jean-yves macron
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Article 12 : Le droit à la liberté religieuse (LR) versus la liberté de conscience (LCC). Premières notions de droit.

Article 12 : Le droit à la liberté religieuse (LR) versus la liberté de conscience (LCC). Premières notions de droit indispensables à un juste jugement du décret sur la catholique et traditionnelle Liberté religieuse de Vatican II.

La série des prochains articles a pour but de montrer aux traditionalistes qui ont rejeté le Concile Vatican II et de fait l'Eglise catholique romaine, à la suite de l'acte schismatique de Monseigneur Lefebvre, que le droit à la liberté religieuse (LR) affirmé par Vatican 2 dans la déclaration Dignitatis Humanae (DH), objet de leur rejet initial n'est pas identique à la liberté de conscience (LCC), condamnée par les papes au 19°siècle.

C’est ce premier malentendu capital qu’il s’agit de lever – au moins pour les âmes de bonnes volontés, car tous les autres malentendus (quant à la nouvelle Messe par exemple) vont découler de ce premier point de vue biaisé. Une interprétation erronée qui conduit systématiquement depuis à chercher et trouver un sens hérétique à tout donné provenant de Rome, quand bien même chacun connait le travail de la tendance progressiste à interpréter elle aussi les textes dans le sens de ses thèses libérales. L’Eglise et le Magistère sont innocents et Saints de ces deux débordements progressiste et traditionaliste de tendance hérétique et schismatique.

Lever ces malentendus permettrait aux Lefebvristes de ne pas tomber dans le sedevacantisme qui est l’acte formel aboutissant à ne plus être catholique et ainsi à mettre gravement son salut en danger en plus de déformer les intelligences quant à l’analyse et la réception des saints enseignements du Magistère conciliaire.

Le droit à la liberté religieuse affirmé par Vatican 2 dans la déclaration Dignitatis Humanae (DH) n'est pas identique à la liberté de conscience (LCC), condamnée par les papes au 19°siècle.

1. Distinction préalable : Liberté morale et liberté civile.

Le terme de liberté a de nombreuses significations. Si l'on veut éviter les confusions, il faut faire les distinctions qui s'imposent. Nous n'en retenons ici qu'une seule, indispensable à la compréhension de notre sujet, celle qui existe entre liberté morale et liberté civile.

La liberté au point de vue où nous nous plaçons peut se définir comme une absence de lien.

Envisagée par rapport à Dieu, à la vérité, au bien, cette absence de lien constitue la liberté morale envisagée par rapport au pouvoir civil. Elle constitue la liberté civile.

A. La liberté morale.

La liberté morale est l'absence d'obligations morales. Elle consiste dans le fait de n'être liée par aucune obligation légitimement imposée, soit par Dieu lui-même, soit par toute autorité légitime entendant lier en conscience (une telle obligation crée un devoir moral, devoir par rapport à Dieu, ce qui est précisément le contraire de la liberté morale).
Est moralement libre de poser un acte déterminé, celui qui n'est soumis à aucune loi lui interdisant de poser cet acte.
La liberté morale équivaut au droit d'agir. Elle ne peut donc s'appliquer qu'à un objet moralement bon.
Notons que la liberté morale implique le droit d’agir ainsi que le droit de s’abstenir d’agir. Le droit est une notion juridique, opposable aux tiers, ce qui diffère de l’autorisation morale de faire quelque chose, qui parfois n’est pas un agir ou une omission extériorisés.
« La liberté morale ne peut s'appliquer à un objet moralement mauvais, attendu que le droit ou la faculté morale de mal faire répugne dans les termes. Le mal, en effet, est un désordre, et nul ne peut avoir le droit ou la faculté morale de poser un acte contraire à la loi morale, régulatrice de l'ordre » (DTC, IX, col. 684).

B. La liberté civile

La liberté civile est l'absence de lien par rapport au pouvoir civil, c'est-à-dire l'immunité de contraintes (ou de coercition) dans la société civile par rapport au pouvoir, mais non pas par rapport à Dieu.
Elle consiste dans la faculté de ne pas être forcé d'agir ni empêché d'agir (quant à certains actes déterminés) par le pouvoir civil. Elle correspond à un droit d'exiger l'immunité de contrainte. Mais elle n'implique, par elle-même, aucun droit d'agir ou de ne pas agir. En effet, contrairement à la liberté morale, qui ne peut jamais s'appliquer à un objet moralement mauvais, la liberté civile peut avoir pour objet des actes moralement mauvais. Par exemple, si la loi civile d'un état permet l'exercice d'un culte non catholique, toute personne à la liberté civile de pratiquer ce culte, mais elle n'en a pas la liberté morale, puisque ce culte est objectivement erroné (au moins sous certains aspects).
La liberté civile peut donc avoir pour objet, soit un acte moralement bon, soit un acte moralement mauvais.

Distinguons les 2 cas :

1. La liberté civile a pour objet un acte moralement bon :

Dans ce cas, il y a aussi la liberté morale de poser cet acte. La liberté civile n'est alors que la protection de la liberté morale dans l'ordre juridique de la société. Elle est donc bonne et due en justice. Il y a donc dans ce cas un droit naturel à exiger la liberté civile. Par exemple : j'ai la liberté morale de pratiquer le culte catholique, puisque cet acte est moralement bon. Et j'ai aussi le droit naturel à la liberté civile de pratiquer ce culte.

2. La liberté civile a pour objet un acte moralement mauvais :

Alors, le pouvoir civil ne peut jamais accorder aucun mandat positif, aucune autorisation positive de poser un tel acte. En effet une telle autorisation reviendrait à reconnaître une liberté morale, un droit d'agir. Or la liberté morale ne peut s'appliquer qu'à un objet moralement bon.

Cependant, le pouvoir civil peut et même doit, dans certains cas, accorder la liberté civile par rapport à certains actes mauvais, pour éviter un plus grand mal ou pour promouvoir un plus grand bien.
La loi civile, qui est une loi humaine donc imparfaite, ne peut pas interdire tous les actes mauvais que la loi morale ou la loi divine proscrit. Et ceci est juste et raisonnable.

Pie XII a affirmé que : « dans des circonstances déterminées, Dieu ne donne aux hommes aucun droit d'empêcher et de réprimer ce qui est faux et erroné ».
Par conséquent, le pouvoir civil a, dans certains cas, le devoir d'accorder une liberté civile par rapport à des actes mauvais.

a) Ce devoir de l'état a parfois un fondement dans la nature des personnes qui vont bénéficier de la liberté civile.

Par exemple, l'état doit reconnaître la liberté civile aux parents d'élever leurs enfants et ce devoir est fondé sur l'antériorité de la famille par rapport à l'état et sur le droit des parents vis-à-vis de leurs enfants. Les parents, même s'ils ne sont pas catholiques, ont un droit fondé sur la nature à ne pas être empêchés par le pouvoir civil et par les autres hommes d'élever leurs enfants selon leurs convictions.

Ils ont donc un droit fondé sur la nature à la liberté civile dans ce domaine. Notons toutefois que ce droit des parents sur leurs enfants n'est pas absolu. Il est limité par les nécessités de l'ordre public juste, qui comprend notamment les droits fondamentaux des enfants (droit à la vie, etc.). En cas de négligence grave ou d'abus sérieux, les parents peuvent perdre leurs droits.

On peut donc dire que le devoir de l'état d'accorder la liberté civile, lorsqu'il a un fondement dans la nature des personnes bénéficiant de cette liberté, correspond à un droit, fondé sur la nature, à la liberté civile.
Un tel droit (fondée sur la nature) d'exiger l'immunité de contraintes par rapport au pouvoir civil ne correspond, bien sûr, à aucun droit d'agir ou de poser un acte mauvais.

Nous verrons que Dignitatis humanae a affirmé un tel droit (fondé sur la nature de la personne) à la liberté civile en matière religieuse, dans de justes limites.

b) Parfois, au contraire, le devoir du pouvoir civil d'accorder la liberté civile ne correspond à aucune exigence du côté des personnes qui vont en bénéficier. Ce devoir n'est fondé alors que sur le bien des autres personnes et sur celui de la société tout entière (c'est-à-dire sur le bien commun).

C'est le cas des libertés civiles qui sanctionnent légalement la tolérance nécessaire de certains maux (par exemple, la réglementation de la prostitution : Saint-Louis édicta des règlements afin d'éradiquer ce fléau). En ce domaine, il n'y a pas de droit fondé sur la nature à la liberté civile, puisqu'il n'y a pas de fondement juste et vrai du côté de la personne tolérée. La liberté civile est alors concédée comme une pure tolérance.

(Fin de la première partie. La seconde partie montrera les limites religieuses de DH en les comparant avec celles de la Liberté de Conscience et des Cultes (LCC) condamnée par Quanta Cura).