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Le visage aristocratique du modernisme. Par le Maestro Aurelio Porfiri

Le phénomène du modernisme, un réformisme catholique particulièrement fort à la fin du 19e et au début du 20e siècle, a été très étudié par les historiens de l'Église et de la théologie pour en identifier les causes et les conséquences.

Le modernisme, dans son ensemble, a cherché un accommodement de l'Église au monde et à la science moderne, un accommodement qui était dangereux dans la mesure où il subordonnait l'Église elle-même à une idée presque messianique du progrès, dont l'Église devait accepter les exigences sans lutter.

Ernesto Buonaiuti (1881-1946), l'un des grands protagonistes du modernisme, disait dans ses Lettres d'un prêtre moderniste : "Je rêve d'un sacerdoce qui remplit parmi les hommes la mission de magistère et de réconfort ; je rêve de rites qui symbolisent aux yeux d'une société saine et virile dans ses espérances les beautés de la vie et la lumière du progrès inlassable".

Le progrès infatigable était devenu la nouvelle religion de ces innovateurs, parmi lesquels se trouvaient certainement des hommes de grande valeur.

Les paroles de Buonaiuti ont été écrites dans les années qui ont vu la grande réaction de l'Église catholique au modernisme, l'encyclique Pascendi (1907), qui le définit comme la "synthèse de toutes les hérésies".
Pie X avait identifié le danger que représentait ce mouvement, un mouvement qui ne doit pas être identifié comme répandu dans le peuple, mais de type aristocratique et élitiste.

D'ailleurs, la plupart des révolutions dans l'Église se sont produites de cette manière, le peuple ne les a pas faites mais les a subies.

Le modernisme avait une fureur de type révolutionnaire et anti-traditionnel, comme on peut le comprendre à partir de cet autre texte de Buonaiuti cité dans l'ouvrage précédent : "Obstinément et tristement, la Rome du catholicisme médiéval, jeta l'anathème sur ce monde fervent d'attentes et de prédictions. Le monde était passé à autre chose et l'avait négligé. La nouvelle société, voyageur mystique vers une nouvelle aube historique, commençait à s'habituer à ne pas en tenir compte : à passer devant l'édifice des vieilles traditions catholiques, en tournant le regard et en secouant la tête dans un acte de dédain et de mépris".Le progrès a jugé l'Église et non l'Église le progrès.

Le modernisme, qui selon une certaine historiographie s’est conclu en 1914, l’année de la mort de saint Pie X, a été, au contraire, bien vivant après une phase in somno et refleurit dans l'Église sous la forme d'un progressisme élitiste qui prit les rênes du pouvoir dans les années 1960.

Ce modernisme transformé en progressisme catholique a accentué avec une grande véhémence ses traits aristocratiques et populistes (mais pas populaires), inversant ce que le philosophe
Augusto del Noce aurait bien identifié, à savoir qu'un catholique progressiste est plus proche des progressistes non catholiques que des catholiques non progressistes.

Le modernisme n'a certainement pas pris fin en 1914, mais il s'est infiltré dans ses nombreuses manifestations et a continué à être une force secrète qui a pris les rênes du pouvoir entre ses mains et s'est fait passer non pas pour un mouvement révolutionnaire mais pour la normalité, et imposer ce récit a été sa plus grande victoire, qui, espérons-le, n'est pas définitive.
Joseph de Qunchy
Lors de son ordination, Roncalli s’est fait assister par un ami devenu prêtre un an avant lui: Ernesto Buonaiuti.