jean-yves macron
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Article 28 partie 3 : Le Nouvel Ordo de la Messe Paul VI est catholique. Démonstration.

Article 28 partie 3 : Le Nouvel Ordo de la Messe Paul VI est catholique. Démonstration.

4) Autre série d’objections

• On ne voit pas très bien pourquoi les Kyrie eleison passent de 9 à 6, c’est-à-dire sont répétés 2 fois au lieu de 3. Le symbolisme trinitaire n’est plus respecté; de plus, beaucoup de mélodies grégoriennes sont composées en vue des 9 invocations, et la réduction à 6 en détruit l’harmonie.
Il est vrai que les fidèles qui sont contraints de dire « Seigneur, prends pitié », (ce qui est à la fois une faute de français et une faute de goût), éprouveront quelque soulagement à prononcer ce barbarisme 3 fois au lieu de 4…

• On regrette vivement que l’embolisme (prière qui développe la dernière demande du Pater) ait été tronqué, et l’on a raison. On a ajouté une fort belle pensée de saint Paul (Tite 2, 13): « Exspectantes beatam spem et adventum Salvatoris nostri Jesu Christi ». « Attendant la bienheureuse espérance et l’avènement de notre Sauveur Jésus-Christ » (le texte complet de S. Paul dit: « de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ »).

La traduction française officielle dit fort platement :

« Où nous espérons le bonheur que tu promets et l’avènement de Jésus-Christ notre Sauveur ».

Est-ce pour ces deux lignes ajoutées que l’on a supprimé « l’intercession de la bienheureuse et glorieuse toujours-Vierge Marie, des bienheureux Apôtres Pierre et Paul, et André, et de tous les saints »? Nous demanderons instamment au Saint-Père de nous rendre l’intercession de Marie toujours Vierge, et celle des deux Colonnes de la sainte Eglise, qui autrement ne sont plus invoqués que dans le Canon Romain. Nous obtiendrons satisfaction, parce que nous y avons droit.

On a dit que la doxologie ajoutée en conclusion à l’embolisme, était « protestante »: « Quia tuum est regnum et potestas et gloria in saecula » (Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire pour les siècles des siècles).

En réalité, cette magnifique doxologie ne figure pas dans l’Evangile, mais appartient à la tradition liturgique la plus antique: on la rencontre pour la première fois dans la Didachè 8, 2 (Ier et Ile siècle) puis dans les Constitutions des Apôtres (Livre III, chap. 18, n° 2 et Livre VII, chap. 24, n° 1) et chez de nombreux Pères grecs et orientaux.

De l’usage liturgique, elle est passée dans certains manuscrits de l’Evangile, et c’est pour cela que les Protestants l’ont adoptée (voir J. Carmignac, Recherches sur le Notre Père, chap. XIV. Ed. Letouzey 1969). Le nouvel Ordo ne fait que reprendre une tradition liturgique catholique. Il faut s’en réjouir, comme il faut se réjouir que les Protestants s’en réjouissent;

• On s’est plaint de la formule qui précède la communion: « Corpus Christi custodiat me in vitam aeternam »; elle remplace : « Corpus D.N.J.C. custodiat animam meam in vitam aeternam ».

Le nouvel Ordo ne professe plus l’existence de l’âme ! ?

Pardon! Lisez, s’il vous plaît, une ligne au-dessus :

« … et sanabitur anima mea ».

D’ailleurs, ce n’est pas l’âme seule qui est le sujet du salut, mais tout l’homme, âme et corps, et il n’est pas mauvais de rappeler aux chrétiens la foi en la résurrection.


• On s’est moqué du baiser de paix ou du signe d’amitié que les fidèles devraient se donner « selon les Coutumes des lieux ». Là, nous sommes tout-à-fait d’accord. En dehors des « corps constitués » (moines, ordres, confréries) le geste sera ridicule, et le ridicule le tuera.

• On a prétendu que le nouvel Ordo donnait trop d’importance à la liturgie de la parole. Mais il n’en est rien: trois lectures le dimanche et aux grandes fêtes, tirées de l’Ancien Testament, des Epîtres et de l’Evangile, le tout beaucoup plus varié qu’avant, c’est excellent. Les Catholiques finiront peut-être par connaître un peu plus l’Ecriture Sainte, ce sera tout bénéfice. Les Protestants seront contents? Ils auront raison.

Voilà du bon œcuménisme.

• On a regretté la suppression de plusieurs génuflexions, de la plupart des baisers à l’autel, de quelques Dominus vobiscum. Mais il en reste suffisamment pour signifier l’adoration et saluer rassemblée aux moments les plus importants.

Nous noterons toutefois que les réformateurs liturgiques ne semblent pas avoir assez d’estime pour les gestes du corps. C’est là une grave erreur, car ces gestes conditionnent pour une part l’attitude spirituelle en même temps qu’ils l’expriment.

D’une manière générale, il faut avouer que les liturgistes actuels — au moins certains d’entre eux — ne sont guère étouffés par le sens du sacré. Beaucoup de prêtres non plus, hélas. Il faudrait que les fidèles les y entraînent, les y poussent, les y obligent, les y forcent.

• On s’est scandalisé d’apprendre que la pierre d’autel n’est plus obligatoire, et que des autels en bois peuvent être consacrés. Qu’un aumônier aux Armées soit dispensé de la pierre d’autel, c’est assez normal. Mais la liberté, à notre sens, va nettement trop loin. On s’achemine ainsi vers l’autel-table, puis vers la table tout court, puis vers les petites tables. Cela s’est déjà vu, et risque de se multiplier. Nous réagirons vigoureusement contre tous les abus dont nous serons témoins. Et nous demandons au Saint-Père de limiter cette dangereuse liberté.

5) Deux objections extrinsèques.

a) L’approbation de l’Ordo par des Protestants.

Le frère Max THURIAN, de Taizé, dans un article de la Croix (30 mai 1969), exprime sa satisfaction du nouvel Ordo, et conclut, dans son enthousiasme :

« Un des fruits en sera peut-être que des communautés non-catholiques pourront célébrer la Sainte Cène avec les mêmes prières que l’Eglise catholique. Théologiquement, c’est possible ».

Cette déclaration a jeté le trouble dans de nombreuses consciences catholiques, et ce n’est certes pas ce que voulait son auteur.

Mais avant de s’émouvoir, il faut se demander qui est le frère Thurian, quel genre de protestant il représente. A la tête de la communauté de Taizé dont l’œcuménisme est toute l’espérance, il représente l’extrême pointe du protestantisme vers le catholicisme. Sur bien des points, il est proche de notre foi, en particulier sur l’Eucharistie. Il reste dans le protestantisme pour tâcher d’entraîner vers l’unité une multitude de ses frères. A-t-il raison ? C’est une autre affaire.

Quand on parle d’œcuménisme, il faut distinguer d’une part la doctrine, d’autre part la sensibilité religieuse.

En matière de doctrine, le fossé est profond et ne sera comblé à l’heure de Dieu, qiand nous aurons su présenter, dans nos paroles et notre vie, la puissante harmonie et la splendeur du dogme catholique ; et que nos frères séparés auront compris que le Christianisme qu’ils cherchaient se trouve en plénitude dans l’Eglise dont Pierre est le fondement.

En matière de sensibilité religieuse, beaucoup d’obstacles peuvent être aplanis.

Pour une sensibilité calviniste, l’Ordo de S. Pie V représente quelque chose contre quoi viennent buter des siècles de préjugés; et l’on comprend que l’apparition d’un nouvel Ordo, où une place plus grande est faite à l’annonce de la Parole de Dieu, à la « prière des fidèles » et à l’homélie, où le « peuple de Dieu » est plus visiblement associé à la liturgie par des réponses, des chants et des acclamations, on comprend qu’un tel Ordo, qui maintient intégralement la doctrine catholique sur l’Eucharistie, soit néanmoins plus accessible à la sensibilité protestante.

Enfin et surtout, la suppression, à l’offertoire, de toute formule qui pouvait prêter à confusion en suggérant l’idée d’un sacrifice naturel, quasi autonome par rapport au sacrifice de la Croix, ne fait que satisfaire un protestant comme elle satisfait les catholiques.

Dans une lettre en date du 28 janvier 1970, accompagnant l’envoi de la note doctrinale, nous demandions au frère Thurian de nous écrire si, à son sens, quelque chose était changé dans la substance du sacrifice eucharistique. La réponse du 6 février nous apporta ce témoignage :
« Je n’ai aucune difficulté à affirmer que dans le nouvel Ordo Missae, rien n’est changé concernant la doctrine catholique traditionnelle du Sacrifice eucharistique ».

A Guy Baret, qui lui formulait son hypothèse selon laquelle la réforme de l’offertoire serait la cause de son approbation, le Pasteur Thurian répondit, également le 6 février: « L’hypothèse que vous formulez est tout-à-fait exacte. »

D’autre part, dans « La Croix » du 21 janvier, le frère Roger Schutz, prieur de Taizé, s’exprime ainsi :
« Pour ma part, j’ai la certitude que, dans le nouvel Ordo Missae, la substance de la Messe est la même que celle qui a toujours été vécue et priée auparavant ».


Vais-je donc crier au scandale parce que mes frères commencent à se sentir attirés par la Maison du Père ?

Vais-je les repousser parce que le désir leur vient de prier avec les mêmes paroles que moi ? Vais-je les traiter en ennemis parce qu’ils sont nés hors de l’Eglise, sans qu’il y ait faute de leur part ? Si leur cœur est gagné, est-ce que la foi ne va pas suivre ?

Si nos belles anaphores leur plaisent ou tout au moins ne les rebutent plus, la foi au Sacrifice et à la Présence réelle ne va-t-elle pas s’insinuer peu à peu dans leur cœur et triompher finalement des dernières erreurs, des derniers préjugés ?

Quand Max Thurian parle des communautés non catholiques qui pourront PEUT-ETRE utiliser le nouvel Ordo, il pense à Taizé.

Et il est bien trop honnête et beaucoup trop bon théologien pour ne pas savoir que le jour où sa Communauté serait mûre pour le nouvel Ordo, elle n’aurait plus qu’à chanter sa profession de foi catholique et à demander le sacerdoce du Christ aux mains de nos évêques.

Voilà pourquoi la déclaration de Max Thurian, pour maladroite qu’elle soit dans sa formulation est un motif de joie pour les catholiques — j’entends pour les vrais catholiques, ceux qui ne sacrifieront jamais une seule vérité de la foi à une unité artificielle, mais qui désirent de toute leur âme partager avec tous leurs frères chrétiens le trésor catholique dont l’Eglise romaine est la gardienne et la dispensatrice.

D’autres pasteurs protestants ont manifesté le même intérêt pour le nouvel Ordo. Récemment, M. Gérard SIEGWALT, professeur de dogmatique à la faculté protestante de Strasbourg, a adressé une lettre à Mgr. Elchinger pour lui demander la permission de communier dans nos églises, déclarant que rien ne le gênait dans la Messe « renouvelée ».

Bien sûr, il ne peut être question de lui donner satisfaction, car chacun sait que l’intercommunion entre chrétiens séparés est un non-sens et un obstacle au véritable œcuménisme (et l’on aurait aimé une réponse moins alambiquée de l’évêque) ; mais de deux choses l’une: ou il est un luthérien de stricte observance, et alors il n’a pas lu l’Ordo, ou bien il est tout proche de notre foi, et il désire s’en rapprocher encore par le moyen (mal choisi) de la communion.

Conclusion sur ce point :

De toutes manières, on ne peut en rien arguer de ces prises de position de quelques rares protestants pour déclarer que le nouvel Ordo est protestant.

Le fait est là, patent, clair comme le jour : la Messe est un sacrifice, le sacrifice unique du Christ réellement présent, cela est affirmé par le nouvel Ordo tout aussi nettement que par celui de S. Pie V.

Si un protestant admet cela, il est sur ce point essentiel en accord avec l’Eglise catholique. S’il ne l’admet pas, alors il ne peut accepter l’Ordo.

Si quelques protestants proches de nous se sont réjouis de la publication du nouvel Ordo, il ne faut pas oublier que l’ensemble des modernistes cache mal son désappointement et ne cache pas du tout sa volonté « d’aller au delà ».

En 1970, ce ne sont pas les arrière-petits fils des Huguenots qui sont les ennemis de l’Eglise, mais les modernistes destructeurs du christianisme.