Article 35 : « L’union homosexuelle est contraire à la loi de l’Église » rappelle le Pape François
Par Yves Chiron, Aletheia 1er juin 2024.
- À la question : L’an dernier, vous avez décidé de permettre aux prêtres catholiques de bénir les couples homosexuels. C’est un grand changement. Pourquoi ?
Le Pape a répondu :
- "Non, ce que j’ai permis ce n’est pas bénir l’union.
Cela ne peut pas être fait parce que ce n’est pas le sacrement.
Je ne le peux pas. Le Seigneur l’a fait ainsi.
Mais bénir chaque personne, oui".
"C’est un des paradoxes du Pape François : sur le fond il est fidèle à l’enseignement de l’Église et ne rompt pas avec le Magistère de ses prédécesseurs, mais sur le plan pastoral il prend des positions et des décisions plus qu’audacieuses qui sèment le trouble parmi les fidèles, les théologiens et les évêques.
Ainsi la longue déclaration Fiducia supplicans, publiée par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi, le 18 décembre 2023, et qui encourage la bénédiction (non sacramentelle) « des couples en situation irrégulière et les couples de même sexe », a fait l’objet de sévères critiques de la part de plusieurs théologiens (notamment les dominicains Emmanuel Perrier et Thomas Michelet dans la Revue thomiste) et a été refusée par plusieurs
épiscopats (notamment le SECAM, Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar).
Les plus inquiets ont vu dans Fiducia supplicans une porte ouverte vers la légitimation morale de l’homosexualité, voire une première étape vers un mariage homosexuel béni par l’Église.
La Tradition de l’Église a toujours affirmé que « les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés » (Déclaration Persona humana de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 29 décembre 1975) et « contraires à la loi naturelle » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2357).
Le Pape François n’envisage pas, bien sûr, de rompre avec ces enseignements.
Dans un entretien accordé à la chaîne de télévision américaine CBS le 24 avril, et diffusé le 20 mai dernier dans le cadre de l’émission « 60 minutes » présentée par Norah O’Donnell,
il a réfuté les fausses interprétations de Fiducia supplicans et a répondu clairement aux inquiétudes des fidèles, de certains théologiens et de certains épiscopats.
À la question : L’an dernier, vous avez décidé de permettre aux prêtres catholiques de bénir les couples homosexuels. C’est un grand changement. Pourquoi ?
Le Pape a répondu :
« Non, ce que j’ai permis ce n’est pas bénir l’union. Cela ne peut pas être fait parce que ce n’est pas le sacrement. Je ne le peux pas. Le Seigneur l’a fait ainsi. Mais bénir chaque personne, oui. La bénédiction est pour tout le monde. Pour tout le monde.
Bénir une union homosexuelle, cependant, va contre le droit positif, contre la loi de l’Église. Mais bénir chaque personne, pourquoi pas ?
La bénédiction est pour tous. Certaines personnes ont été scandalisées par cela. Mais pourquoi ? Tout le monde ! Tout le monde! »
Ensuite à la question : Vous avez dit : "Qui suis-je pour juger ?", "L’homosexualité n’est pas un crime", le Pape a répondu, sobrement :
« Non. C’est un fait humain. »
Yves Chiron, Aletheia, Lettre d’informations religieuses, XXVe année n° 343, 1er juin 2024, « La vérité vous rendra libres » (Jean 8, 32). Abonnement à la lettre d'Yves Chiron 16, rue du Berry 36250 Niherne chiron.yves@orange.fr
Déclaration Fiducia supplicans sur la signification pastorale des bénédictions
Présentation courte du texte officiel
(la sélection du texte est de jym, on se réfèrera au texte officiel auquel cette présentation courte a essayé d'être fidèle)
(…) Cette déclaration reste ferme sur la doctrine traditionnelle de l'Église concernant le mariage, n'autorisant aucun type de rite liturgique ou de bénédiction similaire à un rite liturgique qui pourrait prêter à confusion. (…). [C’est] une contribution spécifique et innovante à la signification pastorale des bénédictions, qui permet d'en élargir et enrichir la compréhension classique, (…), un réel développement par rapport à ce qui a été dit sur les bénédictions dans le Magistère (…)
[C’est la] possibilité de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe, sans valider officiellement leur statut ni modifier en quoi que ce soit l'enseignement pérenne de l'Église sur le mariage.
I. La bénédiction dans le sacrement du mariage
4. (…) Il s'agit d'éviter que « l’on [reconnaisse] comme mariage ce qui n’en est pas un ».
Par conséquent, sont inadmissibles les rites et les prières qui pourraient créer une confusion entre ce qui est constitutif du mariage, à savoir « une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à la génération d’enfants », et ce qui le contredit.
5. l'Église a le droit et le devoir d'éviter tout type de rite qui pourrait contredire cette conviction ou prêter à confusion. (…).
L'Église n'a pas le pouvoir de donner des bénédictions aux unions entre personnes du même sexe.
6. [ce rappel permet de] mieux mettre en évidence le risque de confondre une bénédiction, donnée à toute autre union, avec le rite propre du sacrement de mariage.
II. Le sens des diverses bénédictions
Le sens liturgique des rites de bénédiction
9. D'un point de vue strictement liturgique, la bénédiction exige que ce qui est béni soit conforme à la volonté de Dieu telle qu'elle est exprimée dans les enseignements de l'Église.
10. les formules de bénédiction ont avant tout pour but (…) « de demander ses faveurs et de vaincre le pouvoir du malin dans le monde ».
Ceux qui invoquent la bénédiction de Dieu (…) sont invités à intensifier « leurs dispositions, en se laissant guider par cette foi pour laquelle tout est possible » et à se confier à « cet amour qui pousse à observer les commandements de Dieu »(…).
Il faut veiller à « ce qu'il ne s'agisse pas de choses, de lieux ou d'événements contraires à la loi ou à l'esprit de l'Évangile ». Ceci est une compréhension liturgique des bénédictions (…).
11.(…) lorsqu'une bénédiction est invoquée sur certaines relations humaines (…), il est nécessaire que ce qui est béni puisse correspondre aux desseins de Dieu inscrits dans la Création et pleinement révélés par le Christ Seigneur.
L’Église a toujours considéré comme moralement licites uniquement les relations sexuelles vécues dans le cadre du mariage, elle n'a pas le pouvoir de conférer sa bénédiction liturgique lorsque celle-ci peut (…) offrir une forme de légitimité morale à une union qui se présente comme un mariage ou à une pratique sexuelle non matrimoniale.
12. (…) [cependant] le danger existe qu'un geste pastoral, si aimé et si répandu, soit soumis à trop de conditions morales préalables.
13. (…) [il ne faut] pas « perdre la charité pastorale (…) et éviter de « nous constituer en juges qui ne font que refuser, rejeter, exclure »
Une compréhension théologico-pastorale des bénédictions
20. Celui qui demande une bénédiction montre qu'il a besoin de la présence salvifique de Dieu dans son histoire (…). Chercher une bénédiction dans l'Église, (…) nous aide (…) à répondre à la volonté du Seigneur.
21. (…) « lorsqu’on demande une bénédiction, il s’agit d’une demande d’aide adressée à Dieu, d’une prière pour pouvoir vivre mieux.
23. « le caractère facultatif des pieux exercices ne peut en aucun cas signifier une quelconque méconnaissance, ni même le mépris à leur égard.
25. l'Église doit éviter de faire reposer sa pratique pastorale sur la fixité de certains schémas doctrinaux ou disciplinaires, surtout lorsqu'ils donnent lieu à « un élitisme narcissique et autoritaire, où, au lieu d’évangéliser, on analyse et classifie les autres, et, au lieu de faciliter l’accès à la grâce, les énergies s’usent dans le contrôle »(…).
Une analyse morale exhaustive ne devrait pas être posée comme condition préalable à l'octroi de cette bénédiction. Aucune perfection morale préalable ne doit être exigée de leur part.
26. (…) la possibilité de « formes de bénédiction, demandées par une ou plusieurs personnes, qui ne véhiculent pas une conception erronée du mariage » et qui tiennent également compte du fait que, dans des situations moralement inacceptables d'un point de vue objectif, « la charité pastorale elle-même exige que nous ne traitions pas simplement de “pécheurs” d’autres personnes dont la culpabilité ou la responsabilité peuvent être atténuées par divers facteurs qui ont une incidence sur l’imputabilité subjective ».
27. (…) ce type de bénédictions qui sont offertes à tous, sans rien demander (…), nous aident à saisir le sens pastoral des bénédictions offertes sans condition : « C'est Dieu qui bénit. (…).
La bénédiction possède une force spéciale, qui accompagne pendant toute sa vie celui qui la reçoit, et qui dispose le cœur de l'homme à se laisser changer par Dieu [...].
Nous sommes plus importants pour Dieu que tous les péchés que nous pouvons commettre, car Il est père, Il est mère, Il est amour pur, Il nous a bénis pour toujours. Et Il ne cessera jamais de nous bénir. (…).
Faire sentir à ces personnes qu'elles restent bénies malgré leurs graves erreurs, que le Père céleste continue à vouloir leur bien et à espérer qu'elles s'ouvrent finalement au bien.
Même si leurs parents les plus proches les ont abandonnées, parce qu'ils les jugent désormais irrécupérables, pour Dieu ce sont toujours ses enfants ».
28. (…) Ces bénédictions s'adressent à tous, personne ne doit en être exclu (…). Personne ne peut être exclu de cette action de grâce et chacun, même s'il vit dans des situations qui ne sont pas conformes au plan du Créateur, a des éléments positifs pour lesquels il peut louer le Seigneur.
29 (…) même dans des situations de péché, (…) le cœur du croyant élève sa louange et sa bénédiction vers Dieu.
30 (…) Si « il n’est pas opportun qu’un diocèse, une Conférence des évêques ou toute autre structure ecclésiale mette en place constamment et officiellement des procédures ou des règles pour toutes sortes de questions » la prudence et la sagesse pastorales peuvent suggérer que, en évitant de graves formes de scandale ou de confusion parmi les fidèles, le ministre ordonné s'associe aux prières des personnes qui, bien que vivant une union qui ne peut en aucun cas être comparée au mariage, désirent se confier au Seigneur et à sa miséricorde, invoquer son aide et être guidées vers une plus grande compréhension de son dessein d'amour et de vérité.
III. Bénédiction des couples en situation irrégulière et des couples de même sexe
31. Dans l'horizon ainsi tracé, il est possible de bénir les couples en situation irrégulière et les couples (« pas l’union », rappelle le pape François,) de même sexe, (…), une bénédiction qui n'a pas seulement une valeur ascendante, mais qui est aussi l'invocation d'une bénédiction descendante de Dieu lui-même sur ceux qui :
1) se reconnaissant indigents,
2) ayant besoin de son aide,
3) ne revendiquent pas la légitimité de leur propre statut,
4) demandent que tout ce qui est vrai, bon et humainement valable dans leur vie et dans leurs relations soit investi, guéri et élevé par la présence de l'Esprit Saint.
(…) afin que les relations humaines puissent mûrir et grandir dans la fidélité au message de l'Évangile, et de se libérer de leurs imperfections et de leurs fragilités et s'exprimer dans la dimension toujours plus grande de l'amour divin.
32. La grâce de Dieu agit en effet dans la vie de ceux qui ne se prétendent pas justes mais se reconnaissent humblement pécheurs comme tout le monde. (…). L 'Église accueille tous ceux qui s'approchent de Dieu avec un cœur humble, en les accompagnant avec ces aides spirituelles qui permettent à tous de comprendre et de réaliser pleinement la volonté de Dieu dans leur vie.
33. Cette bénédiction (…) unit la prière d'intercession à l'invocation de l'aide de Dieu par ceux qui s'adressent humblement à lui. Dieu ne rejette jamais celui qui s'approche de lui ! (…).
La demande de bénédiction (…) est une semence de l'Esprit Saint qu'il faut nourrir et non entraver.
34. (…) à travers une simple bénédiction du pasteur, qui par ce geste ne prétend pas sanctionner ou légitimer quoi que ce soit, les personnes peuvent-elles faire l'expérience de la proximité du Père,
36. En ce sens, il est essentiel de comprendre la préoccupation du Pape (…), en évitant qu’elles deviennent un acte liturgique ou semi-liturgique, semblable à un sacrement. (…).
[Eviter de] soumettre ce geste de grande valeur dans la piété populaire à un contrôle excessif, qui priverait les ministres de la liberté et de la spontanéité dans l'accompagnement pastoral de la vie des personnes.
38. (…) il ne faut ni promouvoir ni prévoir un rituel de bénédiction des couples en situation irrégulière, mais il ne faut pas non plus empêcher ou interdire la proximité de l'Église avec toute situation où l'on recherche l'aide de Dieu au moyen d'une simple bénédiction. (…).
Le ministre ordonné pourrait demander pour eux la paix (…), la lumière et la force de Dieu pour pouvoir accomplir pleinement sa volonté.
40. (…) ces bénédictions, (…) sont données (…) comme une expression du cœur maternel de l'Église, (…).
On n'entend pas légitimer quoi que ce soit, mais seulement ouvrir sa vie à Dieu, lui demander son aide pour mieux vivre, et invoquer aussi l'Esprit Saint pour que les valeurs de l'Évangile soient vécues avec une plus grande fidélité.
IV. L’Église est le sacrement de l’amour infini de Dieu
42. L'Église continue d'élever les prières et les supplications (du) Christ lui-même (…), ce n’est pas seulement par la charité, par l'exemple et par les œuvres de pénitence, mais également par la prière que la communauté ecclésiale exerce un véritable rôle maternel envers les âmes pour les amener au Christ ».
43. L'Église est ainsi le sacrement de l'amour infini de Dieu. C'est pourquoi, même lorsque la relation avec Dieu est obscurcie par le péché,
il est toujours possible de demander une bénédiction, (…) « Seigneur, sauve-moi ! » (Mt 14, 30).
Désirer et recevoir une bénédiction peut être le bien possible dans certaines situations (…), « un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut être plus apprécié de Dieu que la vie extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter d’importantes difficultés »
45. (…) « c'est la racine de la douceur chrétienne, la capacité de se sentir bénis et la capacité de bénir [...]. Ce monde a besoin de bénédiction et nous pouvons donner la bénédiction et recevoir la bénédiction. Le Père nous aime. Et il ne nous reste que la joie de le bénir et la joie de lui rendre grâce, et d'apprendre de Lui à ne pas maudire, mais à bénir »
Víctor Manuel Card. FERNÁNDEZ
Préfet