corps social hiérarchique, il faut appartenir à ce corps social pour avoir part à l’autorité de sa hiérarchie. Sans succession apostolique, la hiérarchie n’est plus celle que le Christ a instituée : c’est une œuvre humaine ; et quand même les sacrements y resteraient, l’autorité n’y serait pas ; car le pouvoir d’ordre n’emporte pas de soi le pouvoir de juridiction : celui-ci est attaché à la mission, à la succession légitime. » (Dictionnaire de théologie catholique, tome 1b, Apostolicité.)
On trouvera toute la base doctrinale et dogmatique de l’absolue nécessité du maintien sans interruption des notes essentielles de l’Église (qui se vérifient à travers la seule hiérarchie légitime vivante), dans l’ouvrage La visibilité de l’Église à la fin des temps, la « Femme au désert » (Apoc. XII), par Laurent Morlier, D F T 2023, 160 p. 16,50 €. Lisible en ligne sur fichier-pdf.fr.

Poursuivons : Certains sedevacantistes, devenus d’ailleurs désormais « ecclesio-vacantistes », puisqu’avec le temps qui passe, ce n’est plus seulement le Siège de Pierre qui est vacant mais tous les Sièges épiscopaux (donc toute l’Église enseignante ayant juridiction ordinaire, d’institution divine, c. 108 §3) ! conscients que l’Église instituée par le Christ ne peut demeurer sans hiérarchie puisque c’est le fondement de l’Église visible et donc la source de toute juridiction (Matth. XVI, 18) ; en une certaine logique, estiment donc qu’il convient d’élire un « nouveau pape ». Nouveau étant le terme qui convient, puisque dans ce cas de figure, n’étant plus dans une succession apostolique ininterrompue, il s’agirait de fait d’un « nouveau pape » sans lien avec une hiérarchie légitime précédente, interrompue… (tous les cardinaux et évêques établis par Pie XII, donc légitimes, et ayant juridiction ordinaire, sont morts ! Ceux de Jean XXIII également !)… Donc, aussi, une « nouvelle Église » n’ayant plus de lien ininterrompu avec l’Église hiérarchique précédente (extinction de cette dernière) établie sur Pierre et ses successeurs… De ce fait, bafouant les règles strictes qui doivent être observées pour une élection pontificale légitime (Constitution sur l’élection du Pontife romain, établie par le Pape), ils refont de fait une “église” selon leurs idées, et ainsi les conclavistes sont clairement schismatiques.
Enfin, imaginer qu’on puisse élire un pape, non seulement en bafouant « les règles et lois de l’Église » en la matière selon le dernier document authentique en vigueur pour cela (1945, Pie XII Vacantis apostolicæ sedis ; canon 160), mais qui plus est en donnant un « droit de vote » à des membres de l’Église enseignée, mène à l’hérésie ! « La proposition qui déclare : “Le pouvoir a été donné par Dieu à l’Église pour qu’il soit communiqué aux pasteurs qui sont ses ministres pour le salut des âmes”, si on comprend en ce sens que le pouvoir du ministère ecclésiastique et du gouvernement dérive de la communauté des fidèles aux pasteurs, (est) hérétique. » (Denzinger 2602-2603, éd. 1996 / Bulle de 1794).
« Pierre reçoit seul les clefs, non pour en remettre la pleine et entière disposition, mais pour en communiquer l’usage aux autres pasteurs. Donc les autres pasteurs sont privés des clefs jusqu’à ce qu’ils les aient reçues de Pierre. […] On passe outre cependant, et l’on dit : L’Église donnera les clefs aux pasteurs. Mais qui les donnera à l’Église elle-même ? Les mêmes Pères nous l’apprennent : “Jésus-Christ a donné les clefs à Pierre, et par lui à l’Église.” On n’avance donc rien en recourant à l’Église, si on ne présuppose le consentement de Pierre. N’importe, oublions pour un moment la maxime de Tertullien (“Le Seigneur a donné les clefs à Pierre, et par lui à l’Église”) ; demandons seulement quelle est cette Église douée de juridiction, cette Église de qui les pasteurs recevront les clefs ? Il n’y a point à hésiter, ce sont les pasteurs mêmes. Ainsi l’on soutient ensemble ces deux propositions : les pasteurs n’ont point les clefs ; les pasteurs se donneront les clefs. On met la plénitude de la juridiction là où on a supposé l’absence de toute juridiction, et pour ne pas reconnaître les droits du Saint-Siège, on outrage sans remords ceux du bon sens.[1] »
Les prêtres et laïcs et aussi les évêques sans juridiction (ceux de la Tradition) ne font pas partie de l’Église hiérarchique légitime, la « hiérarchie de juridiction » (DTC ; canon 108 §3), et de ce fait ne peuvent élire le pape. « Une telle assemblée d’évêques ne serait pas en mesure de restaurer la hiérarchie » a même reconnu et écrit Mgr Guérard des Lauriers !
Il est radicalement impossible théologiquement parlant que de simples membres de l’Église enseignée sans aucune juridiction (et pour cause !) puissent procéder à une élection légitime du pontife romain ! et même d’une quelconque élection ecclésiastique ! L’Église n’est pas une démocratie mais une monarchie de droit divin, et tout doit partir de la Tête visible (vivante) : le pape, qui désigne les cardinaux électeurs et les évêques, seuls membres légitimes de la hiérarchie, seuls successeurs des Apôtres, et qui définit les règles de l’élection. En dehors de cela, l’Église n’est plus apostolique et c’est la porte grande ouverte au schisme et à l’anarchie !
« Il en résulte que cette Église est par essence une société inégale, c’est-à-dire une société comprenant deux catégories de personnes : les pasteurs et le troupeau, ceux qui occupent un rang dans les différents degrés de la hiérarchie et la multitude des fidèles ; et ces catégories sont tellement distinctes entre elles, que, dans le corps pastoral seul, résident le droit et l’autorité nécessaires pour promouvoir et diriger tous les membres vers la fin de la société. » (S. Pie X, Vehementer nos 1906.)
Pour être complet, voici la réponse que Mgr Sanborn donne aux sédévacantistes qui – implicitement ou explicitement – considèrent par contre, comme possible la solution du Conclave :
“Q. Pourquoi le sédévacantisme complet n’est-il pas viable ? R. Parce qu’il prive l’Église du moyen d’élire un successeur légitime de saint Pierre. Il détruit fondamentalement l’apostolicité de l’Église. Les sédévacantistes complets essaient de résoudre le problème de la succession apostolique de deux manières. La première est le conclavisme. Ils avancent que l’Église est une société qui a le droit intrinsèque d’élire ses propres chefs. Par conséquent le petit reste de fidèles pourrait se réunir et élire un Pape. En supposant que pareille tâche puisse être menée à bien, elle soulève plusieurs problèmes. Premièrement : qui serait légalement désigné pour voter ? Comment désignerait-on légalement ces électeurs ? Deuxièmement : au nom de quel principe pourrait-on obliger les catholiques à reconnaître comme successeur légitime de saint Pierre celui qui gagnerait pareille élection ? Le conclavisme n’est en fait qu’un élégant euphémisme pour désigner le règne de l’anarchie où ce sont les plus féroces qui mènent la meute. L’Église catholique n’est pas une meute, mais une société divinement constituée régie par ses propres règles et ses propres lois [qui ne peuvent changer quand il s’agit du droit divin]. Troisièmement, et c’est le plus, on ne peut pas passer du droit naturel des hommes à se choisir des chefs, au droit d’élire un Pape. L’Église n’est pas une institution naturelle au même titre qu’une société civile. Les membres de l’Église catholique n’ont en propre aucun droit naturel à désigner le Pontife romain. C’est le Christ lui-même qui, à l’origine, a choisi saint Pierre pour être le pontife romain et les modalités de désignation ont ensuite été fixées légalement [donc par lui]”. (Mgr Donald J. Sanborn, Explanation of the Thesis of Bishop Guérard des Lauriers, 29/06/2002.)
« Les Évêques sans juridiction ne peuvent élire le Pape…
« À plus forte raison sont exclus du nombre des électeurs – précisément parce qu’exclus du Concile général – les Évêques consacrés sans mandat romain dans les conditions exceptionnelles de la vacance actuelle (formelle) du Siège Apostolique. Ces Évêques ont en effet été consacrés validement et même, à notre avis, – au moins dans certains cas – licitement ; mais cependant ils sont – de la façon la plus absolue – privés de juridiction par le fait que l’Évêque reçoit de Dieu la juridiction seulement par l’intermédiaire du Pape, intermédiaire exclu dans notre cas. Étant privés de juridiction, ils n’appartiennent pas à la hiérarchie de l’Église selon la juridiction [canon 108 §3], ce pour quoi ils ne sont pas membres de droit du Concile et ne sont donc pas habilités à élire validement le Pape, pas même dans des cas extraordinaires.
« Si les Évêques titulaires, pourtant nommés par le Pape, ne peuvent élire le Pape, si ne le peuvent pas non plus les Évêques purement consacrés, sans mandat romain, de simples prêtres le peuvent encore moins. Quant aux laïcs, ils sont exclus de façon plus radicale encore de toute élection ecclésiastique.
« Cette conclusion est confirmée par le droit positif de l’Église, tant pour ce qui regarde toute élection ecclésiastique en général que pour ce qui concerne l’élection du Pape. »
(Abbé Ricossa) Cf. L'election du Pape - Sodalitium
Précisons quand même ici qu’une élection par un concile d’évêques ayant juridiction (hypothèse de théologiens du passé) serait contestable puisque Pie XII déclare dans sa Constitution de 1945 qu’une telle élection serait nulle de plein droit, et que par ailleurs on tomberait dans l’hérésie condamnée du conciliarisme… Ce qui pourrait néanmoins valider une telle élection (en cas exceptionnel de force majeure : absence totale de cardinaux) serait ensuite l’acceptation pacifique de l’Église universelle (fait dogmatique qui oblige de Foi [2]), encore faudrait-il des évêques ayant juridiction pour la représenter ! Puisque par « Église universelle », le cardinal Cajetan entend, comme d’autres, la hiérarchie, les chefs des Églises particulières ayant juridiction ordinaire : ceux qui sont convoqués à un concile universel, selon Canon 223.
Rappelons aussi que ce sont seulement le respect strict « des règles et des lois de l’Église » édictées préalablement par une autorité légitime qui établissent un pape légitime avec certitude. Or, si les règles de l’élection pontificale devaient être modifiées aujourd’hui, cela ne pourrait se faire que par une Autorité légitime ayant pouvoir législatif. Et qui donc a ce pouvoir législatif dans l’Église ? Le cardinal Gousset nous l’enseigne et c’est, écrit-il, « de Foi » : « Le pouvoir législatif de l’Église réside dans les évêques [ayant juridiction], et principalement dans le pape, exclusivement à tout autre, même aux prêtres. […] Il est donc constant qu’on a toujours cru que le pouvoir législatif de l’Église réside dans le pape et les évêques [établis par lui], à l’exclusion de ceux qui n’ont que le caractère sacerdotal ; et que ce pouvoir leur vient de Jésus-Christ, et non du peuple chrétien. Les deux propositions du synode de Pistoie, où l’on affirme que la puissance spirituelle a été donnée de Dieu à l’Église ou à la communauté des fidèles pour être ensuite communiquée aux pasteurs, en sorte que le pape et les évêques n’auraient plus qu’une autorité ministérielle, émanée du peuple chrétien, ont été condamnées comme hérétiques par la bulle Auctorem fidei, de l’an 1794. La puissance législative du pape et des évêques ne vient point, non plus, des princes de la terre ; elle est, de sa nature, indépendante de la puissance temporelle.[3] »
Dès lors, si les règles de l’élection pontificale devaient être modifiées aujourd’hui ou demain, elles ne pourraient l’être que par cette voie… Ce qui nous renvoie à l’impossibilité décrite par le cardinal Cajetan : « impossibile est Ecclesiam relinqui absque Papa et potestate electiva Papæ : il est impossible que l’Église soit laissée sans Pape et sans le pouvoir d’élire le Pape.[4] » Donc, dans le cas présent, il est impossible que l’Église soit laissée sans une hiérarchie légitime vivante ayant juridiction ordinaire !
C’est dire si le Conclavisme s’écarte encore plus de cette éventualité en envisageant carrément, lui, une élection selon de nouvelles règles et par des membres de l’Église enseignée ! Et qui plus est sur le postulat blasphématoire que l’Église hiérarchique légitime (puisque constituée par le pape Pie XII) divinement instituée par le Sauveur a apostasié après 1958 en concile œcuménique (1962-1965) et s’est ainsi interrompue !
Pour finir, posons justement une question de logique et de bon sens aux sedevacantistes-conclavistes :
Pourquoi donc voulez-vous reconstituer une hiérarchie, alors même que vous nous dites par ailleurs qu’à la mort de PIE XII, la VRAIE hiérarchie légitime constituée par ce pape et le précédent, a fait entièrement défection et de trois manières :
1°/ les cardinaux légitimes en élisant ce que vous appelez un anti-pape : JEAN XXIII (1958), puis PAUL VI (1963) ; en suivant pourtant la Constitution de PIE XII sur l’élection du Pontife romain (1945) « qui doit être utilisée seule » c. 160. ; (alors d’ailleurs qu’un anti-pape n’est qu’un rival d’un vrai pape ! Où est le vrai ?)
2°/ toute la hiérarchie de juridiction (=évêques résidentiels représentant l’Église universelle) a ensuite adhéré pacifiquement sans aucune exception à ces élections en étant UNA CUM ces papes légitimement et canoniquement élus (fait dogmatique) ; et cela bien avant la clôture de Vatican II fin 1965, la nouvelle Messe 1969, etc… (il ne peut y avoir de causes rétroactives)
3°/ en affirmant néanmoins, selon vos analyses, que toute cette même hiérarchie, pourtant à la base VRAIE et légitime, a donc adhéré d’un bloc à une fausse règle de la Foi, puis a apostasié en enseignant l’hérésie formelle en concile universel, urbi et orbi !? (=hérésie et « blasphème » selon Pie IX dans Etsi multa 1896.)
Si telle est la situation, alors il ne sert plus à rien de recommencer à refaire une hiérarchie VRAIE qui, de toutes manières (dans cette optique) a clairement démontré qu’elle n’était plus fiable ni indéfectible ! L’Église ayant déjà été interrompue dans sa hiérarchie (la succession apostolique doit être sans interruption et c’est un dogme !), il ne servira plus à rien de réparer par des moyens purement humains une Église catholique qui aurait déjà fait défection totalement, entièrement ! C’est manifester qu’on ne croit plus en l’indéfectibilité de l’Église, d’une manière ou d’une autre.
S’il est vrai qu’en bout de ligne, on se retrouve avec une Église illégitime et fausse, le grand problème des sedevacantistes, c’est qu’ils ne savent pas expliquer par quelle alchimie respectant « les lois et règles de l’Église » et surtout l’indéfectibilité de l’Église, nous sommes passés d’une VRAIE hiérarchie fin 1958 à une fausse hiérarchie, et où est passée la VRAIE qui ne peut, encore une fois, s’INTERROMPRE totalement : !? On ne sortira pas de là si on veut avancer dans la vérité.

L. M., 26 novembre 2022

[1] Tradition de l’Église sur l’institution des évêques, Paris 1814, Tome 1, Introduction. Citation reprise par Dom Gréa, dans La Constitution divine de l’Église.
[2] « Qu’est-ce qu’un fait dogmatique ? C’est un fait qui, quoique en dehors de la révélation, est cependant intimement lié avec les vérités à croire ; en sorte que l’admission de ce fait emporte la croyance de quelque dogme. » Dictionnaire de théologie dogmatique, par Bergier, publié par l’Abbé Migne, 1850, tome 2, colon. 251-252. — « N°211 Faits dogmatiques. […] si tous les évêques conviennent de reconnaître un certain homme comme pape, ils ont certainement raison, car sinon le corps des évêques serait séparé de leur tête, et la constitution divine de l’Église serait ruinée. » Outlines of dogmatic theology [Résumé de Théologie Dogmatique], by Sylvester Joseph Hunter, 1829-1896. Imprimatur 1894, page 310 (traduction de l’anglais). — Un Fait dogmatique est donc un fait connexe au dogme : si vous niez le fait, vous niez le dogme qui lui est lié : dans le cas présent l’indéfectibilité de l’Église, et la note d’Apostolicité. Il ne s’agit donc pas d’une « opinion de théologien »…
[3] Théologie dogmatique, du cardinal Gousset. Paris, Victor Lecoffre, 1879. 13e édition, tome 1, p. 649 et suiv.
[4] Cardinal Cajetan, De comparatione auctoritatis Papæ et Concilii cum apologia eiusdem tractatus, n. 744.
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Texte plus complet (avec Addenda), téléchargeable ici :
Fichier PDF Conclavisme est un schisme et une hérésie A5.pdf