Du sede-lefevrisme à L'Église catholique. Frère Andrew Bartel, OP

Lettre ouverte à un frère qui souhaite rejoindre la FSSPX.

"Cher P. Wojciech Gołaski, [un dominicain polonais qui a annoncé fin 2021 rejoindre la F.S.S.P.X.]

J’ai lu votre lettre ouverte au Pape François et à notre Ordre avec sympathie et compréhension, mais aussi avec une grande tristesse. Je comprends la douleur que vous ressentez face à la restriction d’un rite liturgique que vous en êtes venu à aimer et à chérir. Mais je ne comprends pas pourquoi vous nous recommandez implicitement votre exemple dans votre décision d’adhérer aux structures de la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX). Je ne peux que supposer que c’est parce que, pour l’instant, vous ne connaissez que la façade favorable que cette fraternité sacerdotale et ses associés présentent au monde. Permettez-moi de vous emmener dans les coulisses, derrière les accessoires catholiques. Puisque j’ai été intimement lié à la FSSPX depuis mon plus jeune âge, je voudrais partager mon expérience avec vous, et avec tous ceux qui pourraient envisager d’adopter sa vie séparée de l’Église, en particulier les membres de notre Ordre dominicain auxquels vous vous êtes adressé.

Soyons clairs : je n’ai jamais été maltraité de quelque façon que ce soit par un membre de la FSSPX. J’ai eu une enfance très heureuse et je serai éternellement reconnaissant pour le dévouement et l’excellence des nombreux prêtres auprès desquels j’ai reçu ma formation chrétienne. Il y a cependant certains principes de pensée et d’action qu’ils ont reçus de leur fondateur, Mgr Marcel Lefebvre, qui les arrachent non seulement à l’Église, mais aussi les uns aux autres. Ces principes ont le même effet que ceux que l’on trouve dans le protestantisme. Plus un catholique progresse de « traditionnel » à « traditionaliste », moins il ou elle deviendra catholique. L’« expérience de la Tradition », comme Mgr Lefebvre a appelé ce mouvement et comme il l’a lui-même façonné, a une trajectoire intrinsèquement clivante. Je sais… ça a déchiré ma propre famille.

Ma mère et mon père sont des convertis du protestantisme et ils sont entrés dans l’Église quand j’avais cinq ans. Comme c’est souvent le cas, ils avaient certaines idées préconçues sur ce que serait la vie dans l’Église. Après tout, c’était censé être un refuge loin des problèmes du protestantisme. Ce qu’ils ont découvert, cependant, c’est que l’Église de Dieu sur terre était un gâchis (comme elle l’a toujours été). Ils ont été exposés à de mauvaises liturgies et à une mauvaise catéchèse. Mes parents avaient également été dans l’armée et étaient très performants, et la plupart des catholiques les considéraient comme des indisciplinés dans leur (non)pratique de la religion catholique. Petit à petit, mes parents sont entrés en contact avec le mouvement catholique traditionnel, et cela les a immédiatement attirés. Tout cela s’est passé en deux ans environ, et je suis officiellement devenu un « tradi » à l’âge de sept ans. Ma première communion, ma confirmation et ma formation religieuse ont toutes eu lieu sous les auspices de la FSSPX.

Peu de temps après être « entré dans la Tradition », ma mère a découvert le sédévacantisme, qui lui a démontré plusieurs problèmes logiques et historiques avec les positions doctrinales de la FSSPX. C’est ce qui avait poussé le premier groupe dissident de prêtres à se séparer de la Fraternité en 1983, appelé « les Neuf ». Parmi eux se trouvaient les prêtres traditionalistes désormais bien connus Daniel Dolan, Donald Sanborn et feu Anthony Cekada. Ils refusèrent d’accepter le Missel réformé de 1962 du pape Jean XXIII et pensèrent que la position ecclésiologique prise par l’archevêque et sa Société était incompatible avec la Tradition de l’Église. Ces prêtres ont été expulsés et de longues batailles juridiques sur l’immobilier s’ensuivirent. Maman est venue embrasser leur position comme la sienne, même si elle a continué à recevoir les sacrements de la chapelle de la FSSPX à laquelle notre famille a assisté.

Mon père admirait le leadership de Mgr Lefebvre, ainsi que celui de Mgr Richard Williamson. Il croyait qu’ils avaient atteint un équilibre délicat entre les deux extrêmes de « l’église Novus Ordo » et le sédévacantisme. A leur exemple, il n’a pas totalement rejeté la possibilité d’une vacance du siège, mais il a trouvé cela problématique à plusieurs égards. Cela a permis une période de paix relative dans notre famille, car mes parents ne se désavouaient pas complètement les uns des autres, et ils étaient unis dans leur rejet de « l’Église conciliaire ». Outre la chapelle de la FSSPX, où la messe n’était disponible qu’un week-end sur deux, nous assistions également aux messes offertes par les prêtres de la Congrégation de Marie Immaculée Reine (CMRI) [sédévacantiste], qu’ils offraient dans nos maisons les week-ends. Comme mon père aimait à le dire : « Nous sommes tous dans le même bateau ». Cela a duré jusqu’à ce qu’un paroissien s’en prenne à notre curé FSSPX, qui a menacé de nous interdire l’entrée de la chapelle si nous continuions à ouvrir notre maison aux vilains prêtres sédévacantistes. Cela semblait très peu gracieux, étant donné que le CMRI n’a pas interdit à ses partisans d’assister à la chapelle de la FSSPX.

J’ai reçu ma vocation à l’Ordre dominicain à l’âge de huit ans, après avoir lu une vie de saint Dominique de Mary Fabyan Windeatt. J’avais hâte de rejoindre le plus tôt possible, alors après avoir appris l’âge minimum requis par le droit canon, j’ai écrit à la communauté associée à la FSSPX à Avrillé, en France. Ils m’ont généreusement offert l’opportunité de fréquenter leur lycée, tout en participant à leur programme de postulat. Mes parents m’ont beaucoup soutenu et je suis arrivé là-bas à l’été 2011. J’ai passé une année de discernement avec cette belle communauté, jusqu’à ce que je décide de retourner aux États-Unis pour terminer mes études secondaires. Avant mon départ, j’ai eu le plaisir d’avoir une audience privée avec un héros familial, Mgr Williamson, venu visiter notre communauté d’Avrillé. Il a gentiment accepté de me rencontrer, et m’a donné des conseils avisés et utiles concernant ma vocation. Je ne savais pas exactement ce qu’il faisait à Avrillé, mais la raison s’éclairerait plus tard. J’avais commencé à entendre des rumeurs d' »infiltration » et de « compromis » dans la FSSPX. C’était étrange, mais pas aussi étrange que mon retour à la maison.

À mon retour en 2012, ma famille se promenait avec des bougies et croyait que la terre était le centre de l’univers. Mes parents s’étaient épris des écrits de Charles A. Coulombe et de Solange Strong Hertz. Il s’agissait de deux traditionalistes intelligents qui avaient suivi la trajectoire logique des principes traditionalistes, et ils défendaient des idées et des doctrines que, curieusement, la plupart des traditionalistes rejetteraient. Coulombe plaide pour le Feeneyisme, et pointe du doigt la philosophie aristotélicienne de saint Thomas comme facilitant la trahison par l’Église du dogme traditionnel Extra Ecclesiam nulla salus [Hors de l’Eglise, point de salut]. Hertz se ramifie encore plus largement, indiquant que la fabrication de briques et l’électricité sont d’inspiration démoniaque, que l’Église s’est compromise en acceptant l’héliocentrisme et la démocratie, et que ces deux ont conduit au salutisme universel. Je ne savais pas trop comment réagir, d’autant plus que j’avais étudié les encycliques des papes Pie XII et Léon XIII qui contredisaient les récits de Hertz. Quelle interprétation dois-je accepter, celle des Papes ou celle de Hertz ? Tous deux ont fait de solides appels à la Tradition et à l’Écriture. L’Église de Rome avait-elle déraillé avant même Vatican II ?

C’est à ce moment que la possibilité d’une deuxième scission majeure de la FSSPX a commencé à se profiler à l’horizon. Les hésitations de Lefebvre entre l’acceptation et le rejet de Rome avaient produit deux sortes de prêtres, que nous appelions « durs » et « doux ». La tension entre ces deux groupes a atteint son paroxysme au plus fort des discussions et des négociations de la Fraternité avec Rome. Trois des évêques de la FSSPX ont écrit une lettre à Mgr Bernard Fellay et au Conseil général, les avertissant que conclure un accord purement pratique avec Rome serait infidèle à la mission et à l’apostolat de leur fondateur, et pourrait conduire à sa destruction. Ils ont reçu une vive riposte, qui comprenait une réprimande étonnante et révélatrice que leur « dialectique entre la vérité et la foi d’un côté et l’autorité de l’autre est contraire à l’esprit de la prêtrise ». Comment ont-ils pu dire une chose pareille ? Cette dialectique n’était-elle pas le fondement sur lequel reposait la FSSPX, le principe directeur qui donna à l’archevêque son équilibre particulier entre deux extrêmes ? Ses ordinations de prêtres et ses consécrations d’évêques étaient-elles contraires à l’esprit du sacerdoce ?

Les autorités de la FSSPX ont essayé de limiter les dégâts comme elles l’avaient fait avec « les Neuf » en 1983. Ironiquement, le premier homme à être expulsé était celui qui avait été en charge du contrôle des dégâts pour le premier groupe dissident : l’évêque Richard Williamson. Pourquoi a-t-il été expulsé ? Pour avoir suivi l’exemple de Mgr Lefebvre, et refusé l’obéissance à ses supérieurs au nom de la vérité. D’autres prêtres ont commencé à quitter la Fraternité, beaucoup plus qu’en 1983, où ils se sont regroupés pour former une nouvelle « résistance ». Cela comprenait mes propres Dominicains bien-aimés d’Avrillé. Que devais-je faire ? La Compagnie était ma famille, le seul véritable « reste » de l’Église. Mais aussi les dominicains d’Avrillé et les prêtres et l’évêque qui étaient partis. Dois-je rester avec la première résistance, ou dois-je rejoindre la résistance à la résistance ? La douleur émotionnelle et la confusion que j’ai traversées pendant cette période sont indescriptibles.

Papa faisait toujours confiance au leadership de l’évêque Williamson, et il s’est donc penché vers la Résistance. Maman pensait que les moutons étaient enfin rentrés au bercail de la Société Marcel Lefebvre, et elle gravitait davantage autour des groupes sédévacantistes. J’étais un tradi sans dénomination. Papa a invité deux prêtres de la Résistance à venir dire la messe chez nous. L’un d’eux était particulièrement charismatique, et quand il parlait, cela m’a donné envie de me lever et de le suivre immédiatement. Heureusement, ma tête s’est refroidie après leur départ, et je me suis souvenu d’une conversation que j’avais eue avec le prêtre plus calme à table. Il m’avait dit que le compromis de l’Église avec le monde moderne n’avait pas commencé à Vatican II, mais pouvait en fait être attribué à de graves erreurs dans les encycliques du pape Léon XIII. L’étrangeté de cette affirmation m’a frappé de toute sa force. Attendez… alors maintenant je devais passer au crible les enseignements d’un pape que je pensais être solide comme un roc ? Mgr Lefebvre n’avait-il pas fondé une grande partie de son rejet du magistère post-conciliaire sur le magistère du pape Léon XIII ? Peut-être que je devrais commencer à chercher des erreurs dans le Pape Saint Pie X ! Le Concile de Trente !

À cette époque, Maman avait commencé à écouter de nombreuses conférences de Gerry Matatics et m’avait recommandé de les écouter. Je m’étais généralement éloigné du sédévacantisme, les Dominicains d’Avrillé y étant farouchement opposés. Mais à ce stade, j’avais besoin d’options. Je devais redécouvrir le vrai reste. Et après tout, le célèbre dominicain Michel-Louis Guérard des Lauriers, l’écrivain fantôme de l’intervention Ottaviani, n’était-il pas devenu sédévacantiste ? J’ai donc commencé mes recherches. Une prise de conscience particulièrement puissante m’est venue lorsque j’ai lu le P. L’article d’Anthony Cekada « Résister au pape, Sédévacantisme et secte conciliaire », où il déclare en conclusion que « tous les traditionalistes, par conséquent, sont vraiment des sédévacantistes – c’est juste qu’ils ne l’ont pas encore tous compris ». Cela sonnait vrai. Toute ma vie, j’avais prié pour le pape, vu sa photo dans la sacristie, ou entendu son nom à la messe… mais en réalité il n’était qu’une figure de proue, un « pape en carton » comme l’appelait Cekada. La FSSPX (et la FSSPX-Résistance) était bien sédévacantiste ; pas en théorie, mais en pratique, certainement. Ils agissaient indépendamment des papes, que le siège soit vacant ou non. Le sédévacantisme et la position Reconnaître et Résister étaient en réalité les deux faces d’une même pièce.

J’ai trouvé plus de contradictions dans les écrits et les apologétiques de la FSSPX, en particulier lorsqu’ils se sont opposés aux sédévacantistes, aux Feeneyites ou à leur propre Résistance, comme cela a été vu dans la lettre ci-dessus. Un autre exemple peut être trouvé dans le traité Le Feeneyisme est-il catholique ? par le P. François Laisney, FSSPX, où il affirme que l’erreur fondamentale du P. Feeney devait « suivre sa propre interprétation du dogme [en dehors de l’Église, il n’y a pas de salut], et réinterpréter les Écritures et les documents des papes selon ses propres vues. En un mot, c’est faire passer ses vues avant l’enseignement de l’Église ». Pourquoi était-ce vrai pour le P. Feeney (qui était un bon traditionaliste, et aurait affirmé avec insistance que le point de vue n’était pas le sien, mais celui de la Tradition, j’en suis sûr !), mais pas vrai pour Mgr Lefebvre et ses prêtres ? J’ai trouvé une autre incohérence remarquable dans les écrits de Michael Davies, un apologiste prolifique de Lefebvre et de la FSSPX. Il a écrit trois énormes tomes sur tout ce qui pourrait être faux avec le Novus Ordo Messe, seulement pour écrire un petit livret destiné aux sédévacantistes (Je suis toujours avec vous), où il soutient que dans son édition officiellement promulguée, le Missel du Pape Paul VI est exempt d’erreur dans la foi et la morale et protégé par l’infaillibilité de l’Église en elle. lois disciplinaires universelles. Inutile de préciser qu’Angelus Press ne propose pas ce titre.

Si le sédévacantisme semblait apporter plus de cohérence, il n’apportait certainement aucune consolation. Dans son discours « Les bergers non autorisés : Pourquoi la FSSPX, la SSPV, la CMRI et le clergé traditionaliste similaire post-Vatican II ne sont pas des prêtres de l’Église du Christ », Gerry Matatics soutient de manière convaincante que le clergé traditionaliste ne peut exercer aucun ministère officiel dans l’Église, sur la base sur l’enseignement de saint François de Sales dans Controverses. En contournant les débats complexes du droit canon sur l’épikie et la juridiction suppléée, il défie le clergé traditionaliste de démontrer comment ils ont reçu une mission médiate ou immédiate. Bien sûr, aucun ne peut accepter son défi, pour la simple raison qu’ils n’ont aucune preuve de succession apostolique, le mandat papal (mission médiate) et qu’ils ne font pas de miracles (mission immédiate). Conclusion de Matatics : j’espère qu’il y a une Église clandestine quelque part en Asie, mais en attendant, nous sommes coincés à être des « catholiques récusants » à la maison. Matatics est un brillant exemple de traditionalisme intellectuellement honnête et cohérent. Après s’être converti au catholicisme avant son ami Scott Hahn, il a ensuite procédé à des recherches sur la Tradition jusqu’à ce qu’il soit seul dans sa maison. Je me suis souvenu de ce qu’un prêtre avait dit un jour à mes parents : « Quand vous poussez le protestantisme à sa conclusion logique, vous vous retrouvez finalement seul ».

Comment avais-je fini seul ? Je n’étais pas protestant ! N’avais-je pas fidèlement suivi la règle de la foi, la Tradition, comme on m’avait appris à le faire ? Je me suis souvenu de ma prière à Mgr Lefebvre sur sa tombe à Écône : « Aidez-moi à être fidèle comme tu l’as été… aidez-moi à tenir ferme à la Tradition ». Où était l’Église du Christ, son Épouse, ma Mère ? Je l’avais désespérément cherchée, mais je ne la trouvais pas parmi la cacophonie des traditionalistes, chacun s’accrochant aux enseignements et aux traditions qui leur sont les plus chères. En ce qui me concernait, « l’expérience de la Tradition » de mon père spirituel m’avait échoué. Ses évêques, ses prêtres et leurs troupeaux se divisaient et se dispersaient, chacun se retirant dans ses terriers respectifs. J’ai maintenant réalisé que tout traditionaliste a deux choix : se contenter d’une ligne de parti et ne pas la remettre en question, Denzinger à tout le monde.

J’étais maintenant prêt à envisager l’impensable. La secte conciliaire, le monstre de Novus Ordo , était-ce… ma mère ? Avais-je vraiment été élevé comme un bon petit anti-catholique, fier et plein de préjugés ? Selon les critères de saint François de Sales, seule l’Église catholique moderne pouvait prétendre à la fois à la mission médiate et à la mission immédiate. Et seule l’Église post-conciliaire a exercé la plénitude des trois règles de la foi : l’Écriture, la Tradition et un Magistère vivant avec la propre autorité du Christ. Je n’étais pas pleinement conscient de cette dernière règle de foi jusqu’à ce que je commence à étudier la constitution traditionnelle de l’Église. J’avais eu l’impression que nous avions un Magistère, que je comprenais maintenant n’étaient que des actes passés du Magistère, et que ce rôle directeur avait en fait été usurpé par Mgr Lefebvre, la FSSPX et toute personne ou groupe qui prétendait avoir la plénitude de la vérité. J’avais été forcé d’apprendre à mes dépens que le mouvement traditionaliste n’avait que de « petits magistères » avec une autorité auto-déléguée, généralement en conflit avec d’autres petits magistères.

J’entame donc une nouvelle recherche, à l’endroit où je m’attendais le moins à trouver l’Église du Christ. Était-ce désordonné et plein de pécheurs confus et brisés ? Oui. Mais j’ai aussi trouvé quelque chose de beau : un Novus Ordo respectueux et sincère des liturgies, des miracles eucharistiques et des miracles par l’intercession des saints, des catholiques qui connaissaient et aimaient leur foi, la doctrine orthodoxe prêchée par de bons prêtres et évêques, et des hommes et des femmes très saints qui n’avaient jamais assisté à une messe tridentine. L’Église peut paraissent parfois défigurées, mais elle est vivante ! J’ai aussi découvert un grand et saint homme que j’avais toujours cru être une personnification du mal : votre compatriote, le pape saint Jean-Paul II. L’archevêque Lefebvre a qualifié cet homme d’« antichrist » et a fait des caricatures de lui niant Notre-Seigneur et étant convoqué par deux démons en enfer. Mais j’ai rencontré un homme qui, bien qu’imparfait, aimait le Christ par-dessus tout et a passé sa vie et son pontificat à lui rendre témoignage. Pourquoi m’avait-on présenté une telle caricature ?

J’ai informé mes parents de mon intention de retourner dans l’Église dans laquelle j’avais été baptisé. C’est alors que l’enfer s’est déchaîné dans ma famille et que tout semblant de fausse paix est tombé. Ils étaient choqués, horrifiés et embarrassés. Ils se sont blâmés eux-mêmes et se sont blâmés les uns les autres. Ensuite, ils se sont cimentés dans leurs terriers traditionalistes choisis, et cela est devenu une guerre domestique. Maman voulait que Papa devienne sédévacantiste pour empêcher l’un de mes neuf frères et sœurs de suivre mon exemple, ce qu’elle pensait être causé par le dysfonctionnement de la FSSPX. Mais Papa a refusé de bouger. Mes frères et sœurs et moi avons commencé à ressentir les souffrances souvent causées par les mariages mixtes. Quand ils ne s’attaquaient pas, ils me jetaient tout ce qu’ils pouvaient pour tenter de me ramener. Mais j’avais mis la main à la charrue, et je ne regardais pas en arrière. Au milieu de cette rancœur et de cette amertume familiales, j’ai senti un immense sentiment de paix m’envahir. Le poids écrasant d’être seul et d’être le seul responsable de trouver et de préserver la foi avait été levé de mes épaules. J’étais avec l’Église maintenant ; je n’avais rien à craindre. J’avais choisi de faire confiance à ma Mère. J’avais choisi l’espérance, l’espérance dans les promesses du Christ qu’il protégerait et guiderait toujours son Épouse jusqu’à son retour dans la gloire.

La saga de notre famille s’est poursuivie au fil des ans. Mes parents se sont finalement retrouvés seuls, ce qui les a rapidement ramenés à la raison, bien que pas avant que certains de mes frères et sœurs aient presque perdu la foi. Mais la miséricorde de Dieu est grande et abondante. Pendant l’Année de la Miséricorde, mes parents sont retournés à l’Église. La route a été difficile pour nous, et les choses ne sont toujours pas faciles. Mais nous sommes à nouveau une seule famille en Christ. Il y a un verset dans les Proverbes qui a été transmis comme un héritage familial par mes arrière-grands-parents, et à travers ce voyage déchirant et difficile à travers le mouvement traditionaliste, il a pris une nouvelle signification pour nous : « De tout ton cœur, fais confiance au Seigneur, ne t’appuie pas sur ton intelligence. Reconnais-le, où que tu ailles, c’est lui qui aplanit ta route ».

Cher frère, peut-être comprenez-vous mieux maintenant pourquoi votre lettre m’a fait de la peine. Il y a eu un grand mal fait aux âmes dans la FSSPX et dans les divers groupes dissidents que ses propres faux principes ont produit. Il est décevant que vous et d’autres évêques, membres du clergé et laïcs éminents et influents ayez choisi de lui accorder votre approbation après une si courte connaissance. Vous et eux êtes maintenant responsables des nombreux catholiques sans méfiance qui afflueront désormais vers ce schisme. Oui, c’est un schisme. Les sophismes et les subterfuges qui ont tenté de dissimuler cette horrible réalité sont écœurants. Ma famille est toujours en train de guérir après avoir été brisée par ce péché mortel contre la charité.

Pourquoi avons-nous oublié deux définitions classiques du schisme : « élever autel contre autel » (Saint Cyprien) et « refuser d’agir comme partie du tout » (Cajetan) ? La FSSPX a découragé ses fidèles d’assister même aux messes tridentines offertes par des prêtres en communion avec Rome. Ils n’ont rien à voir avec les évêques locaux à moins que ce ne soit en leur faveur. Ils ont rejeté un concile œcuménique, un Missel officiellement promulgué, le Catéchisme de l’Église catholique , des parties du Code de Droit Canonique de 1983, canonisations, et la plupart de l’enseignement magistériel de cinq papes ! Et qu’en est-il des ordinations et des consécrations illicites ? Qui a l’audace d’appeler cela une simple désobéissance ? Les actes de désobéissance répétés pendant un demi-siècle ne sont-ils pas qualifiés de refus de soumission à l’autorité de l’Église ? La FSSPX tombe même sous l’anathème du Concile de Trente (Session XXII, Canon VII), en affirmant que la liturgie réformée contient « des éléments dangereux pour la Foi » (Le problème de la réforme liturgique). Vous ralliez-vous bien maintenant à un archevêque excommunié qui appelait les nouveaux rites « sacrements bâtards » et les prêtres nouvellement ordonnés « prêtres bâtards » ?

Frère, je vous prie de reconsidérer vos paroles et vos actions. Leurs conséquences de grande envergure peuvent être beaucoup plus graves que vous ne le pensez. Ne perdez pas votre place sous le manteau."

En notre saint père Dominique,
M. Andrew Bartel, OP