jean-yves macron
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2ème LETTRE DU PAPE PAUL VI À Mgr MARCEL LEFEBVRE -2-

2ème LETTRE DU PAPE PAUL VI

À MONSEIGNEUR MARCEL LEFEBVRE -2-


(Les surlignés et mise en gras sont de jym)

Une ecclésiologie faussée sur des points essentiels

II.
Venons-en maintenant aux requêtes plus précises que vous avez formulées durant l’audience du 11 septembre.

Vous voudriez que soit reconnu le droit de célébrer la messe selon le rite tridentin en divers lieux du culte. Vous tenez aussi à continuer de former les aspirants au sacerdoce selon vos critères, « comme avant le Concile », dans des séminaires à part, tel Ecône.

Mais derrière ces questions et d’autres semblables, que nous examinerons plus loin en détail,

1) il importe de bien voir le noeud du problème qui est théologique.
Car elles sont devenues des façons concrètes d’exprimer une ecclésiologie qui est faussée sur des points essentiels.


Refus de l’autorité du Concile et du Pape

2)
Ce qui est en cause en effet, c’est la question, qu’on doit bien dire fondamentale, de votre refus, clairement proclamé, de reconnaître, dans son ensemble, l’autorité du Concile Vatican II et celle du Pape.

Refus qui s’accompagne d’une action ordonnée à propager et organiser ce qu’il faut bien appeler, hélas ! une rébellion. C’est là le point essentiel, proprement insoutenable.

Faut-il donc vous le rappeler à vous, notre frère dans l’Episcopat et qui, plus est, avez été nommé assistant au Trône pontifical, ce qui vous oblige à demeurer plus uni encore au Siège de Pierre ?

Le Christ a remis l’autorité suprême dans son Eglise à Pierre et au Collège apostolique, c’est-à-dire au Pape et au Collège des évêques « una cum Capite ».

3) Pour le Pape, tout catholique admet que les paroles de Jésus à Pierre déterminent aussi la charge de ses successeurs légitimes :

« Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans le ciel. » (Mt 16, 19.) « Pais mes brebis. » (In 21, 16–17.) « Affermis tes frères. » (Lc 22, 32.)

Et le premier Concile du Vatican précisait en ces termes l’assentiment dû au Souverain Pontife :

« Les pasteurs de tout rang et de tout rite et les fidèles, chacun séparément ou tous ensemble, sont tenus au devoir de subordination hiérarchique et de vraie obéissance, non seulement dans les questions qui concernent la foi et les moeurs, mais aussi dans celles qui touchent à la discipline et au gouvernement de l’Eglise répandue dans le monde entier. Ainsi, en gardant l’unité de communion et de profession de foi avec le Pontife romain, l’Eglise est un seul troupeau sous un seul pasteur.

4) Telle est la doctrine de la vérité catholique dont personne ne peut s’écarter sans danger pour sa foi et son salut. »
(Const. dogmatique Pastor aeternus, ch. 3, Dz 3060.)


Quant aux évêques unis au Souverain Pontife, leur pouvoir à l’égard de l’Eglise universelle s’exerce solennellement dans les Conciles oecuméniques, selon les paroles de Jésus à l’ensemble des apôtres :

« Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel. » (Mt 18, 18.)

5) Or voilà que, dans votre conduite, vous refusez de reconnaître, comme il se doit, ces deux façons dont s’exerce l’autorité suprême.

Chaque évêque est bien docteur authentique pour prêcher au peuple à lui confié la foi qui doit régler sa pensée et sa conduite et écarter les erreurs qui menacent le troupeau. Mais :

« les charges d’enseigner et de gouverner… de par leur nature, ne peuvent s’exercer que dans la communion hiérarchique avec le Chef du Collège et ses membres » (Const. Lumen gentium, n. 21 ; cf. aussi n. 25).

6) A plus forte raison, un évêque seul et sans mission canonique n’a pas, « in actu expedito ad agendum », la faculté d’établir en général quelle est la règle de la foi et de déterminer ce qu’est la Tradition.

7) Or pratiquement vous prétendez être juge à vous seul de ce que recouvre la Tradition.

Un concept faussé de la Tradition

Vous vous dites soumis à l’Eglise, fidèle à la Tradition, par le seul fait que vous obéissez à certaines normes du passé, dictées par les Prédécesseurs de celui auquel Dieu a conféré aujourd’hui les pouvoirs donnés à Pierre.

8) C’est dire que, sur ce point aussi, le concept de « Tradition » que vous invoquez est faussé.

La Tradition n’est pas une donnée figée ou morte, un fait en quelque sorte statique qui bloquerait, à un moment déterminé de l’histoire, la vie de cet organisme actif qu’est l’Eglise, c’est-à-dire le Corps mystique du Christ.


9) Il revient au Pape et aux Conciles de porter un jugement pour discerner dans les traditions de l’Eglise ce à quoi il n’est pas possible de renoncer sans infidélité au Seigneur et à l’Esprit-Saint – le dépôt de la foi – et ce qui au contraire peut et doit être mis à jour :

- pour faciliter la prière et la mission de l’Eglise à travers la variété des temps et des lieux,

- pour mieux traduire le message divin dans le langage d’aujourd’hui et mieux le communiquer, sans compromission indue.

10) La Tradition n’est donc pas séparable du Magistère vivant de l’Eglise, comme elle n’est pas séparable de l’Ecriture sainte.

« La Sainte Tradition, la Sainte Ecriture et le Magistère de l’Eglise… sont tellement reliés et solidaires entre eux qu’aucune de ces réalités ne subsiste sans les autres et que toutes ensemble, chacune à sa façon, sous l’action du seul Esprit-Saint, contribuent efficacement au salut des âmes. »

(Constitution Dei Verbum, n. 10.)

11) C’est ainsi qu’ont agi communément les Papes et les Conciles oecuméniques, avec l’assistance spéciale de l’Esprit-Saint. Et c’est précisément ce qu’a fait le Concile Vatican II.

12) Rien de ce qui a été décrété dans ce Concile, comme dans les réformes que nous avons décidées pour le mettre en œuvre, n’est opposé à ce que la Tradition bimillénaire de l’Eglise comporte de fondamental et d’immuable.


De cela, nous sommes garant, en vertu, non pas de nos qualités personnelles, mais de la charge que le Seigneur nous a conférée :

a) comme successeur légitime de Pierre et,

b) de l’assistance spéciale qu’il nous a promise comme à Pierre : « J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas. » (Lc 22, 32.).

c) Avec nous en est garant l’Episcopat universel.

13)
Vous ne pouvez pas non plus invoquer la distinction entre dogmatique et pastoral pour accepter certains textes de ce Concile et en refuser d’autres.

Certes, tout ce qui est dit dans un Concile ne demande pas un assentiment de même nature :

- seul ce qui est affirmé comme objet de foi ou vérité annexe à la foi, par des actes « définitifs », requiert un assentiment de foi.

- Mais le reste fait aussi partie du Magistère solennel de l’Eglise auquel tout fidèle doit un accueil confiant et une mise en application sincère.

Il reste qu’en conscience, dites-vous, vous ne voyez toujours pas comment accorder certains textes du Concile ou certaines dispositions que nous avons prises pour les mettre en œuvre, avec la sainte Tradition de l’Eglise et en particulier avec le Concile de Trente ou les affirmations de nos prédécesseurs, par exemple sur la responsabilité du Collège des évêques unis au Souverain Pontife, le nouvel Ordo Missae, l’oecuménisme, la liberté religieuse, l’attitude de dialogue, l’évangélisation dans le monde de ce temps…

Ce n’est pas le lieu, dans cette lettre, de reprendre chacun de ces problèmes.
(C'est le but de cette page que de montrer l'orthodoxie des textes du Concile, note de jym)

14) La teneur précise des documents, avec l’ensemble des nuances qu’ils comportent et le contexte qui les encadre, les explications autorisées, les commentaires approfondis et objectifs qui en ont été donnés, sont de nature à vous faire surmonter ces perplexités personnelles.

Des conseillers absolument sûrs, théologiens et spirituels, pourraient vous y aider encore, dans la lumière de Dieu, et nous sommes prêt à vous faciliter cette assistance fraternelle.

15) Mais comment une difficulté personnelle intérieure – drame spirituel que nous respectons – vous permettrait-elle de vous ériger publiquement en juge de ce qui a été adopté légitimement et pratiquement à l’unanimité, et d’entraîner sciemment une partie des fidèles dans votre refus ?

Si les justifications sont utiles pour faciliter intellectuellement l’adhésion, et

16) nous souhaitons que les fidèles troublés ou réticents aient la sagesse, l’honnêteté et l’humilité d’accueillir celles qui sont mises largement à leur disposition,

elles ne sont point par elles-mêmes nécessaires à l’assentiment d’obéissance qui est dû au Concile oecuménique et aux décisions du Pape.

17) C’est le sens ecclésial qui est en cause.

PAULUS PP. VI


Du Vatican, le 11 octobre 1976.
jean-yves macron
Paul VI fait remarquer à Mgr Lefebvre que :
"Ce n’est pas le lieu, dans cette lettre, de reprendre chacun des problèmes (de Mgr Lefebvre) (...) sur les thèmes du nouvel Ordo Missae, de l’oecuménisme, de la liberté religieuse, de l’attitude de dialogue, de l’évangélisation dans le monde de ce temps…".
Concernant l'orthodoxie des textes du Concile, voici quelques pistes :
Article 30 : la Messe …Plus
Paul VI fait remarquer à Mgr Lefebvre que :

"Ce n’est pas le lieu, dans cette lettre, de reprendre chacun des problèmes (de Mgr Lefebvre) (...) sur les thèmes du nouvel Ordo Missae, de l’oecuménisme, de la liberté religieuse, de l’attitude de dialogue, de l’évangélisation dans le monde de ce temps…".

Concernant l'orthodoxie des textes du Concile, voici quelques pistes :

Article 30 : la Messe du Nouvel Ordo est bien cath…

Article 27 : L'opinion finale des cardinaux O…

Article 16 : Réponses aux questions de l'abbé…

Une bibliographie consacrée à ces sujets est en cours d'élaboration.
jean-yves macron
Enfin, en tant que catholique traditionnel anti-schismatique, je ne critique pas l'oeuvre de Mgr Lefebvre, mais seulement d'avoir usé d'un mal pour obtenir un bien. Ce qui est toujours et objectivement un mal.
N'importe quel vrai catholique traditionnel ne pourra que reconnaître les arguments parfaitement traditionnels de SS Paul VI.