Réponse aux paroles de St Louis-Marie de Montfort quant au tout petit nombre des élus
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«SI QUELQU’UN VEUT VENIR APRES MOI » “Si quis”, si quelqu’un ; “quelqu’un”, et non pas “quelques-uns”, pour marquer le petit nombre des élus qui veulent se conformer à Jésus-Christ crucifié, en portant leur croix. Il est si petit, si petit, que, si nous le connaissions, nous nous en pâmerions de douleur. Il est si petit, qu’à peine parmi dix mille y en a-t-il un, comme il a été révélé à plusieurs saints, entre autres à saint Siméon Stylite, selon que le rapporte le saint abbé Nil, après saint Ephrem et quelques autres. Il est si petit, que, si Dieu voulait les assembler, il leur crierait, comme il fit autrefois par la bouche d’un prophète : “Congregamini unus et unus”, assemblez-vous un à un, un de cette province, un de ce royaume. »
Mon commentaire : Étant sauf le respect que je conserve vis-à-vis de tous les Saints et de St Louis-Marie en particulier [ en gardant toutefois à l’esprit que la sainteté d’après la Foi catholique n’équivaut pas à la perfection humaine à tout point de vue, en particulier au niveau intellectuel et psychologique; n'équivaut pas non plus à l’infaillibilité ni a fortiori à l’impeccabilité mais à l’exemplarité dans l’exercice héroïque des vertus chrétiennes fondamentales qui trouvent leur origine et leur fin dans la vertu de charité en Dieu sur laquelle nous serons jugés ] m’est avis cependant que St Louis-Marie applique en l’occurrence une lecture partiale voire qu’il commet un contresens sur ces paroles de Jésus.
Citation : « SI QUELQU’UN VEUT VENIR APRES MOI » “Si quis”, si quelqu’un ; “quelqu’un”, et non pas “quelques-uns”, pour marquer le petit nombre des élus qui veulent se conformer à Jésus-Christ crucifié »
Non, pas d’accord, car Jésus en maintes occasions montra qu’Il ne sait en quelque sorte compter que jusqu’à 1, parce que Dieu nous aime chacun de manière singulière en Son Fils unique éternel [ « Le Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour MOI » (Saint Paul, Galates chap. 2) ] et parce qu’Il attend de chacun une réponse libre et unique à son appel à la vie éternelle.
Citation : « Il est si petit, si petit, que, si nous le connaissions, nous nous en pâmerions de douleur. Il est si petit, qu’à peine parmi dix mille y en a-t-il un ».
D’abord le propos de St Louis-Marie paraît contredire ce verset de la Bible : « Je vis une foule IMMENSE que nul ne peut dénombrer » (Ap 7,9).
Bien des Saints semblent s’être "plantés en beauté" dans leur interprétation de certains versets de l’Ecriture quant à la question du nombre de sauvés, et ce peut-être par une permission très sage du Bon Dieu.
Force est de constater en effet que peu de personnes consentent SUR CETTE TERRE à rejeter totalement le péché, à suivre jusqu’au bout Jésus dans la perfection de la charité. Mais constater ce fait ne devrait pas conduire à conclure immédiatement à un nombre forcément très petit de sauvés DANS L’AU-DELÀ, comme beaucoup de Saints ont eu tendance à le faire, en l'occurrence St Louis-Marie qui cependant ne conclut pas ici définitivement quant à l'au-delà : " (...) le petit nombre des élus qui veulent se conformer à Jésus-Christ crucifié, en portant leur croix " (Nota : c'est-à-dire sur cette terre).
Pourquoi ? Parce que le Bon Dieu dans sa Justice inséparable de Sa miséricorde infinie a créé dans l’au-delà pour les défunts les Limbes puis le Purgatoire dans lequel les personnes qui n’ont pas consenti sur la terre à se laisser entièrement configurer dans leur être au Christ Jésus crucifié d’amour, mais qui cependant n'ont pas rendu leur dernier souffle de vie dans l’impénitence finale, n’ont pas méprisé et haï en toute connaissance de cause l’Amour divin, puissent quand même être sanctifiées dans l'au-delà à travers un feu de souffrances purificatrices et crucifiantes, puissent ce faisant être disposées à entrer dans le Royaume éternel de Dieu qui y est contemplé dans la joie face à face.
Le Bon Dieu connaît parfaitement l’âme humaine blessée par le péché originel, ses impuretés, ses imperfections, ses ambivalences et ses mesquineries. Quel que soit le nombre final de sauvés, Sa sagesse d’amour ne pouvait à mon avis que préférer entretenir un certain flou quant à ce nombre, aussi bien dans la Bible que dans la doctrine catholique.
Car s’il avait été clair dès le départ que la grande majorité des âmes finiraient par être sauvées et si le risque de l’Enfer n’avait été que théorique et minimisé, beaucoup de chrétiens, dans leur faiblesse de pécheurs, se seraient relâchés, beaucoup de pécheurs n’auraient pas par crainte de l’Enfer changé de vie [ Reste que « La crainte n'est pas dans l'amour, mais l'amour parfait bannit la crainte; car la crainte suppose un châtiment, et celui qui craint n'est pas parfait dans l'amour », 1 Jean 4.18 ], beaucoup de missionnaires n’auraient sans doute pas eu le même zèle pour arpenter les terres et écumer les mers afin d’apporter aux peuples l’Evangile du salut, et enfin beaucoup de chrétiens n’auraient pas prié avec autant de ferveur pour le salut des âmes, notamment pour les grands pécheurs, en particulier les petits voyants de Fatima dont deux sont désormais canonisés.
Notons que les paroles de Jésus : « Entrez par la porte étroite. Elle est grande, la porte, il est large, le chemin qui conduit à la perdition », sont précédées dans l’évangile selon S. Luc de cette question claire d’un disciple : « N'y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? », question à laquelle Jésus refuse d’apporter une réponse claire, se contentant de renvoyer chacun à sa liberté et à sa grave responsabilité personnelle : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite. Car, je vous le dis, beaucoup chercheront à entrer, et ne le pourront pas. »
Remarquons également que ces mêmes paroles sont précédées cette fois dans l’évangile selon S. Matthieu de ces autres paroles de Jésus : « Donc, tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi : voilà ce que disent la Loi et les Prophètes ».
Or, ce précepte est également bien connu dans la plupart des religions et cultures humaines, et dans le langage courant sous l’expression de « règle d’or », règle donc quasi-universelle qui est en lien avec la loi morale naturelle sur laquelle seront jugés avant tout les païens (1).
Cependant les chrétiens et toutes personnes véritablement évangélisées ayant plus reçu que les autres, Dieu en toute justice leur demande davantage qu’aux autres.
Notre Seigneur affirma que les prostituées et les publicains devançaient dans le Royaume de Dieu les observants traditionalistes, formalistes et légalistes, qu’étaient les mauvais pharisiens et scribes apparemment vertueux (cf. Matthieu 21, 31).
La voie étroite qui mène à la Vie ne consiste donc pas avant tout ou en soi dans quelque observance extérieure en matière de rites et de lois religieuses ou autres, ni dans l’accumulation érudite de connaissances religieuses, ni même dans quelque acte ascétique, mais elle consiste surtout dans une disposition profonde de l’âme qui sous l’influence de la Grâce la rend repentante, humble, petite, et confiante jusqu’à l’audace dans l’Amour miséricordieux de Dieu. Toute bonne œuvre en Dieu découlant ensuite de cette disposition fondamentale de l’âme.
Ainsi de la « petite voie » de sainte Thérèse de Lisieux qui s’avère expresse sur le chemin étroit de la sainteté conduisant à la Vie, faite à la fois de reconnaissance vraie de sa faiblesse et petitesse et de confiance audacieuse en Dieu, qui attirent irrésistiblement les flots de Sa Miséricorde divine sur les âmes, leur font prendre « l’ascenseur », pour reprendre l’image de Thérèse, vers le Coeur si bon et saint de Dieu.
M’est avis que seules les âmes qui sont vraiment enracinées dans la vertu de charité en Dieu peuvent croire sans dommages pour leur santé spirituelle, morale et psychologique, à l’opinion (certes très faillible et subjective) selon laquelle, en l’occurrence, en poussant la logique jusqu'au bout, sur environ 10 000 âmes humaines une seule à peine donc serait sauvée au final.
Car pour le commun des âmes qui ne sont pas saintes et pour les personnes psychologiquement fragiles ou qui sont très émotives, le fait de croire à ce type d’opinion peut sans doute avoir des conséquences très négatives dans leur vie spirituelle et psychologique, dans leur vie quotidienne, familiale, amicale et ecclésiale : pessimisme radical sur soi-même et son prochain pouvant dégénérer en découragement spirituel, en dépression grave voire en suicide, repliement sur soi-même et son groupe religieux, méfiance maladive vis-à-vis de son prochain, jugement téméraire et définitif vis-à-vis de l’âme de son prochain, et cetera.
C’est dire si pastoralement tout ministre de Dieu qui croirait sincèrement à ce type d’opinion théologique très faillible devrait se garder de la partager imprudemment avec n’importe quelle personne de son entourage, sous peine de risquer de lui faire du mal. Seuls les idéologues peu portés à l’empathie envers leurs prochains, voire des personnes de tendance psychopathe, peuvent se réjouir à l’idée qu’un tout petit nombre d’âmes soient sauvées au final ( dont ils croient faire partie bien entendu... )
Quand bien même Dieu a-t-il révélé en privé à certaines personnes privilégiées, qu’Il connaît bien, que beaucoup d’âmes vont en Enfer ( dixit Notre-Dame de Fatima (2) ) afin de les inciter à prier et à offrir des sacrifices avec plus de ferveur pour le salut des pauvres pécheurs, je ne vois pas bien l’intérêt qu’il y aurait à connaître la proportion approximative et finale de sauvés dans l’au-delà. J’y vois plutôt un danger spirituel. La proportion du nombre final de sauvés doit rester avant tout de l’ordre du secret de Dieu, qui sera dévoilé dans l’autre monde.
Si l’opinion d'après laquelle la majorité des âmes seront damnées fut partagée par beaucoup de Pères de l’Église et de Saints, elle n’a jamais constitué une vérité certaine, de foi divine et catholique. Il est ainsi possible d’être catholique et d'incliner à croire que 99,9 % des âmes seront finalement sauvées. Seule la damnation de l’Iscariote Judas fut implicitement affirmée dans la Tradition de l’Église (en particulier au concile de Trente).
Enfin, c’est ici le moment de rappeler cette vérité qui elle par contre est de foi divine, que le Bon Dieu a voulu nous faire connaître clairement, à savoir qu’Il désire ardemment que tous les hommes soient sauvés in fine :
« Le Seigneur ne tarde pas dans l'accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le croient; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance. » (2 Pierre 3:9)
« Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » (St Paul, 1 Timothée 2:4)
« Car la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. » (St Paul, Tite 2:11)
« Et le maître dit au serviteur : Va dans les chemins et le long des haies, et ceux que tu trouveras, contrains-les d'entrer, afin que ma maison soit remplie. » (Luc 14:23)
« Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, même celui qui n'a pas d'argent ! Venez, achetez et mangez, Venez, achetez du vin et du lait, sans argent, sans rien payer ! » (Isaïe 55:1)
« Dis-leur: je suis vivant! dit le Seigneur, l'Eternel, ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive. Revenez, revenez de votre mauvaise voie; et pourquoi mourriez-vous, maison d'Israël ? » (Ézéchiel 33:11)
*** Notes
1) Extrait de la parabole dite du Jugement dernier en Matthieu chapitre 25 : « Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.” Alors ils répondront, eux aussi : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?” Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.” Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »
2) Citation de Notre-Dame de Fatima le 19 août 1917 : « Priez, priez beaucoup et faîtes des sacrifices pour les pécheurs, car beaucoup d'âme vont en enfer parce qu'elles n'ont personne qui se sacrifie et prie pour elles. » Citation du pape Pie XII dans son encyclique Mystici Corporis : « Le salut de beaucoup dépend des prières et des pénitences volontaires des membres du Corps du Christ ».