Article 30 : la Messe du Nouvel Ordo est bien catholique, suite et fin.
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Son père était Chevalier de Notre Dame, dont il est lui-même devenu membre. Il a accompagné la remise de cette note par le chevalier Pierre Piqué au Cardinal Journet.
Il témoigne directement de l’authenticité de cette note et affirme que la réponse positive du Cardinal Ottaviani à cette note est bien véridique.
Le cas de la lettre du Cardinal Ottaviani.
On connaît la supplique adressée au Saint-Père par les Cardinaux Ottaviani et Bacci, demandant que l’Ordo de S. Pie V puisse continuer à être utilisé et affirmant, par référence à un « Bref examen critique » que « le nouvel Ordo, si l’on considère les éléments nouveaux, susceptibles d’appréciations fort diverses, qui paraissent sous-entendus ou impliqués, s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail de la théologie catholique de la sainte Messe telle qu’elle a été formulée a la XX° session du Concile de Trente »…
Nous sommes en mesure d’affirmer que le Vénéré Cardinal Ottaviani a vu tous les textes et qu’il les a approuvés. Certaines formules ont même été adoptées très précisément à sa requête, en particulier les formules eschatologiques et celles qui concernent la liturgie des défunts (anaphore 3).
Or, le « Bref examen » attaque précisément ces formules en recourant à un raisonnement enfantin :
- si le retour du Christ est attendu et désiré, c’est donc que le Christ n’est pas réellement présent sous les espèces eucharistiques! Il n’y a pas plus de contradiction entre la foi en la Présence réelle et le désir du retour eschatologique qu’entre l’affirmation du Seigneur: « Je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles » (Mt XXVIII, 20) et la promesse de son retour (Actes I, 11).
Maintenant, le Seigneur nous est présent comme créateur (présence d’immensité) et comme rédempteur (présence spirituelle par la grâce et présence sacramentelle dans l’Eucharistie); au dernier jour, Il sera présent comme Roi dans toute sa gloire, transformant les siens et transfigurant le monde entier dans la lumière de sa divinité. Lorsque nous lui disons :
« Viens, Seigneur Jésus! » (Apoc. XXII, 20), nous aspirons à son règne sur toute la création.
Les nombreuses allusions à la Parousie dans la liturgie rénovée comptent assurément parmi les éléments les plus positifs du nouvel Ordo.
Cette grande vérité, plus ou moins oubliée par les fidèles (« les dix vierges s’assoupirent et s’endormirent ») retentit, à nouveau comme un cri au milieu de notre nuit : Ecce Sponsus venit, aptate lampades vestras !
La plupart des critiques du « Bref examen » ne peuvent pas avoir reçu l’approbation du grand Cardinal tant elles paraissent dénuées de valeur et d’objectivité.
Nous en sommes donc réduits aux hypothèses.
Le Cardinal n’a pas pu approuver le Bref examen ; il est probable qu’on s’est gardé de le lui lire.
En acceptant de faire figurer son nom au bas de la supplique, le Cardinal Ottaviani a approuvé au moins la requête de conserver l’Ordo de S. Pie V et il s’est déclaré solidaire de tous ceux qui souffrent des perpétuels changements de la liturgie ou des incroyables fantaisies individuelles ou collectives qui éclosent un peu partout en marge des réformes officielles.
Son geste n’aura pas été vain. Grâce à lui, tous les prêtres qui célèbrent en latin pourront, jusqu’au 30 novembre 1971, utiliser l’un ou l’autre Ordo.
Grâce à lui encore, les prêtres âgés ne seront pas obligés de réapprendre à dire la Messe.
Grâce à lui enfin, la définition du chapitre II pourra être révisée.
Il est superflu de souligner l’importance de la réponse du Cardinal Ottaviani, qui devrait à elle seule mettre fin à la contestation.
a) Elle est une approbation pleine et entière de la Note doctrinale :
« Je vous félicite pour votre travail qui est remarquable pour son objectivité et la dignité de son expression… Je souhaite à votre note doctrinale et à l’activité de la Militia S. Mariae une large diffusion et succès ».
b) Elle nous apprend que la polémique contre le nouvel Ordo a été déclenchée et alimentée par des provocateurs: « ceux qui se servent du trouble des âmes pour augmenter la confusion des esprits ».
Une autre lettre romaine, nous confirme, s’il en était besoin cette assertion.
c) La supplique au Saint-Père demandant l’abrogation du nouvel Ordo et le maintien de l’Ordo de St Pie V (3 septembre) a bien été signée par le Cardinal Ottaviani comme par le Cardinal Bacci. Mais, elle a été rendue publique le 15 octobre contre la volonté de son principal signataire.
Cette manœuvre inqualifiable a permis aux provocateurs d’abuser du nom du Cardinal dans un sens que lui-même ne désirait pas : pour faire de lui, ce qui est un comble, le chef de la contestation anti-papale !
d) Le Cardinal estime que les discours du Saint-Père, surtout ceux du 19 et 26 novembre, constituent une mise au point doctrinale qui suffit à lever tous les doutes qui auraient pu naître quant à l’intention du Législateur ou à l’orthodoxie du nouvel Ordo.
e) Après ces discours, ceux qui se « scandaliseraient » du nouvel Ordo (au sens évangélique de « trébucher sur ») ne seraient pas des gens sincères, mais des « pharisiens », comme nous écrit un autre prélat romain.
f) Le Cardinal reconnaît que le texte peut encore susciter quelques légitimes perplexités : une catéchèse prudente et intelligente suffira à les dissiper.
Conclusion sur ce point :
Le Cardinal ne parle plus d’abrogation du nouvel Ordo, ni de maintien de l’Ordo de St Pie V.
Après une pareille mise au point, il n’est plus permis d’utiliser la supplique du 3 septembre dans la contestation du nouvel Ordo; ou bien alors, il faut la mettre au compte du seul Cardinal Bacci, à supposer que ce dernier n’ait pas révisé sa position à la suite des discours pontificaux.
6) La question des traductions.
Tout ce que nous avons dit jusqu’à présent s’applique à l’Ordo Missae publié en latin à Rome. Les traductions dans les langues nationales devront être examinées avec soin. La traduction française est souvent faible et minimisante, parfois elle trahit l’original latin plus qu’elle ne le traduit, mais jusqu’ici elle ne porte pas atteinte à l’intégrité de la Messe.
On pourra se procurer l’Ordinaire de la Messe latin-français paru en numéro spécial de « Discours du Pape et chronique romaine » (53 – Saint-Cénéré).
ou ici : Laudate. Missel grégorien des fidèles - Thomas Diradourian
Nous ferons des démarches pour obtenir que les traductions soient plus fidèles.
LE POUVOIR SOUVERAIN DU PAPE SUR LA LITURGIE.
Saint Pie V avait promulgué son Ordo « ad perpetuam rei memoriam ». Cela ne signifie pas qu’il ait eu la volonté d’établir le rite de manière à ce qu’il demeure inchangé jusqu’à la consommation des siècles.
Ce qui demeure et demeurera inchangé, c’est la substance du Mystère, la réalité du Sacrifice eucharistique.
Ce qu’un Pape a fait, un autre Pape peut le défaire, en matière de discipline et de rites ecclésiastiques s’entend (non en matière de dogme ou de morale). Paul VI peut donc abroger l’Ordo de Pie V, à condition de le remplacer par un Ordo qui respecte intégralement l’essence de la Messe. Nous avons vu que c’était le cas.
Le pouvoir du Pape sur les sacrements de l’Eglise n’est pas sans limite, mais il est étendu. Pie XII, par exemple, a décrété que la matière et la forme du sacrement de l’Ordre consistait exclusivement dans l’imposition des mains et une phrase déterminée de la prière consécratoire.
Depuis le moyen-âge, nombreux étaient les théologiens qui tenaient pour la porrection des instruments avec les paroles qui l’accompagnent, ou admettaient au moins que ce rite faisait partie de l’essence du sacrement. Pie XII n’a pas tranché pour le passé; mais désormais, la porrection des instruments est exclue de la matière et de la forme.
Le pape n’a pas le pouvoir de bouleverser la messe et les sacrements au point que n’y paraisse plus ce qui est d’institution divine. Il n’a pas le pouvoir de supprimer la messe ou un autre sacrement, ni d’en changer la signification, ni de rejeter tout l’héritage de la Tradition qui nous les a transmis.
Nous avons vu que rien de tel n’apparaît dans le nouvel Ordo, qui est un chaînon authentique de la Tradition catholique.
Paul VI a promulgué son Ordo dans les formes canoniques par une Constitution Apostolique qui se termine par ces mots :
« Nous voulons que ce que nous avons statué et prescrit soit dès maintenant et à l’avenir ferme et efficace »…
Nous sommes en présence d’une volonté clairement signifiée par le Vicaire du Christ, qui a toute autorité pour le faire. Les arguties et finasseries de certains canonistes n’y peuvent rien.
Enfin, et c’est le plus important : le Pontife Romain, statuant souverainement sur une matière d’une importance suprême comme est la façon de célébrer le sacrifice de la Nouvelle Alliance, jouit pleinement du charisme de l’infaillibilité.
Il est exclu qu’il puisse se tromper, tromper les évêques, tous les prêtres et tous les fidèles de l’Eglise latine, en promulguant une Messe qui serait hérétique ou proche de l’hérésie, ou risquant d’induire l’Eglise en erreur sur la nature du Sacrifice eucharistique.
La sainte Liturgie, en effet, comme les autres décrets disciplinaires à caractère universel, et comme l’approbation des ordres religieux, est l’objet indirect du magistère infaillible : « Ecclesia est infaillibilis in decretis disciplinaribus et in approbatione Ordinum religiosorum »: thèse theologice certa.
Cela ne veut pas dire que les liturgies, les décrets ou les constitutions des ordres approuvés soient les meilleurs possibles, ni qu’ils soient irréformables; mais simplement qu’ils ne peuvent jamais être en opposition avec la foi et les mœurs. Cf. D.T.C. art. Eglise, col. 2185-2186 ; art. Infaillibilité, col. 1706.
Voir aussi l’adage de Célestin Ier « Legem credendi lex statuat supplicandi » (Dentz. 139 — E. 2200).
Le nouvel Ordo est pleinement catholique. Cela ressort de l’examen attentif que nous en avons fait. Cela s’appuie sur l’infaillibilité pontificale, laquelle est un dogme de foi catholique.
CONCLUSION GENERALE
Au cours de cette étude, nous avons montré, textes en main, que :
Le nouvel Ordo, s’il apporte des changements notables dans la manière de célébrer la Messe, ne constitue en aucune façon une subversion de la liturgie traditionnelle.
Notre Messe catholique reste ce qu’elle a toujours été: le renouvellement du sacrifice de la Croix.
Au passage, nous avons été amené à réfuter des opinions et des jugements erronés, des contre-vérités manifestes qui circulent actuellement parmi nos meilleurs amis.
Nous avons simplement voulu rétablir la vérité, car rien de solide ne s’établit en dehors de la vérité, et les meilleures causes sont irrémédiablement compromises par l’ignorance ou la passion.
On nous accusera de voler au secours des « tyrans de la réforme liturgique » et d’accabler le peuple chrétien fidèle qui est excédé par les changements et les abus qui s’ensuivent, et qui voudrait bien pouvoir prier en paix dans des églises qui redeviendraient la Maison de Dieu. Nous partageons entièrement leur écœurement.
Nous ferons tout pour que la situation se stabilise, que le vent de folie qui traverse l’Eglise s’apaise, comme la tempête de l’Evangile. Tout, excepté de déclarer noir ce qui est blanc, hérétique ce qui est orthodoxe, moderniste ce qui est traditionnel dans son sens le plus profond — qui n’est pas l’immobilisme, faut-il le rappeler.
On nous taxera de naïveté, d’ignorance du complot moderniste qui, par petites ou grandes touches successives, s’emploie à ruiner la liturgie, le dogme et la morale de l’Eglise. Nous n’ignorons rien de tout cela.
Nous pensons même que le moment n’est guère bien choisi au milieu de la crise qui secoue l’Eglise et le monde, pour développer une réforme liturgique de cette ampleur. Mais le Saint Père a choisi de mener à bien cette réforme, malgré la tempête.
Avons-nous le droit de contester son autorité souveraine? Si, par impossible, le Pape imposait à l’Eglise une Messe hérétique et schismatique, il faudrait la refuser.
Mais justement, l’infaillibilité promise au Successeur de Pierre exclut absolument, non peut-être l’hérésie personnelle, mais qu’il puisse enseigner publiquement ses erreurs et les imposer par voie d’autorité. — Du moins le Pape ne pourrait-il pas, par faiblesse, laisser faire, laisser passer certaines choses dangereuses pour la foi? Certes.
Cela est possible dans des cas particuliers, non dans une promulgation de portée universelle.
Il faudrait alors crier au feu, crier jusqu’à ce qu’il entende. Mais encore une fois, rien de pareil ne s’est produit avec la publication du nouvel Ordo.
La supplique que nous adressons au Saint-Père énumère un nombre considérable de points qui, surtout dans l’Institutio Generalis, mériteraient, à notre sens d’être rédigés avec un plus grand souci de précision doctrinale. Dans une époque « normale », en effet, certaines interprétations dans un sens libéral ou moderniste ne viendraient à l’esprit de personne.
Mais nous ne sommes pas dans une époque normale…
Aussi bien, la Déclaration de la Congrégation du Culte divin en date du 18 novembre (voir Doc. Cath. du 1er mars 70) indique clairement que des modifications pourront être suggérées en vue de l’édition type… si l’on peut trouver des expressions plus claires permettant une meilleure compréhension pastorale et catéchétique, ainsi qu’une plus grande perfection des rubriques, le Siège apostolique veillera à ce qu’il en soit ainsi » .
EPILOGUE : EN GUISE DE CONCLUSION DES 3 PARTIES
« Attention! Par un attachement mal compris à la tradition, on est en train de donner aux fidèles l’habitude de la méfiance et de la contestation. Ils ont été si souvent bernés que leur réflexe devient automatiquement négatif.
Certains fidèles passent leur temps à « bougonner » contre les moindres changements, et pendant ce temps-là, ils ne prient pas. Est-ce que Dieu y trouve son compte? Ou n’est-ce pas plutôt Satan?
A ceux-là nous disons: Surmontez votre dégoût. Offrez-le au Seigneur et priez davantage. Ne vous cramponnez pas à vos petites habitudes, ne les canonisez pas indûment. Ne devenez pas des objecteurs de conscience. N’imitez pas Jonas sous son ricin.
Ne cédez pas à la tentation de « la Petite Eglise », ni à celle des petites chapelles.
Puisque le Pape nous donne un nouvel Ordo, recevez-le avec respect, la ferveur et la joie viendront ensuite. Et que la Paix soit avec vous, la vraie, celle que le monde ne peut donner, et qui rayonne de tous ceux qui sont unis à Dieu au sein de la véritable Eglise ».
Les Chevaliers de Notre Dame, le 29 janvier 1970