Opportunité de la dévotion à la divine miséricorde. Abbé S. Suwala.

Dieu n'a-t-il pas le droit de secourir l'humanité d'aujourd'hui menacée d'un châtiment éternel ? Ne peut-il revendiquer, non seulement, ses droits, mais encore proposer un moyen efficace de salut qui n'est autre que son admirable miséricorde ? Les révélations de la rue du Bac (1831), de La Salette (1847), de Lourdes (1858), et de Fatima (1917), le montrent bien.
Ne disons donc pas que la dévotion à la Miséricorde divine est superflue. Le 3 octobre 1915, le Christ aurait dit à Sœur Benigna-Consolata : La Bienheureuse Marguerite-Marie a obtenu la mission de révéler mon Cœur au monde ;" toi, tu as la mission de révéler la miséricorde de ce Cœur, les trésors de sa bonté illimitée. " A Sœur Marie-Faustine, la Sainte Vierge déclarait, le 25 mars 1936 :
" J'ai donné au monde le Sauveur, et toi, tu dois parler au monde de sa grande miséricorde et le préparer à sa nouvelle venue. Il viendra alors, non comme Sauveur miséricordieux, mais comme un juste Juge. Annonce aux âmes cette grande miséricorde, aussi longtemps que durera le temps de la miséricorde. Si tu te tais maintenant, tu répondras d'un grand nombre d'âmes, au jour terrible."

L'histoire de l'Église prouve que Dieu vient au secours du monde « au temps favorable » (Esaïe 49:8), en lui rappelant ce qu'il oublie trop facilement parmi ses préoccupations matérielles. Au Moyen-âge, on avait traité assez superficiellement la présence sacramentelle dans l'Eucharistie. Aussi, sous l'influence des révélations de la Bienheureuse Juliette du Mont Cornillon, se développa le culte du Très Saint Sacrement, qui aboutit à l'établissement de la Fête-Dieu, par Urbain IV, en 1264. Et lorsque Jansénius (1585-1638) détourna les âmes et les cœurs de Dieu,, par une sévérité excessive, Nôtre-Seigneur révéla à Sainte Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690) : « Ce Cœur a tant aimé les hommes qu'il n'a rien épargné, jusqu'à s'épuiser et se consumer » (1690).
Léon XIII, dans son Encyclique « Annum Sacrum », du 25 mai 1899, avait rappelé au monde l'opportunité de la dévotion et de la nouvelle fête du Sacré-Cœur. En ces dernières années, comme les hommes reconnaissaient, de moins en moins, l'autorité de Dieu sur l'humanité, Pie XI proclama, le 11 décembre 1925, la nouvelle fête du Christ-Roi.
Nous trouvons déjà, dans les Litanies du Sacré-Cœur, l'invocation « Cœur de Jésus patient et très miséricordieux ». Pourquoi l'Église ne pourrait-elle établir une nouvelle fête : celle de la Miséricorde divine, fête de la reconnaissance et du renouveau spirituel ? Au milieu des misères morales et matérielles où vivent aujourd'hui la généralité des hommes, cette fête serait d'un grand secours. Rappelons-nous que le Seigneur a insisté sur ces paroles :
« L'Humanité ne trouvera pas la paix tant qu'elle ne s'adressera pas avec confiance à ma Miséricorde. »

Or, le fait de méditer le mystère de la Miséricorde à l'égard des hommes peut éveiller chez ceux-ci le désir d'imiter et de manifester la même miséricorde envers leurs frères, sans considérer les différences de langue, de race et de religion.
L'objet immédiat de cette dévotion est la figure humaine du Sauveur miséricordieux. Mais, en elle, nous honorons la manifestation de la Miséricorde de Dieu Lui-même, qui a montré son amour et sa bonté justement en la personne du Dieu-Homme, non seulement dans l'acte créateur, mais avant tout dans l'œuvre de Rédemption et de Sanctification. De cette façon, vénérant la personne du miséricordieux Sauveur, nous ne nous arrêtons pas seulement à une perfection de Dieu, mais nous rendons un culte à la source de toutes les bontés, qui n'est autre que la Miséricorde inconcevable du Très-Haut.
Les révélations de Sœur Faustine sont du domaine privé et rien n'oblige à y croire, mais tout cela est indépendant de la vérité sur la Miséricorde divine que la Sainte Église, depuis le commencement du christianisme, honore et invoque dans et par sa liturgie. Ainsi, ce n'est pas sans raison qu'Elle adresse cette prière, le dixième Dimanche après la Pentecôte : « O Dieu, qui montrez particulièrement votre toute-puissance en pardonnant et en compatissant, multipliez sur nous votre Miséricorde... »
Du reste, cette vérité, qui trouve son expression la plus manifeste dans l'œuvre de la Rédemption, a été mise en relief par Pie XI, dans l'Encyclique « Miserentissimus Redemptor » du 8 mai 1928, développant en quelque sorte cette phrase de Saint Augustin si pleine de sens :

« Dieu nous a manifesté une grande miséricorde, en créant l'homme à son image et à sa ressemblance, mais lorsque, par le péché, nous sommes tombés plus bas que le néant, il nous a révélé la plus grande miséricorde, en nous rachetant par le Sang de son Fils. »Sermones »).

Si cette dévotion et la fête spéciale de la Miséricorde divine, projetée pour le jour de l'Octave de Pâques, c'est-à-dire pour le Dimanche «in Albis» (Quasimodo), contribuait à, convertir ne serait-ce que quelques âmes, ou à ranimer le zèle des fidèles, ou enfin à éveiller dans les âmes consacrées [ Ndlr pas que ! ] le désir de tendre à la perfection ; dans ce cas, tout chrétien et en particulier les prêtres et les religieux, devraient donner de leurs efforts pour obtenir l'institution de cette fête : L'appellation: de la fête a moins d'importance : que ce soit la fête de la Miséricorde divine (appellation moins significative pour les fidèles) ou fête du Sauveur miséricordieux (plus expressive). [ Ndlr : Cette fête a été instituée le 30 avril 2000 par le pape Jean-Paul II ]
C'est un fait que la bonté de Dieu, manifestée en sa miséricorde ; éveille, aujourd'hui plus que jamais, en tout homme une grande confiance ; or, elle est la condition indispensable de l'espérance et du bonheur, du courage et de la vertu nécessaires en chaque besoin. L'idée de la Miséricorde de Dieu sera pour tous un grand secours moral.
Quant à la fête, l'essentiel, c'est son sens, confirmé au point de vue dogmatique et liturgique (*).
« Je désire que le premier Dimanche après Pâques soit la fête de la Miséricorde de Dieu », disait Jésus à plusieurs reprises à sa pauvre apôtre. Et encore ces paroles pleines de confiance : « Celui qui, en ce jour, s'approchera de la source de vie (Pénitence et Communion),
Rachetés ça un grand prix » (I Cor. 6, 20; 7, 23), il convient que, dans la. mesure de nos moyens, nous nous acquittions de notre dette de reconnaissance (Apoc. 5, 9-13), comme nous le chantons chaque jour dans la Préface. Bien plus, en qualité d'aides de Dieu (I Cor. 3, 9), notre devoir est de contribuer, maintenant plus que jamais, à réaliser l'ordre du Christ : « Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. » (Luc 6,. 36).

(M. l'Abbé S. Suwala, de la Société de l'Apostolat Catholique, qui a été nommé Postulateur de la Cause.)