Article 19 : Article 19 : La Bulle de Paul IV, argument massue des sedevacantistes ?
La bulle Cum ex apostolatus officio de Paul IV est l'argument majeur utilisé par les sedevacantistes qui professent que nous n'avons plus de pape depuis Vatican II.
Résumé de l'article 18 :
« Une fois le nouveau pape reconnu et approuvé par l'Église Universelle, receptus & probatus (acte du haut-clergé de l’église de Rome récapitulé dans le Sacré-Collège cardinalice), il n’est plus permis au catholique, qu’il soit simple laïc, prêtre, évêque ou archevêque, de douter de la légitimité du nouvel élu au Siège de Pierre, sous peine d’excommunication ipso-facto.
Quand on est catholique et qu’on veut le demeurer, il faut penser avec l’Église. L’hétérodoxe « libre-examen » n’est pas plus permis au simple catholique pour les actes doctrinaux du Magistère que pour la légitimité pontificale. Or, l’Église ne permet pas de douter de la légitimité des papes post Vatican, puisqu’ils ont tous bénéficié de cet acte de reconnaissance ecclésiale universelle.
La Constitution divine de l'Église, c'est une Volonté divine intangible jusqu'à la fin du monde, qui ne saurait en aucun cas être renversée par un autre fait sans avoir à en conclure, immédiatement et sans retour, que « les portes de l'enfer ont prévalu contre l'Église ». La démarche des sédévacantistes est toute à l'opposé de l’attitude catholique humble et respectueuse de ce que le Christ fait dans son Église.
D'une manière fort hétérodoxe, elle ne se soumet pas à cette règle capitale du respect de la Constitution divine de l'Église, à savoir que le jugement de la Foi du pape est strictement réservé au haut-clergé de Rome mandataire de droit divin de l'Église Universelle, c'est-à-dire au Sacré-Collège.
Le contexte historique de la Bulle et la personnalité du pape Paul IV
Le sedevacantiste argue que la bulle de Paul IV, « toujours actuelle », contredit cette grande loi fondamentale de la constitution divine de l’Église, à savoir l’infaillibilité de l’acte de reconnaissance ecclésiale universelle du nouveau pape, puisque son § 6 professe qu’un pape dont on découvrirait qu’il était hérétique avant sa promotion au souverain pontificat, verrait tout son pontificat rétroactivement invalidé… nonobstant toute reconnaissance ecclésiale universelle au moment de l’élection.
Qui a raison, d’une simple bulle dont l’objet est purement disciplinaire, non-dogmatique, par ailleurs unique dans le Bullaire pontifical quand bien même elle est reprise dans le droit canon pie-bénédictin (mais... pas pour l’invalidation de l’élection pontificale), ou bien une loi de droit divin de la constitution de l’Église telle que confectionnée par Notre-Seigneur Jésus-Christ, et sans laquelle celle-ci s’écroule irrémédiablement ipso-facto ?
Poser la question, c’est y répondre.
Il faut bien saisir le contexte historico-ecclésial, et surtout cerner la personnalité toute passionnelle du rigoriste voire énergumène pape Paul IV, pour comprendre comment une bulle si honteuse, si déshonorante pour la sainte Église romaine, ait bien pu voir le jour ».
Par un traditionaliste ami qui a refusé de tuer l’Eglise dans son âme (résumé par mes soins)
Les sédévacantistes se rebellent de toutes les manières possibles et la première s'appelle LA BULLE DE PAUL IV : Cum ex apostolatus du 15 février 1559.
Et il est parfaitement vrai que ce document pontifical contredit sans complexe la loi fondamentale, basée sur le droit divin, de l'infaillibilité de l'acte de reconnaissance ecclésiale universelle du nouveau pape dans son § 6 ainsi.
Alors, quid ? Comment un pape a-t-il bien pu se permettre de promulguer ces lignes directement attentatoires à la Constitution divine de l'Église ?
Commençons par étudier le contexte ecclésial historique qui a vu la promulgation de ladite bulle pontificale, et surtout la personnalité du pape Paul IV, pour saisir comment un pape, certes voulant sincèrement le Bien de l'Église, mais fanatiquement rigoriste jusqu'à l'injustice criante et de gravissimes péchés contre la charité la plus élémentaire envers le prochain (ce que l'histoire ecclésiastique la plus exacte et objective enregistre hélas sans équivoque), a pu oser sortir ce document incroyable, l'un des plus malheureux et même scandaleux, honteux, du Bullaire pontifical, puisqu'il attente de plein fouet à une loi fondamentale de la Constitution divine de l'Église.
Cette malheureuse bulle du très-irascible pape Paul IV ne fait qu'enferrer gravement le fidèle traditionaliste dans l'hétérodoxie sédévacantiste, au grand dam de sa Foi catholique et donc de son salut, et celui de son prochain, surtout quand il est prêtre.
Tout d'abord, notons qu'une petite partie seulement de la doctrine exposée dans cette bulle ose contredire la loi de droit divin, à savoir que la reconnaissance par l'Église universelle de l'élu d'un conclave comme pape, est un acte parfaitement INFAILLIBLE DE PAR SA NATURE. C'est en effet dans le seul § 6 que le pape Paul IV dit :
« Si jamais un jour il apparaissait qu'un évêque, faisant même fonction d'archevêque, de patriarche ou de primat ; qu'un cardinal de l'Église romaine, même légat ; qu'un Souverain Pontife lui-même, avant sa promotion et élévation au cardinalat ou au souverain pontificat, déviant de la foi catholique, est tombé en quelque hérésie, sa promotion ou élévation, même si elle a eu lieu dans la concorde et avec l'assentiment unanime de tous les cardinaux (sic !!), est nulle, sans valeur, non-avenue. Son entrée en charge, consécration, gouvernement, administration, tout devra être tenu pour illégitime. S'il s'agit du souverain pontife, on ne pourra prétendre que son intronisation, adoration (agenouillement devant lui), l'obéissance à lui jurée, le cours d'une durée quelle qu'elle soit (de son règne), que tout cela a convalidé ou peut convalider son pontificat (sic !!!) : celui-ci ne peut être tenu pour légitime jamais et en aucun de ses actes (re-sic !!!) » !
D'ores et déjà, comprenons bien qu'une simple bulle - absolument unique dans le bullaire romain, quoique citée dans l'ancien Droit Canon, mais nullement pour l'invalidation de l'élection d'un pape dont on découvre a-posteriori qu'il est hérétique - ne saurait être valablement opposée à une loi fondamentale de la Constitution divine de l'Église, dotée de l'infaillibilité.
Elle est si anti-théologique, si excessive, et même si hérétique, cette bulle, dans le raisonnement de fond de ce § 6, qu'on se prend à se demander si le pape Paul IV n'est pas tombé dans un piège subtil du démon réservé à ceux qui veulent la perfection spirituelle (comme c'était bien sûr le cas du restaurateur de l'Inquisition, vénéré par saint Pie V, qui le considéra un peu comme son père spirituel).
En faire trop c’est par-là même court-circuiter l'Action de la Providence divine en se mettant à sa place. Surtout quand on lit le préambule de la bulle, dans lequel Paul IV expose ses motivations :
« ... Et, dit-il, pour que Nous puissions ne jamais voir dans le Lieu-Saint l'abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel, Nous voulons, etc. » (§ 1).
Est-il possible à l'homme, fût-il pape, de supprimer l'épreuve suprême que Dieu Lui-même a destinée à l'humanité pour la Fin des Temps, prophétisée infailliblement dans les saintes-Écritures ? Est-ce bien seulement catholique ? Non, car il faut que « l'Écriture s'accomplisse ». ET LE SAINT-ESPRIT LAISSERA FAIRE ce que l’Ecriture a prédit, comme aux temps de la mortelle Passion du Christ, Il L'a laissé être crucifié jusqu'à ce que mort s'ensuive, sans intervenir.
En 1846, la très-sainte Vierge à La Salette prophétisait dans le Secret confié à Mélanie le règne de l’Antéchrist-personne. Or, à aucun endroit, elle ne cherche à supprimer la « grande tentation universelle » dont nous entretient l'Apocalypse : elle reste soumise au Plan de Dieu, à sa Volonté, à l’instar de son divin Fils, faisant montre de plus de sagesse, elle qui est le Sedes Sapientiae : sans cesser d'être sereine, elle prophétise l'inéluctable épreuve suprême de l’Église, afin que les âmes fidèles puissent s'y préparer.
Le respectable pape Paul IV s’en obsèdera et s’en rendra fou dans les dernières années de sa vie, au point d'occuper toutes ses journées, au détriment même des grandes affaires de l'Église : il disait avoir peur qu'après sa mort, ne soit élu pape un des deux cardinaux Pole et Morone qu'il jugeait comme de dangereux hérétiques occultes, complètement à tort, à moins qu'il n’éprouvât cette peur pour l'un de ses bandits de cardinaux-neveux !
« Un rapport de l'ambassadeur vénitien du 6 novembre 1557 nous apprend les protestations des cardinaux, parce que le Pape convoquait chaque dimanche l'inquisition pour poursuivre les hérétiques un à un et négligeait pendant ce temps les affaires les plus importantes, telles que le danger où l'on était de perdre des États entiers comme la Pologne et l'Allemagne, qu'il laissait sans nonce » (Histoire des Papes depuis la fin du Moyen-Âge, Pastor, t. XIV, p. 279).
On voit Paul IV obligé, pour atteindre ce but qu'il s'est fixé dans son excès de zèle pieux, de toucher sacrilègement à un point fondamental de la Constitution divine de l'Église.
La bulle de Paul IV a donc, dès les prémisses, un mauvais relent outrancier, bien d'ailleurs dans le caractère entier, violent, cassant, emporté et raide de son auteur. À son entière décharge, il faut d'ailleurs dire que lorsqu'il la promulgua, il était tellement choqué d'avoir été trompé par ses neveux-cardinaux, qu'il n'était plus en possession de tous ses moyens : « La main de la mort l'avait déjà légèrement touché ; l'émotion que lui avaient causée la découverte des méfaits de ses neveux et leur chute, avait donné le choc décisif à sa constitution de fer. À partir de ce moment, il fut malade de l'esprit autant que du corps », commente notre historien.
Il y a en outre quelque chose de bizarre dans la construction intrinsèque de la bulle. Si l'on excepte l'affirmation générale de l'introduction : « Nous considérons la situation actuelle assez grave et dangereuse pour que le Pontife Romain (...) puisse être contredit s'il dévie de la Foi », cinq paragraphes sur sept, qui forment quasi tout le corps du texte, ne citent nullement le Pape, mais seulement tout grand-clerc ou tout haut personnage laïc.
Comme si les cardinaux qui, dans leur grande majorité, voulaient freiner Paul IV, avaient essayé, dans leur rédaction commune de la bulle avec l’irascible Paul IV, de la cantonner au pouvoir qui lui était théologiquement réservé, contre le désir outré du Pape, à savoir : déclarer nulle et non avenue la promotion de tout prélat de l'Église dont on découvre a-posteriori qu'il est hérétique, aussi élevé soit-il dans l'échelle de la hiérarchie ecclésiastique.
Ce qui, dans une période critique de la vie de l'Église où il y a danger prochain et immédiat de subversion, peut se comprendre), MAIS NE SURTOUT PAS TOUCHER AU PAPE ET ENCORE MOINS À LA SACRO-SAINTE ÉLECTION PAPALE.
L'historique de la promulgation de cette bulle nous convaincra sans peine de cette lutte interne entre le farouche Paul IV et ses cardinaux.
« Moins on trouvait de preuves contre Morone, plus s'accroissait la crainte de Paul IV que cet homme, qu'il tenait une fois pour toutes pour hérétique, pût devenir son successeur ».
Il entendait à tout prix, par les plus sévères ordonnances, rendre impossible une pareille éventualité.
Paul IV voulait revenir à la discipline la plus sévère pour réformer l'Église : « Il promit solennellement de consacrer toutes ses forces à la restauration de la paix dans la Chrétienté et au renouvellement de l'ancienne discipline dans l'Église universelle » (Pastor, p. 73).
Le problème, c'est que s'il prit beaucoup de mesures heureuses à Rome, par exemple contre les filles publiques, etc., il concevait cette restauration violemment et sans discernement :
« Cette absence de ménagement de Paul IV apparut dans la façon si rude avec laquelle, le 30 juillet 1555, il donna son congé à Palestrina, de la chapelle papale, dans laquelle à l'avenir il ne voulait plus souffrir de gens mariés » Pastor, p. 74) !!!
À la fin de 1558, le bruit courut que Paul IV préparait une bulle pour retirer tout droit d'élection actif et passif dans les conclaves aux cardinaux convaincus d'hérésie ou à ceux mêmes qui avaient été soumis à l'Inquisition pour simple soupçon d'hérésie (... suivez le regard de Paul IV !).
Le 8 février 1559, le Pape fit effectivement lire au Consistoire un document de ce genre. Il n'insista cependant pas.
Les cardinaux déclarèrent que l'homme le meilleur pouvait avoir un ennemi qui l'accusât du pire ; tant qu'un cardinal n'était pas convaincu de ce crime, il ne pouvait être exclu du conclave.
À la suite de cela, la bulle fut encore une fois remaniée. Dans la teneur où elle fut souscrite, le 15 février 1559, par tous les cardinaux, elle déclarait que l'élection d'un homme qui aurait, ne fût-ce qu'une fois, erré en matière de foi, ne pouvait être valide.
Caractère disciplinaire de la Bulle de Paul IV, non couvert par l'infaillibilité
Le document en question renouvelait et renforçait solennellement les anciennes et sévères ordonnances contre les hérétiques, laïques aussi bien qu'ecclésiastiques, même s'ils étaient revêtus des plus hautes dignités, ajoutant que « toutes les personnes occupant un rang et une dignité devaient être considérées, dès leur première [!!!] faute, comme sujettes à rechuter, car on n'a que trop de preuves des suites fâcheuses qu'une telle défaillance entraîne après elle ».
Pourtant les cardinaux visés, Pole et Morone, étaient parfaitement innocents :
« Quelque effort que les inquisiteurs fissent par la suite pour trouver contre Morone une apparence de faute, ils ne purent y réussir. Au contraire, on trouva des documents qui ne laissaient aucun doute sur les sentiments du cardinal. Malgré cela, le malheureux ne fut pas relâché » (Pastor, p. 242).
Il est d'ailleurs assez étrange d'avoir à se rappeler que Morone et Pole furent les deux papabiles les plus en vue avec Jean-Pierre Carafa futur Paul IV dans le Conclave de 1555 qui élit ce dernier : leur gardait-il un ressentiment ? Cela ne l'honorerait pas beaucoup, surtout si l'on rajoute qu'il fut élu à l'arraché, à une voix près, très-notamment grâce à l'intervention du Cardinal… Morone !! auprès des conclavistes qui ne voulaient pas de sa candidature, et à celle du très-influent Cal Farnèse, l'ami du Cardinal ... Pole !!, un cardinal Pole qui, d'ailleurs, en 1555, ne souhaitait pas du tout être élu pape.
Paul IV n'abandonna cependant pas son plan (les cardinaux n’étaient pas d'accord d'aller si loin que le veut, à toutes forces, le Pape, qui va finir cependant par imposer ses vues dans un des documents les plus regrettables du Bullaire romain, au moins pour l'hérétique § 6.
Le 6 mars, il rendit un décret d'après lequel quiconque aurait été seulement accusé d'hérésie (tenez-vous bien : à raison ou... à tort !!!), ne pourrait plus devenir pape. De la sorte, il ne se borna pas à lui retirer le droit d'élection actif mais même passif, c’est-à-dire la possibilité d'être lui-même élu pape : voilà, justement, qui est anti-théologique au plus haut point, comme prenant la place du Saint-Esprit, et qui précisément est arraché de force aux cardinaux par le pape follement rigoriste et mal inspiré.
Les papes avaient petit à petit abandonné ces ordonnances, précisément sur ce point de ne pas permettre à un évêque hérétique repenti de réinvestir son siège, après une pénitence convenable. Et ce, dès les Xe et XIe siècles, surtout en ce qui concernait les églises d'Orient, aux affaires souvent si compliquées qu'une rigoriste excommunication de tout prélat qui aurait chuté une seule fois, souvent malencontreusement ou entraîné de force, aurait tout simplement empêché l'Église orientale de continuer à exister, raison qu'invoquaient alors les papes qui relâchaient la sévérité des anciens canons. Canons que, donc, Paul IV voulait remettre en vigueur.
L'histoire du pape Vigile
Relatée précédemment, détruit avec éclat cette vue ténébreuse et pessimiste des choses, janséniste avant la lettre, qui fait abstraction de la toute-puissance de la Grâce et de l'Amour divins.
Sans parler du pharisien sectaire Saül devenu saint Paul, l'Apôtre des Gentils et son patron de pontificat, Paul IV se souvenait-il de l'histoire du rhétoricien Augustin, infecté pendant ses trente premières années de la pire des hérésies, le manichéisme ? Si sa bulle avait paru au IVe siècle, l'évêque d'Hippone n'aurait tout simplement pas existé et on n'aurait pas eu le plus grand des Pères de l'Église !
Mieux encore, si l'on peut dire, parce que l'histoire édifiante qui va suivre eut un grand retentissement et qu'elle se passait à Rome sous les yeux mêmes du futur Paul IV : nous voulons parler de la si belle conversion de Sixte de Sienne, jeune et ardent franciscain hérétique « né dans le judaïsme, croit-on » (Tilloy, p. 39), que Michel Ghislieri, futur cardinal Alexandrin, futur saint Pie V, alors grand-inquisiteur, eut la sollicitude pastorale d'aller visiter en prison quand il était relaps.
Il parvint à le faire se reconnaître, puis, immédiatement, alla demander à genoux sa grâce au pape Jules III qui la lui accorda. Sixte de Sienne se convertit tout de bon cette fois-ci et ne rechuta plus jamais. Le plus beau, c'est que ne voulant pas reprendre l'habit franciscain « pensant l'avoir déshonoré », le P. Ghislieri le revêtit alors d'une de ses tuniques et introduisit dans son Ordre [dominicain] ce nouveau Frère qui devint un prêtre, un écrivain illustre et un vaillant champion du dogme chrétien » !
Or, l'histoire ecclésiastique regorge de cas semblables qui prouvent que la soi-disant loi qui veut qu'un hérétique converti même sincère ne puisse cesser d’être hérétique en son âme (et donc qu’on doit l’éloigner de la prêtrise ou de l'épiscopat), selon l'exécrable sentence janséniste que « là où il y a eu feu, il y aura toujours fumée », n'est certainement pas de droit divin, en tous cas elle souffre de beaucoup d'exceptions, Dieu soit béni.
Mise en perspective
Après la gravissime crise du protestantisme, deux tendances se dessinaient chez les hauts prélats catholiques pour la résorber :
1 -l'une rigide, dont le principal moyen sera inquisitorial, allié à l'austérité de vie des membres,
2 - l'autre, dite des Spirituels, plus humaniste, plus douce (à la saint François de Sales), plus attachée à convertir par le cœur que par l'esprit,
Certes à coloration peut-être quelque peu irénique mais pareillement liée au grand et catholique désir d'une vraie réforme dans l'Église et à la sainteté de vie des chefs de file.
Paul IV, faut-il le préciser, se trouve dans la première catégorie. Pole et Morone se trouvent aux premiers rangs de la seconde, quoique les choses ne soient pas aussi tranchées que cela, Morone, on l'a vu, n'hésitant pas à appuyer l'élection de Paul IV au conclave de 1555.
Le vindicatif Paul IV, par contre, lui, une fois monté sur le Siège de Pierre, fait aussitôt juger le Cal Morone comme figure de proue de la seconde tendance, qu'il jugeait à tort hétérodoxe, quand, dans le même temps, il élevait à la pourpre ses trois neveux indignes (!!!), cédant au népotisme, puis veut à toutes forces le convaincre d'hérésie formelle, mais sans succès comme on l'a vu, lorsqu'il le fait emprisonner (1557-1559).
Bien entendu, les sedevacantistes de formation écônienne très-historiciste, quoiqu'en dissidence fort affichée, font une lecture manichéenne de l'épisode, effectivement très-important dans la vie de l'Église :
- il y a d'un côté, les « méchants » (tendance des Spirituels, mystique),
- et de l'autre, les « bons » (tendance inquisitoriale).
Les choses sont-elles si tranchées ?
L'Histoire s'inscrit absolument en faux contre le simplisme partisan de cette thèse. Les cardinaux Pole et Morone étaient tout simplement d'une tendance beaucoup plus miséricordieuse que Paul IV dans la lutte contre les protestants, ce qui ne revient pas à dire moins catholique et surtout moins valable pour convertir les nouveaux hérétiques, comme veut à toutes forces le croire Paul IV.
Rohrbacher, à propos du grand Cardinal Pole, précise :
« Les voies de rigueur répugnaient extrêmement à son caractère, et il opina toujours pour celles d'indulgence ». Et dans la même page, notre historien de préciser : « Du reste, le protestant Burnet même lui rend la justice que Cal Pole fut illustre, non seulement par son savoir, mais encore par sa modestie, son humilité, son excellent caractère ; et il convient que si les autres évêques eussent agi selon ses maximes et gardé la même modération, la réconciliation de l'Angleterre avec le Saint-Siège aurait été consommée sans retour ».
Voilà donc celui que Paul IV suspectait d'hérésie !
Dans son diocèse de Cantorbéry, Polus suspendit l'exécution des anciennes lois contre les hérétiques qui envoyaient systématiquement au bûcher tout prévenu condamné, en passant par des tortures barbares et procéda plus par douceur.
Les évêques et les prêtres, qui, quoiqu’adhérant au schisme d'Henri VIII, ne s'étaient pas prêtés aux innovations religieuses d'Édouard VI, furent maintenus dans leurs bénéfices et dans leurs fonctions, les autres n'y furent réintégrés qu'après avoir subi des épreuves sur leur capacité et sur leur conduite.
On répara les défauts des ordinations faites selon le nouveau rituel anglican. On obligea les prêtres mariés à se séparer de leurs femmes et à s'abstenir des fonctions sacerdotales, sans toutefois les destituer de leurs places. Le cardinal Pole était entièrement livré au rétablissement de la discipline ecclésiastique, soit dans les assemblées du clergé de sa métropole, soit dans un concile national qu'il tînt à cet effet, et où il fit rédiger d'utiles règlements, tels que les circonstances pouvaient les comporter ».
On voit très clairement ici que la pastorale miséricordieuse du Cardinal Pole était parfaitement catholique et très fructueuse, pas du tout motivée par une sorte d'indulgence coupable envers l'hérésie. Or, loin d'être suspecte dans l'Église, cette pastorale est plutôt en odeur de sainteté puisqu'elle fut celle communément employée par les papes pour les hérétiques de l'Église orientale, pendant les... quatre siècles de survie de l'Empire d'Orient !
Mais certes, on comprend aussi combien cette douceur des moyens était étrangère à la « pastorale » intransigeante de Paul IV qui ne voulait rien moins qu'appliquer dans l'Église universelle les mêmes lois d'autodafés rigoristes que celles de la politique anglaise.
Ce fut au milieu de ces travaux qu'il éprouva de violents accès de fièvre quarte, qui le conduisirent au tombeau le 18 novembre 1558.
Le sedevacantiste s'abuse ou triche donc beaucoup quand il dit que « grâce à la bulle de Paul IV, Morone ne fut pas élu pape ».
C'est totalement et historiquement faux. Au conclave de 1559 qui suivit la mort de Paul IV, personne n'invoqua cette bulle extrémiste et fanatique, mais surtout hérétique, la présence active et passive de Morone à ce Conclave en étant une preuve suffisante.
Les contemporains de Paul IV n'avaient pas, dans leur grande majorité, jugé sa sévérité de bon aloi pour l'Église ; c'est pourquoi, Paul IV à peine mort, on les voit ne tenir absolument aucun compte de ses pourtant tout récents décrets anathématisants, censés foudroyer Morone. La meilleure preuve en est dans la bulle sur la législation des conclaves qu'édictera le pape Pie IV, successeur immédiat de Paul IV, bulle importante que cite notre historien des conclaves, Lucius Lector :
« Mentionnant les actes de ses prédécesseurs qui se sont occupés de cet objet de capitale importance, énumérant ces actes antérieurs d'Alexandre III à Jules II, Pie IV ne mentionne pas la bulle de son prédécesseur immédiat Paul IV » (Lector, p. 114 & note 1 même page).
Omission volontaire car confirmée par le can. 24 de cette bulle de Pie IV :
« Il est interdit aux cardinaux de rien changer à cette bulle. Ils devront prêter serment de l'observer comme celle de Jules II et de ses prédécesseurs" (ibid., p. 120). C'est-à-dire que les bulles de Paul IV sur la question sont tout simplement passées à la trappe!
Lors du Concile de la Contre-Réforme que le Cardinal… Pole avait co-présidé en 1545, il fit en cette qualité lors de l'ouverture une exhortation si édifiante à tous les Pères que Rohrbacher dit qu'elle « respire le véritable esprit de l'Église, l'esprit de Dieu, comme dans les consolantes lettre de sainte Catherine de Sienne » (Rohrbacher, t. XXIV, p. 18), ce qui n'est pas un petit compliment.
Pour sa part, le Cal Morone œuvra si ardemment à bien terminer le concile, que l'évêque de Nazianze, dans le discours de clôture, lui adressa de belles louanges : « Morone fut le seul prélat à être nommément félicité dans ce très-officiel discours de clôture, juste derrière le pape Pie IV ».
« (…) Pie IV, édifiant dans son constant et fervent appui du concile de Trente, se distinguait singulièrement de son prédécesseur [Paul IV] par une grande douceur de caractère ; (...) son pontificat fut une période de conciliation et de paix ».
Réhabilitation du Cardinal Morone par Pie IV et saint Pie V
Le bon Pie IV, en effet, qui menait le plus saintement possible les affaires de son pontificat avec son neveu inspiré qu'il avait fait cardinal, saint Charles Borromée, avait totalement réhabilité le Cal Morone suite à l'enquête établie notamment par Michel Ghislieri, le chef de toute l'Inquisition et futur... saint Pie V, lequel saint patron des tradis de toute obédience et singulièrement de celle sédévacantiste, ne croyait donc pas à l'hérésie de Morone.
« Après une enquête suffisante [sur le cas Morone], conduite par les cardinaux Puteo et Ghislieri, dont l'un était réputé comme un grand juriste, l'autre comme un grand théologien, Pie IV rendit, le 13 mars 1560, le jugement définitif. Il releva dans la procédure de l'Inquisition sous Paul IV, une série d'erreurs tant dans le fond que dans la forme. L'incarcération de Morone avait eu lieu sans le moindre fondement de soupçon légitime ».
Le Saint-Esprit parle aussi par l'Histoire de l'Église
Et souvent aussi clairement, aussi infailliblement, que par les décrets (Melchior Canus faisait de « l'autorité de l'Histoire », le dixième et dernier de ses si éclairants Lieux théologiques pour accéder à la connaissance de la Vérité).
Éh bien donc, continuons à nous enseigner par « notre Sainte Mère Église », comme on disait dans le temps quand on savait vivre.
Commençons par remarquer, pour rire un peu !
Mgr lefebfre déclaré invalide par la bulle de Paul IV:
Si l'on suivait la bulle de Paul IV et si les prescriptions dans le § 6 étaient vraiment de droit divin comme l'avancent péremptoirement, mais fort inintelligemment, les sédévacantistes, tout le mouvement traditionaliste serait... sans évêques et bien sûr sans prêtres (Mgr Lefebvre ayant été sacré par le Cal Liénart, ce dernier étant réputé franc-maçon, son sacre était donc invalide)!
Mais, à la limite, ce ne serait pas vraiment « grave », bien sûr, pour un sédévacantiste qui se respecte, et qui n’est pas à cela près d’invalider le sacre de Mgr Lefebvre...
Disparition de l'Eglise catholique au VI° siècle :
Ce qui le sera peut-être un peu plus, tout-de-même, c'est que, toujours selon les prescriptions du § 6 de ladite bulle, l'Église aurait disparu dès... le sixième siècle, sous le pape Vigile (538-555).
Et irréparablement, puisque, si l'on suit Paul IV, les prélats, même le pontife suprême, s'ils sont une seule fois pris la main dans le sac de l'hérésie, sont déchus de leurs sièges « définitivement » (§ 3).
« En guerre avec l'Espagne, Paul IV ira jusqu'à faire perquisitionner chez Ignace de Loyola qui, sa mort venant, demande quand même sa bénédiction. On mesure là toute la sainteté du fondateur des Jésuites ! » (Levillain, à l'article "Jésuites", p. 966, 2eme col.).
Ce sont des traits de la mentalité de Paul IV qu'il faut bien avoir en tête quand on parle de sa fameuse bulle.
Des ressemblances avec les thèses hérétiques ?
Notons en passant que la position de Paul IV et des sédévacantistes qui le suivent sur ce point, ressemble fort à celle des hérétiques Novat et surtout Novatien qui, dans les temps des grandes persécutions de l'Église sous la Rome païenne, refusaient rigoureusement toute réintégration dans l'Église du chrétien qui avait failli une seule fois.
Les papes d'alors et toute l'Église, notamment saint Cyprien de Carthage, rejetèrent cette cruelle doctrine pour adopter celle, plus miséricordieuse, d'une pénitence proportionnée à la chute, au cas par cas, et anathématisèrent Novatien.
Or, on peut remarquer que c'est ce même rigorisme excessif qu'on retrouve dans la bulle de Paul IV, lequel, pas plus que Novatien pour le simple chrétien, n'admet la réintégration d'un prélat hérétique dans sa fonction d'Église, du moment qu'il a chuté une seule fois, même s'il revient à la Foi et se repent sincèrement.
Incohérence de l’opinion sedevacantiste
Comment va bien s'y prendre notre sédévacantiste de l'an de grâce 2024, treize siècles après ces ordinations invalides qui bien entendu se sont propagées par toute l'Église puisque les prélats ordonnés par Vigile ont à leur tour ordonné d'autres prélats, bien entendu eux aussi invalides, etc. ?
Va-t-il lui falloir vérifier les « généalogies » de tous les diocèses... du monde entier ?
Conclusion :
De cette bien peu glorieuse page de l'Histoire, on tire deux enseignements de premier ordre :
1) L'un condamne sans appel la bulle de Paul IV en son § 6 invoqué par les sédévacantistes pour invalider l'élection de Paul VI : un complice d'hérétiques formels avant voire même lors de son élévation au Siège de Pierre peut parfaitement bien devenir et être vrai pape, « verus papa » (Pie XII), si le Saint-Esprit en a ainsi décidé.
PUISQUE C'EST ARRIVÉ UNE FOIS DANS L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE, IL EST PAR-LÀ AU MOINS PROUVÉ QUE LA BULLE DE PAUL IV NE MANIFESTE PAS LE DROIT DIVIN DANS LE § 6.
Le Droit divin en effet, ne supporte aucune exception. Il est manifeste, en effet, que Vigile est de connivence formelle avec les hérétiques avant d'être pape puisque c'est précisément... "grâce" à cette complicité avec l'hérésie qu'il est promu pape (canoniquement, il y a d'ailleurs une seconde raison grave d'invalidation de son élection, c'est qu'elle est entachée de simonie).
Selon Paul IV, donc, aucun problème, son élévation au Souverain Pontificat est absolument nulle, non-avenue de plein droit (car, dans sa bulle, non seulement il déclare déchu sans espérance de retour les prélats qui sont eux-mêmes hérétiques, mais aussi ceux qui "favorisent et se rendent complice" des hérétiques (§ 5). Comme c'est bien sûr le cas de notre très méchant Vigile.
Mais le Saint-Esprit, apparemment, n'a pas vu les choses comme cela, et, d'une pierre, a suscité un pain pour toute la Chrétienté : Vigile fut bel et bien vrai pape, c’est ainsi que l’Église l’a enregistré.
2) L'autre enseignement est, on en conviendra, une édifiante et fort instructive illustration du caractère infaillible et tout divin de l'acte de reconnaissance par l'Église universelle de la personne du pape.
Une fois cet acte ecclésial intervenu, l'Assistance invincible par le Saint-Esprit de la personne du Pape pour les affaires de l'Église universelle ne peut manquer, comme il appert on ne peut mieux du cas Vigile.
AVANT sa promotion au Siège de Pierre, Vigile, sur le plan doctrinal, "parle mal et comme un insensé", à son propre et surprenant témoignage ; mais APRÈS cette promotion, c'est-à-dire plus exactement après la reconnaissance de l'Église romaine de ladite promotion au Souverain Pontificat suite à la mort de l'infortuné pape Silverius, il devient parfaitement et héroïquement orthodoxe dans sa Foi, au péril de sa vie, évidemment par grâce du Saint-Esprit qui ne lui permet pas, dans sa charge de pape, de mener à mal les destinées de l'Eglise".