Benoit16 et le titre marial de "co-rédemptrice "
Question: Il reste que plus d’un million de croyants demandent que l’Église catholique déclare Marie co-rédemptrice. Cédera-t-on à ce souhait ? Ou s’agit-il d’une hérésie ?
"Cardinal Ratzinger: je ne crois pas qu’on satisfera ce souhait, exprimé entre-temps par plusieurs millions, dans un délai prévisible. La réponse de la Congrégation pour la doctrine de la foi consiste à dire que ce qui est visé ici est déjà mieux exprimé par d’autres titres de Marie et que le concept de co-rédemptrice s’écarte aussi bien de l’Écriture que des écrits patristiques, ce qui suscite des malentendus.
Ce qui est juste dans cette appellation, c’est que le Christ ne reste pas extérieur et forme une nouvelle et profonde communauté avec nous. Tout ce qui est à lui sera nôtre, et tout ce qui est nôtre, il l’a fait sien. Ce grand échange est le contenu spécifique de la rédemption – notre libération et notre accès à la communion avec Dieu.
Parce que Marie anticipe l’Église comme telle, qu’elle est l’Église en personne, ce être avec est réalisé en elle de façon exemplaire.
Mais cette avec ne doit pas faire oublier le d’abord du Christ : tout vient de lui, comme le soulignent les Épitres aux Éphésiens et aux Colossiens.
Marie aussi est tout ce qu’elle est par lui. Le terme co-rédemptrice obscurcirait cette donnée originelle. Une bonne intention s’exprime dans un mauvais vocable. Dans le domaine de la foi, la continuité avec la langue de l’Écriture et des Pères est essentielle. La langue n’est pas manipulable à volonté."
(page 215-216)
Le cardinal Billot, éminent théologien qu'on ne peut soupçonner de modernisme, était hostile au vocable de "corédemptrice" :
"la Vierge elle-même avait besoin de rédemption ; elle était, elle aussi, au nombre de ceux que le péché d’Adam avait perdus, et que tout ce qu’il y a en elle de grâces, de perfections, de mérites, de sublimes prérogatives et d’incomparables grandeurs, tout cela lui est venu de la rédemption qui est dans le Christ Jésus, per redemptionem quae est in Christo Jesu (Rm 3,24). Sa condition donc ne diffère en rien de la nôtre sous ce rapport, et comme il est évident que nous ne pouvions coopérer, en quoi que ce soit, à l’acquittement de la rançon exigée par la justice divine pour notre libération, il est évident de la même évidence, qu’à la satisfaction et au mérite propre de la rédemption commune, Marie, rachetée elle aussi (disons plutôt, elle la première), n’a pu avoir, et par là même, n’a eu effectivement aucune part. Si donc, par ce titre de co-rédemptrice que quelques auteurs modernes n’ont pas craint de lui donner, on entendait une contribution quelconque apportée par elle au prix même de la rédemption de Jésus-Christ, ce serait à mettre au compte de ces pieux excès que l’intention excuse sans doute, mais qui n’en sont pas moins, objectivement parlant, en opposition formelle avec les données les plus certaines du dogme catholique."